Je salue tout d'abord Jean-Hugues Ratenon et l'ensemble des élus réunionnais. Un drame épouvantable s'est produit, dont la violence n'a pas d'égal. Nos pensées vont aux familles des personnes blessées et des cinq décédées. Près de 300 personnes sont en cours de relogement ou à reloger ; deux personnes sont en garde à vue – il reviendra à l'autorité judiciaire et au parquet de communiquer sur ce point. D'après mes informations, il ne s'agissait pas d'un habitat indigne, mais d'un immeuble datant de 2014. Les faits seront à établir par l'autorité judiciaire, ce qui n'enlèvera rien au deuil des familles des victimes et de la population réunionnaise.
L'objectif que j'ai fixé au préfet de La Réunion est de reloger l'ensemble des personnes d'ici à la fin de la semaine. Un gymnase a permis de les accueillir temporairement ; des solutions de relogement sont à l'étude, en lien avec la Croix-Rouge et les différentes collectivités territoriales. Les demandes de secours exceptionnel seront instruites. Le centre communal d'action sociale (CCAS) mène déjà certaines actions de solidarité. Nous pourrions être amenés à l'aider. Le dossier est naturellement suivi de près, et je compte avancer mon déplacement à La Réunion avant la fin du mois de décembre, pour me tenir aux côtés de celles et ceux qui sont en train de trouver des solutions. À ce titre, vous avez eu raison d'évoquer les pompiers, qui sont intervenus dans des conditions éprouvantes. Nous leur exprimons toute notre solidarité et notre reconnaissance.
Monsieur Houlié, s'agissant de l'association du Parlement, la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie aura un rôle important à jouer dans le bilan qui doit être dressé. Après tout, l'Assemblée a adopté rien de moins qu'une révision constitutionnelle et une loi organique ; elle a validé des restrictions au corps électoral extraordinaires au sens premier du terme. Il est donc logique mais aussi bienvenu qu'elle évalue les dispositions qu'elle a votées – à cet égard, je me suis agacé lors d'une récente séance de questions au Gouvernement face à l'amnésie dont certains semblent frappés. L'avenir de la Nouvelle-Calédonie n'est pas seulement l'affaire de l'exécutif. Certains articles s'interrogent : « Que fait le Président de la République ? Que fait le Gouvernement ? » Mais dans un territoire de la République comme la Nouvelle-Calédonie, la citoyenneté et la liberté relèvent de la loi. Le Parlement doit s'emparer du sujet, encore plus qu'il ne l'a fait ces dernières années. Il a désormais à imaginer un nouvel accord.
Quant à la situation aux Antilles, tous les barrages sont levés depuis plusieurs jours. L'évacuation du dernier barrage, celui de La Boucan, a demandé une préparation de la part des gendarmes en raison de sa particulière dangerosité – des bouteilles de gaz y étaient installées. Je crois savoir qu'une grande partie de la population nous est reconnaissante de l'action des forces de l'ordre.
En ce qui concerne le mot « autonomie », je l'assume. Les critiques qu'il a suscitées montrent une méconnaissance des outre-mer. Nombre d'observateurs et de candidats, à l'élection présidentielle ou au congrès Les Républicains, ont entretenu la confusion entre autonomie et indépendance. Dans ma chambre à Nouméa, je suis dans un pays qui jouit de l'autonomie. La députée de la Polynésie française, Maina Sage, est députée d'un territoire doté de l'autonomie. Il faut rétablir une culture ultramarine à Paris. Prétendre que l'autonomie signifie faire sécession avec la République est scandaleux, c'est insulter la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française. L'autonomie, c'est la décentralisation poussée à l'extrême. J'ai jeté ce pavé dans la mare, car cela permettait de déplacer le débat sur le terrain, ô combien noble, de la responsabilité de l'action politique. J'ai parlé d'autonomie sept à huit secondes dans une intervention de quinze minutes sur la chaîne Guadeloupe première mais la mayonnaise nationale est montée au-delà de ce que j'avais pu imaginer. Mes propos ont permis à chacun de réfléchir et ont trouvé un écho spectaculaire auprès de l'opinion, si j'en crois les sondages.
