J'ai été rapporteur de la loi Sapin 2 ainsi que de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. C'est à ce titre que je prends la parole dans cette commission.
Je salue, cher collègue Sylvain Waserman, une méthode qui a associé tous les groupes politiques, s'est appuyée sur une histoire législative riche et a organisé un débat clair : elle constitue une leçon en matière de démocratie et de travail parlementaire, dont nous devrions nous inspirer en d'autres occasions. Le même état d'esprit avait présidé aux travaux sur la loi Sapin 2, dont le champ était très vaste ; il avait permis une adoption du texte à la quasi-unanimité.
La loi Sapin 2 a permis à la France de rattraper son retard en matière de transparence économique et d'être en pointe sur les lanceurs d'alerte, la transparence de la vie publique et la lutte contre la corruption. Dans ce dernier domaine, l'Union européenne accuse un certain retard et la présidence française du Conseil de l'Union européenne pourrait être l'occasion de plaider en faveur d'une directive qui hisse les États membres à la hauteur de ce que nous avons su engager.
La loi Sapin 2 – je le précise à l'attention des collègues qui n'étaient pas encore députés – a été fondatrice, bien que peu reconnue médiatiquement : elle a posé les bases de ce qui allait être précisé et approfondi par les lois PACTE et EGALIM.
Les quelques divergences du groupe Socialistes et apparentés s'exprimeront au travers d'une trentaine d'amendements, qui concernent essentiellement la place des personnes morales et la prise en charge matérielle des lanceurs d'alerte. Ce sont des points sur lesquels nous nous interrogeons et au sujet desquels nous souhaiterions débattre, mais sur le fond, nous défendons les mêmes valeurs : c'est donc sans surprise que je vous annonce que le groupe socialistes et apparentés apporte son soutien à ces propositions de loi.
Je veux saluer ici Antoine Deltour, à l'origine de l'affaire du Luxembourg, et Frances Haugen, que nous venons d'entendre. « Sans le courage, le peuple reste sans lieu », a écrit Cynthia Fleury ; le courage de ces individus, leur éthique, leur indignation donnent tout son sens à l'État de droit et consolident la démocratie. C'est un cercle vertueux : si nous sommes réunis, c'est pour les protéger et leur permettre de continuer à jouer leur rôle.
On a l'habitude de penser que des multinationales, au nom du profit, peuvent briser des vies ; on a découvert ces derniers mois que des institutions, a priori orientées vers le bien, pouvaient produire des monstruosités. Le devoir de vigilance doit s'imposer en leur sein, les lanceurs d'alerte sont la corde de rappel.
Alors que l'Europe est cernée par des puissances qui sont tout sauf des démocraties, voire des dictatures méprisant les droits humains, alors qu'elle renferme en son sein des nations aux visées illibérales, alors que certaines puissances financières pèsent davantage que les nations, la France doit défendre sa vision d'une démocratie moderne, éclairée et porteuse de valeurs universelles.
Le Gouvernement a annoncé hier une stratégie nationale d'accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l'esclavage moderne. Il faudra pour cela des lanceurs d'alerte, qui exerceront ce devoir de vigilance dont nous espérons qu'il fera un jour l'objet d'une directive européenne.