Vingt années de députation et presque autant de textes promettant décentralisation, déconcentration et simplification pour nos territoires ! En réalité, aucune loi n'a su faire ses preuves autant que les premières lois de décentralisation, mises en œuvre en 1982. Dernier grand acte, la loi NOTRe et la fusion des vingt-deux régions en treize nouveaux territoires, comportant son lot d'incohérences et ses irritants qui ne sont toujours pas corrigés, y compris par ce texte. Même si retracer sur une carte tous vos déplacements depuis 2017 est une tâche bien ardue, madame le ministre, je ne suis pas persuadé que ce long et sérieux travail de terrain, que vous avez réalisé à la rencontre de nos élus locaux et des préfets, se retrouve entièrement dans ce projet. Charge à nous, parlementaires, de suivre la voie ouverte par les sénateurs pour, non pas détricoter le travail des uns et des autres, mais avancer ensemble.
La différenciation est présentée comme une aspiration majeure du projet. Comme le Conseil d'État l'avait relevé dans son avis du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences, la reconnaissance aux collectivités territoriales de marges de manœuvre accrues est de nature à renforcer la démocratie locale et à leur permettre d'exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité.
Le principe d'égalité a été consacré au sein du bloc de constitutionnalité par la Déclaration des droits de l'Homme, notamment son article 6, et par le préambule de la Constitution de 1946. Il l'a également été par la jurisprudence, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1973, dite taxation d'office, qui en a fait un élément majeur du contrôle de conformité des lois. Bien qu'elle soit, par principe, proscrite par le bloc de constitutionnalité, une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel considère que le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. Des exemples existent d'ores et déjà : la collectivité européenne d'Alsace, la Corse et les DOM-TOM.
Votre projet de différenciation apportera-t-il une réelle avancée ou restera-t-il une pétition de principe ? Je crains que notre droit ne soit très complexe et j'émets de forts doutes. Je proposerai néanmoins, par amendements, de poser les jalons d'une réflexion pour un statut adapté à l'hyper-ruralité. Certains territoires n'y parviendront que par des mesures particulières. Il ne peut y avoir de territoires oubliés de la République. Madame la ministre, êtes-vous prête à engager une réflexion sur une expérimentation spécifique sur la notion d'hyper-ruralité, chère au feu sénateur de la Lozère, Alain Bertrand ?
Cela permettrait également de traiter de manière spécifique le département de la Lozère, territoire de montagne situé à 1 000 mètres d'altitude et le seul à compter moins de 100 000 habitants – 76 000, avec une moyenne de 15 habitants au kilomètre carré. Autant dire que nous sommes toujours atypiques, pour ne pas dire en dehors de toutes les normes, et ce serait un geste de la part du Gouvernement que de bien vouloir en tenir compte.
Nos collègues sénateurs ont introduit un article 13 quater qui autorise l'abattage des loups. Ceux-ci constituent un fléau particulier aux zones de montagne, et il serait bon de permettre des avancées sur ce sujet.
Je salue, au nom de mon groupe, le renforcement du poids des élus dans les agences régionales de santé (ARS), même si l'utilité de ces monstres administratifs, continuellement critiqués, reste à définir.
Enfin, mes collègues de l'UDI, Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, seront particulièrement attentifs au volet relatif aux outre-mer et vous proposeront des évolutions par voie d'amendement.