Madame Vichnievsky, vous avez raison, nous sommes dans un État de droit. C'est ce que j'ai tenté de rappeler avec fermeté en Martinique et en Guadeloupe. Pourquoi la situation est-elle différente dans les deux îles ? En Martinique, les syndicalistes sont particulièrement durs dans la discussion, que ce soit avec l'État, la direction de l'hôpital, le préfet ou les élus mais ils portent des revendications syndicales. Lorsqu'il se présente devant moi, M. Élie Domota demande premièrement l'abrogation de la disposition instituant l'obligation vaccinale, deuxièmement la suspension des poursuites judiciaires contre les personnes arrêtées au cours des quinze jours précédents ainsi qu'une amnistie et troisièmement plusieurs décisions qui concernent les collectivités territoriales. Alors, oui l'entretien a duré douze minutes mais il fallait réaffirmer cette vérité : dans un État de droit, on ne peut pas faire n'importe quoi. Les personnes visées ne sont pas des syndicalistes arrêtés à la fin d'une manifestation, mais des gens connus des services de police et de la justice ayant tenté d'assassiner des policiers et des gendarmes. La Guadeloupe, la Martinique, c'est la République, c'est la France, donc l'État de droit s'y applique, ce à quoi 99 % de la population adhère évidemment. Il n'était pas question de prêter le flanc à la récupération du LKP et de M. Domota ou de ses amis qui, soit dit en passant, n'ont toujours pas condamné les violences. Je n'ai pas l'intention d'incarner un État faible : les choses vont mieux lorsque la République tient bon.
La place de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique est un sujet clé. L'idée selon laquelle la Nouvelle-Calédonie est une chance, un poste avancé a fait florès à travers les tribunes et les tweets mais il faut tendre le miroir aux pays du Pacifique, comme le Président de la République l'avait fait dans ses discours à New Delhi et Sydney après avoir livré le regard des Français et des Européens. Il se passe beaucoup de choses dans le Pacifique, singulièrement dans le Pacifique nord où manœuvrent les trois plus grandes marines de guerre du monde – russe, chinoise et américaine ; où la pression démographique, chinoise notamment, de plus en plus forte, pèse sur les ressources halieutiques. L'Océanie est un continent d'eau, la terre y est rare. L'insularité est source de richesse mais aussi d'interdépendance – les compagnies aériennes, les compagnies maritimes. Le covid a accentué nombre de fragilités. L'accès au foncier est convoité, ce qui accroît les risques d'ingérence étrangère.
Une initiative telle que le One Planet Summit est d'autant plus légitime que nous pouvons témoigner d'une expérience douloureuse de résilience climatique. Outre le blanchissement de la barrière corallienne, les dépressions telles que nous venons d'en connaître sur le Caillou, sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes – les anciens le disent. C'est une réalité. Si vous allez à la Baie des citrons ou à l'anse Vata à Nouméa, vous constatez l'avancée du front de mer, l'érosion du trait de côte. Les territoires d'outre-mer sont aux avant-postes en matière de diplomatie environnementale et climatique.
La présence de nos forces armées en Nouvelle-Calédonie a pour but premier de garantir l'action de l'État en mer, autrement dit l'intégrité de nos eaux territoriales et de la zone économique exclusive (ZEE). Sur les photographies aériennes du Pacifique, vous voyez des nuées de bateaux de pêche et deux grandes étendues bleues immaculées : la ZEE polynésienne et la ZEE de Nouvelle-Calédonie ainsi que de Wallis-et-Futuna, cette dernière étant sous la garde des forces armées de la Nouvelle-Calédonie (FANC). Rares sont les pays dans la zone à pouvoir en dire autant.
Depuis le Brexit, la France est le dernier pays de l'Union européenne présent dans la zone. Tous les pays du Commonwealth sont sortis de l'Union avec le Royaume-Uni.
La place de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique ne tient pas seulement à la présence incontournable de nos forces armées. L'université de la Nouvelle-Calédonie aura un rôle à jouer dans les années qui viennent. Elle pourrait devenir, avec le concours des Polynésiens, une grande université d'Océanie. L'université de la Polynésie française effectue déjà un travail remarquable en matière de recherche marine, de même que le centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement (CRIOBE). Un bateau de guerre mouillant dans la rade de Nouméa ne suffit pas à illustrer les ressources de ces territoires, il faut mieux faire connaître leur étendue.
Madame Sage, le Ségur de la santé fera l'objet d'un point, non pas national, mais par territoire. Je peux toutefois, si besoin, me faire votre porte-parole auprès du cabinet du ministre des Solidarités et de la santé.
Le mot d'ordre de la composante politique du FLNKS de ne pas participer au scrutin a été suivi, mais la carte de l'abstention dimanche dernier correspond aux cartes représentant le oui et le non lors des deux premiers scrutins. De manière un peu schématique, dans les bureaux de vote où le oui totalisait 95 %, la participation atteint 5 % ; là où le non totalisait 90 %, la participation est proche de 90 %. Selon moi, les trois scrutins disent la même chose. D'une part, par trois fois, le non l'emporte, donc par trois fois le choix est fait d'inscrire la Nouvelle-Calédonie dans la République française et de refuser l'accession à la pleine souveraineté – le Président de la République en a pris acte. D'autre part, les scrutins marquent une division terrible du corps électoral. Le Gouvernement ne considère pas le résultat de dimanche isolément, il analyse ceux des trois consultations. Cela permet de s'extraire du débat sur la sincérité du scrutin, laquelle a été attestée par le président de la commission de contrôle, Francis Lamy. Il appartiendra au Conseil d'État et aux Nations unies, s'ils sont saisis, de se prononcer.
