Intervention de Raphaël Gauvain

Réunion du mercredi 10 novembre 2021 à 10h50
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain :

La transposition de la directive européenne sur les lanceurs d'alerte est l'occasion de renforcer notre arsenal juridique et d'améliorer le statut des lanceurs d'alerte, tel qu'il résulte de la loi Sapin 2.

Il faut saluer le travail accompli par la précédente majorité sur ce sujet, puisqu'auparavant n'existaient que des régimes de protection éparpillés ; certaines entreprises, sous la pression de législations étrangères, avaient mis en place des plateformes de recueil des alertes, mais sans garanties spécifiques de confidentialité ou de protection contre les représailles. Ces dispositifs étaient peu lisibles et n'incitaient pas aux révélations.

Il s'agissait à la fois de reconnaître le rôle des lanceurs d'alerte, de les accompagner et d'interdire les représailles à leur encontre tout en encadrant les révélations. La loi Sapin 2 a créé un statut du lanceur d'alerte, comportant des droits – accompagnement juridique, protection contre les représailles – mais aussi des devoirs – protection de la vie privée des personnes mises en cause et encadrement des canaux de révélation. Ce faisant, la France s'est hissée, sur cette question, au niveau des standards les plus élevés.

Olivier Marleix et moi avons conduit une mission d'évaluation de la loi Sapin 2. Le premier bilan est nuancé puisque le dispositif a été peu utilisé : il demeure complexe et expose les lanceurs d'alerte à un risque juridique et financier considérable. En outre, les moyens consacrés au recueil et au traitement des alertes sont insuffisants, tout comme l'accompagnement des auteurs des signalements.

Il est paradoxal que la loi incite les lanceurs d'alerte à effectuer des signalements alors qu'en pratique, elle ne les protège pas efficacement : en effet, la protection juridique est soumise à des critères exigeants, comme ceux du désintéressement et du passage prioritaire par le canal interne. Sans soutien des pouvoirs publics, les lanceurs d'alerte craignent de s'exposer.

Les propositions que nous avons formulées dans le cadre de cette évaluation ont été reprises par Sylvain Waserman. Il semble notamment utile de réviser, dans la droite ligne de la directive, les critères de recevabilité des alertes. Le critère du désintéressement, trop flou, fragilise les signalements et doit être amélioré. Les modalités de signalement doivent être simplifiées en permettant dès le début la saisine des autorités administratives ou judiciaires dans des conditions garantissant l'anonymat et la confidentialité des informations.

Il faut dans le même temps que les entreprises se saisissent davantage du dispositif qui était pensé pour prévenir les atteintes à leur réputation.

Enfin, en vue d'améliorer l'accompagnement des lanceurs d'alerte, il convient de formaliser leur soutien par le juge à l'occasion d'une procédure incidente afin de faciliter leurs démarches en cas de représailles ou de procédures bâillons. C'est un élément essentiel de la protection effective des auteurs de signalement, lorsque l'acharnement judiciaire les conduit à supporter des frais d'avocat et de justice importants et qu'ils se voient menacés de lourdes sanctions financières.

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