Au sein du groupe GDR, nous sommes pour un État qui protège, pour un État qui prend soin. Nous considérons que la première pierre sur laquelle repose tout l'édifice républicain est la capacité de l'État à rendre concrète l'égalité républicaine. Cela suppose que, où que l'on habite, où que l'on naisse, y compris dans les territoires oubliés, humiliés de la République, l'on puisse avoir accès aux mêmes droits – au logement, à la santé, à l'éducation, à l'emploi –, et aspirer à une vie digne, du berceau jusqu'à la tombe. Force est de constater que, même si vous êtes très sympathique, madame la ministre, et très à l'écoute, le compte n'y est pas. Vos différentes réformes ont abîmé la République, qui devrait être présente partout et pour tous. Le seul exemple des déserts médicaux et des 6 millions de Français qui n'ont pas accès au droit fondamental à la santé illustre concrètement cette absence de l'État qui prend soin.
Cet attachement à un État fort qui tient son rang et son rôle sur les questions d'aménagement du territoire et de péréquation, y compris en termes de moyens, n'est pas contradictoire avec notre volonté de défendre ardemment la commune et le principe de libre administration des collectivités locales. De ce point de vue, je le dis avec les maires de France : les communes, piliers de la République de proximité, ne demandent pas à être flattées ; elles veulent seulement être écoutées, accompagnées, respectées. Une chose est de saluer leur mobilisation exemplaire pendant la crise sanitaire, une autre est de veiller à ce que les compensations des dépenses interviennent dans les temps et à l'euro près, ce qui n'est pas le cas. Le niveau de dépendance des collectivités à l'égard de l'État a augmenté de façon préoccupante du fait de la suppression de la taxe d'habitation, pour les communes, et de la suppression des impôts de production, pour les intercommunalités.
Les députés de la majorité pourraient crier en chœur : hors sujet ! Eh bien, non ! Car moins l'État assure, moins l'État assume, moins l'État protège, plus il est enclin à se délester sur les collectivités locales en leur demandant de financer ce qu'il n'est plus en situation d'assumer lui-même. Les routes nationales abandonnées, les petites lignes nécessaires pour aller se soigner, travailler ou se former, l'invitation à participer aux investissements pour pallier l'abîme de l'hôpital public en sont l'illustration.
Hormis les outre-mer et la Corse, qui peuvent légitimement prétendre à une adaptation, la différenciation nous semble dangereuse pour l'unicité de la République. La décentralisation à la carte est tout aussi dangereuse, qui explose l'unicité de la France « façon puzzle », comme on dit chez les Tontons flingueurs ! Enfin, on a peine à croire sur le terrain que la déconcentration corrigera concrètement le déménagement du territoire et la préoccupante métropolisation des réponses publiques depuis la loi NOTRe. D'ailleurs, les corrections que le Président de la République, à Bourgtheroulde, chez notre collègue de l'Eure, avait envisagé d'y apporter ne sont pas dans ce projet de loi.
Votre admirable sens de l'égalité consiste à donner tout à ceux qui ont déjà beaucoup. Le couple préfet-maire est un couple à l'ancienne, où le premier décide de tout, tout le temps, pour toute la famille. Dans les faits, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) continuent de faire pression sur les maires pour réduire les classes, voire pour supprimer des écoles en milieu rural. Dans le même temps, les sous-préfets continuent d'être notés en fonction des intercommunalités mastodontes qu'ils construisent, voire qu'ils imposent dans les territoires.
Quant à l'objectif que vous assignez de réduire ce qui fait obstacle au quotidien à l'exercice des missions des maires – plans de prévention des risques inondation (PPRI), plans de prévention des risques naturels (PPRN), défense incendie –, ces normes sont élaborées loin du cœur, loin des yeux, en tout cas loin du terrain, complexifiant l'exercice quotidien de nos maires. Tout semble conçu comme s'il s'agissait de faire entrer les élus locaux dans des moules confectionnés loin des réalités quotidiennes.
Si certains dispositifs vont dans le bon sens lorsqu'ils sont accompagnés financièrement – Action cœur de ville apporte vraiment des corrections dans les villes moyennes –, force est de constater que la généralisation des appels à projets, dans des délais intenables techniquement, voire administrativement, est de nature à renforcer les inégalités territoriales. Les collectivités ne sont pas toutes armées de la même manière en ingénierie et en compétences pour y répondre.
Renforcement du poids des élus et des usagers dans la gouvernance et l'élaboration des réponses aux questions qui les concernent en matière de santé et de logement, place essentielle du couple communes-département dans l'action de proximité, renforcement du rôle des régions et de l'État dans l'aménagement du territoire, j'espère que le débat nous permettra d'aborder tous ces sujets.