Voilà pour le débat juridique. Pour ce qui est du débat politique et moral, il est rare, dans un processus de décolonisation, d'organiser trois référendums, l'un obligatoire et les deux autres non. Jacques Lafleur avait facilement accédé en 1998 à ce qui était une demande des indépendantistes, car personne ne pensait que le troisième référendum se tiendrait.
Je peux le dire maintenant, le scénario qui aurait pu déclencher des violences était celui d'un score très serré. À aucun moment, les signataires de l'accord – j'ai été en contact avec nombre d'entre eux ces derniers jours – n'ont imaginé que les marges seraient aussi étroites.
Il ne faut pas se laisser impressionner par le score de 96 %. Il faut considérer les trois non qui fixent le cadre républicain dans lequel s'inscrit la Nouvelle-Calédonie, là où, monsieur Molac, le statut d'État associé suppose la pleine souveraineté. En revanche, l'autonomie nouvelle du territoire reste complètement à imaginer.
Les travaux sur la Nouvelle-Calédonie pourront évidemment avoir des effets dans d'autres territoires d'outre-mer – je vois Mme Sage sourire.
Madame Dubré-Chirat, en ce qui concerne le rythme de vaccination aux Antilles, je vous renvoie vers Olivier Véran, mais, d'après les chiffres en ma possession, entre 100 et 150 soignants se mettent en règle chaque semaine. Les groupes d'écoute et de dialogue que nous avons instaurés s'adressent aussi aux soignants et aux personnels hospitaliers au sens large qui, en raison de leurs convictions personnelles, ne se feront jamais vacciner pour les accompagner dans leur projet de reconversion professionnelle grâce à l'appui d'une cellule d'orientation et d'appui à la mobilité. Dans un territoire insulaire de 300 000 habitants, la mobilité professionnelle n'obéit pas aux mêmes règles que dans l'Eure.
En matière de tourisme, les choses reviennent à la normale avec un énorme bémol : la situation sanitaire. Les taux d'incidence sont très élevés et la situation à l'hôpital toujours tendue en Martinique. Certains nous reprochent d'avoir cédé en reportant du 15 novembre au 31 décembre l'échéance pour l'application de l'obligation vaccinale mais n'oublions pas que la Guyane et la Martinique sont toujours soumises à l'état d'urgence sanitaire. Le passe sanitaire aussi doit aider à retrouver une activité normale dans ce domaine.
Monsieur Vuilletet, le redémarrage économique passe par le nickel dont des milliers de familles dépendent. Les usines de nickel sont souvent perçues comme des outils de rééquilibrage politique et institutionnel, mais ce sont d'abord des emplois pour les Calédoniens, kanaks ou non. Nous suivons de près la situation de la SLN, sur laquelle le Parlement est parfois appelé à se prononcer.
La stratégie « covid free » a porté ses fruits puisque pendant des mois, la Nouvelle-Calédonie n'a connu aucun cas de covid. Mais le prix à payer pour l'économie touristique est énorme. La fermeture des frontières est ennuyeuse pour l'île des Pins, bijou de l'offre touristique de luxe dans cette partie du Pacifique, dont les Japonais étaient devenus friands pour leur voyage de noces. Le redémarrage touristique est indispensable pour l'économie.
Ensuite, il faut imaginer une relance mais encore faut-il qu'il y ait des crédits pour la financer. Nous en revenons aux 50 milliards de francs Pacifique qui manquent pour boucler le budget de l'année prochaine du pays, dans le cadre de l'autonomie. Je poursuis mes consultations politiques avec le président du gouvernement collégial, messieurs Louis Mapou, le président du congrès, Roch Wamytan, les trois présidents de province – messieurs Jacques Lalié, Paul Néaoutyine, madame Sonia Backès –, les membres du congrès et le bloc communal parce que, comme partout et plus encore dans l'archipel, la commande publique est essentielle pour permettre la relance, sans être suffisante toutefois, raison pour laquelle le monde économique est aussi sollicité. Fort de la clarification institutionnelle intervenue, celui-ci demande désormais de la visibilité sur la relance.
