Le projet de loi « 3DS » vient parachever le travail important que nous avons réalisé ensemble depuis 2017 avec la loi « engagement et proximité », la loi organique sur les expérimentations locales, la loi sur la collectivité européenne d'Alsace, et, plus récemment, avec la réforme de la formation des élus. Nous avons construit ces réformes ensemble et la commission des Lois y a pris toute sa part. Nous les avons conduites au fond en suivant une même boussole : simplifier l'action publique, lever les freins et les blocages, faciliter la vie des maires et des élus. C'est le mouvement que je vous propose de poursuivre à présent avec ce projet de loi « 3DS ».
Ce texte a connu une longue maturation. Voilà deux ans que nous y réfléchissons et que nous l'élaborons avec les élus des territoires, deux ans au cours desquels j'ai fait le tour de France, à la rencontre des maires, des présidents d'intercommunalité, des présidents de département et de région, même si la crise de la covid a ralenti notre démarche. Dans le cadre de nos échanges, nous posions une même question aux élus : qu'est-ce qui, au quotidien, fait concrètement obstacle à l'exercice efficace de votre action ?
Avec les préfets, nous avons recueilli un grand nombre de propositions et les avons étudiées avec les associations d'élus pour identifier tout ce qui relevait de la loi.
Les attentes étaient fortes et concrètes. Non, les élus ne veulent pas d'un big bang ni d'un énième redécoupage des périmètres et des compétences ; ils veulent de la stabilité, des moyens et un cadre sécurisant. C'est cette vision d'une loi concrète, utile et de terrain que je défends.
Le texte repose sur quatre piliers.
Premièrement, la différenciation qui doit permettre à nos élus d'adapter au mieux la règle aux réalités de leur territoire, dans le respect du principe d'égalité inscrit dans notre Constitution. Il en va ainsi, par exemple, des dispositions sur le logement social et de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui vise à maintenir une ambition forte en matière de construction, tout en permettant l'adaptation locale aux contraintes des communes.
Deuxièmement, la décentralisation que nous proposons de poursuivre sur le fondement d'une idée simple : la décentralisation de projets. Il revient aux territoires de décider les compétences nouvelles qu'ils souhaitent exercer. C'est dans cet esprit que nous proposons d'engager la décentralisation sur une base volontaire de 10 000 kilomètres de routes nationales aux métropoles, aux départements et, à titre expérimental, aux régions qui le souhaitent.
Nous avons pleinement travaillé avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France pour aboutir à un accord afin que la répartition des tronçons entre départements et régions intervienne dans la concertation et dans un souci d'efficience des moyens consacrés aux réseaux routiers. Je vous présenterai deux amendements, conjointement avec le rapporteur.
Troisièmement, la déconcentration, corollaire de la décentralisation, sera renforcée autour de la figure du préfet, par exemple en nommant le préfet de région délégué territorial de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (ADEME), à l'image de ce que nous avons déjà fait pour d'autres agences, comme l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), afin de garantir l'unité de l'action de l'État et de ses opérateurs, ou encore en faisant du Centre d'études et d'expertise sur les risques (CEREMA), qui possède une ingénierie forte, un outil commun de l'État et des collectivités.
Quatrièmement, la simplification, que je promeus avec Amélie de Montchalin, consiste à alléger les normes qui pèsent sur le quotidien de nos concitoyens et de nos élus, à travers des mesures facilitant le partage d'informations entre administrations pour mieux protéger les élus exposés à des situations de conflit d'intérêts, faciliter leur travail en matière d'urbanisme et de revitalisation des centralités.
Telle est l'architecture de ce projet de loi qui s'inscrit pleinement dans la filiation du travail que nous avons réalisé ensemble depuis maintenant plus de quatre ans. Ce projet de loi a été adopté au Sénat en juillet. Le travail avec les sénateurs s'est bien passé. Aucune des mesures phares du texte initial n'a été supprimée.
Il reste, bien sûr, des sujets de désaccord, sur l'intercommunalité, par exemple. Tout au long de ce quinquennat et dans ce texte en particulier, le Gouvernement a fait le choix de ne pas réaliser de nouveaux transferts au profit des intercommunalités. Tel était le souhait de nombreux maires. Non, nous n'avons pas dépossédé les maires de leurs prérogatives depuis 2017, comme on l'entend dire parfois. C'est faux. Bien au contraire, à la faveur de la loi « engagement et proximité », nous avons donné aux maires la souplesse qu'ils réclamaient. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à certains amendements adoptés par le Sénat qui tendent à revenir en arrière, sur l'eau et l'assainissement, par exemple. Je rappelle qu'au moins un cinquième de l'eau est perdu en raison d'infrastructures vétustes et qu'il s'agit d'un enjeu majeur car, avec le changement climatique, la ressource va se raréfier. Il nous faut préserver la construction intercommunale qui, dans l'immense majorité des cas, se déroule bien, voire très bien.
Un mot sur la métropole Aix-Marseille-Provence, actuellement entravée par un mode de gouvernance très particulier, hérité de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Nous travaillons avec en tête trois objectifs clairs, que j'ai présentés à l'ensemble des maires du territoire : restituer les compétences de proximité aux communes et conforter la métropole dans ses compétences stratégiques ; simplifier le fonctionnement de la métropole, ce qui passe par la suppression des conseils de territoire et le renforcement de ses services déconcentrés ; créer les conditions d'un rééquilibrage des relations financières entre la métropole et les communes. Nous progressons bien avec l'ensemble des acteurs et serons en mesure de vous présenter des propositions concrètes en séance.
J'ai rencontré bien des élus pour construire cette loi ; vous-mêmes échangez au quotidien avec ceux de vos circonscriptions respectives. Ils nous demandent de les laisser travailler, de leur donner des moyens, de faciliter leur travail et de les accompagner dans leurs projets. C'est en travaillant main dans la main que la confiance se construit. C'est ce que je porte au quotidien, et je suis fière de notre mobilisation depuis 2017 en faveur des collectivités. Je rappelle la stabilité financière, aussi bien de la dotation globale de fonctionnement (DGF), que des dotations d'investissement qui, grâce au plan de relance, sont à un niveau historiquement élevé ; la fin de la lente érosion des services départementaux de l'État ; la mise en place des programmes de l'ANCT, qui viennent en soutien de projets portés par les élus – Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services, France très haut débit.
Avec ce projet de loi « 3DS », je vous propose de prolonger cette action concrète, pragmatique et ambitieuse. Nos échanges, j'en suis sûre, seront très riches, à l'image du travail particulièrement constructif que nous avons mené ensemble ces dernières années.