Le redémarrage économique, qui est entre les mains des autorités calédoniennes, est un sujet central. Je souhaite qu'il soit plus fréquemment abordé, de même que l'agriculture ou encore l'énergie. Si le PIB néocalédonien est plus étoffé que celui des pays alentour, c'est parce que les transferts de l'État contribuent à la dynamique économique. Ce n'est pas faire offense au territoire que de le dire : on doit pouvoir faire mieux – c'est un euphémisme ! Au-delà des déclarations d'amour un peu simplistes, dès lors que par trois fois, les Calédoniens ont dit oui au maintien dans la République, il s'agit de savoir comment assurer la stabilité et la prospérité du territoire et comment résorber les inégalités. Alors que le nickel a bénéficié d'importants investissements, certaines tribus n'ont toujours pas accès à l'eau potable. Dès lors, on ne peut pas en vouloir à la population de s'interroger. Il faudra s'intéresser à ce sujet dans le bilan des accords.
En ce qui concerne le bilan, il serait intéressant que le Parlement en dresse un. Quant aux Nations unies, je m'y rendrai au début de l'année 2022 pour rencontrer les différents partenaires du C24 : il est normal que l'État rende compte du processus qu'il a organisé.
La question se pose aussi du rôle des formations politiques du pays dans l'évaluation qui sera faite. Enfin, madame la présidente a raison, la société civile doit continuer à participer. La démarche d'écoute profonde que j'avais lancée l'année dernière a abouti à un résultat très intéressant – certains en doutaient, ce que je peux comprendre car les exercices de ce genre peuvent ne pas fonctionner. Elle a permis de donner la parole à un grand nombre de personnes, notamment des jeunes – le Caillou est majoritairement peuplé de personnes âgées moins de 30 ans. Il faudra veiller à donner la parole à la jeunesse et à l'organiser avec souplesse ; si nous ne le faisons pas, celle-ci la prendra.
L'égalité entre les hommes et les femmes prend un relief particulier puisque la Nouvelle-Calédonie détient le triste record des violences faites aux femmes. Les états généraux de la justice, lancés par le garde des Sceaux, ont donné lieu à un travail intéressant associant le procureur de la République, le président du tribunal ainsi que les forces de police et de gendarmerie, qui permettra sans doute de libérer la parole. Le Sénat coutumier s'est exprimé sur le sujet, de même que plusieurs responsables politiques. Le premier combat consiste à aider les victimes à se reconnaître comme telles. On part de loin. Des associations sont mobilisées et font un travail remarquable. Nous devons continuer à les accompagner.
Monsieur Dunoyer, le seul point sur lequel je ne vous ai pas répondu est la sécurité. L'État répond présent. Je remercie les policiers et les gendarmes qui sont parfois loin de chez eux depuis un certain temps. Des moyens importants sont mobilisés, ce qui n'est pas sans incidence financière pour l'État, mais c'est la moindre des choses. Entre les Antilles et la Nouvelle-Calédonie, une large part de nos forces mobiles sont en outre-mer. Il est utile de le rappeler en cette période préélectorale où il est de bon ton de claironner que les outre-mer sont abandonnés. Il n'en est rien : les effectifs ont augmenté en Nouvelle-Calédonie ces dernières années comme dans tous les territoires d'outre-mer, y compris à Mayotte. En cas de rendez-vous important – Nouvelle-Calédonie – ou de coup dur – les Antilles –, les renforts arrivent immédiatement de métropole et il faut le saluer.
Monsieur Rebeyrotte, l'accord de Nouméa prend fin mais cela ne signifie que tout s'écroule ; c'est aussi le commencement d'autre chose, raison pour laquelle une phase de transition est prévue – je vous renvoie à la déclaration du 1er juin à l'issue de la session d'échanges et de travail autour de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Malgré tout, les dispositions de l'accord deviennent caduques – il en est ainsi du recours au référendum. En revanche, nous pouvons nous appuyer sur les acquis de l'accord de Nouméa, notamment en matière d'institutions. Le principe d'irréversibilité n'empêche pas d'envisager des évolutions. Certains s'élèvent ici pour réclamer plus de pouvoirs pour les provinces ou pour mettre fin à la collégialité du gouvernement – je n'ai pas, à ce stade, d'avis sur le sujet. Ce sont des questions importantes qui demandent du temps pour y répondre et, en la matière, je ne confonds pas vitesse et précipitation. Il a fallu dix ans pour que l'accord soit signé.
Faisons le bilan et mettons de côté les sujets qui peuvent tendre, irriter ou polluer les discussions – le nickel, les finances locales ou la gestion de la crise sanitaire. Ainsi, au lendemain des congrès des formations politiques indépendantistes et loyalistes parfois, puis au lendemain de l'élection présidentielle, les discussions reprendront, ce qui n'empêche pas, dans cette attente, de travailler de manière informelle, comme je le fais depuis quarante-huit heures.