Intervention de Ian Boucard

Réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 14h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Nous sommes réunis une fois encore afin d'examiner un texte traitant de l'état d'urgence sanitaire. Par ce projet de loi, le Gouvernement souhaite renforcer les outils existant déjà pour la gestion de la crise, en substituant au passe sanitaire, en vigueur depuis le mois d'août, un passe vaccinal. Celui-ci exclurait de facto la possibilité pour les non-vaccinés de se faire tester afin d'accéder aux activités dites de loisirs. Le texte entend également renforcer les mesures permettant de lutter contre la fraude.

Cet arsenal de mesures est pris, selon vos mots, pour protéger la population sans devoir recourir à des mesures de restriction généralisées, dans un contexte où la vaccination est l'outil permettant de lutter durablement contre le virus. Nous partageons avec vous la nécessité de tout faire pour éviter un nouveau confinement et un nouveau couvre-feu.

Vous le savez, monsieur le ministre, ce texte et sa mesure phare, le passe vaccinal, ne sont pas sans poser quelques questions à nombre de nos concitoyens. Il y a tout d'abord les antivaccins, que vous n'arriverez pas, que nous n'arriverons pas, à convaincre. Ceux qui sont radicalement opposés au vaccin ne seront pas plus convaincus par le passe vaccinal qu'ils ne l'étaient par le passe sanitaire. Mais il y a aussi beaucoup de Français, vaccinés, qui se posent des questions sur l'accumulation des mesures prises par le Gouvernement et sur les contraintes qui s'ajoutent les unes aux autres.

Il faut dire qu'il y a beaucoup à redire sur la gestion de la crise par le Gouvernement. Chacune et chacun a en tête votre échec concernant les masques au début de l'épidémie et la communication ridicule de la porte-parole de cette époque. Chacun a aussi en tête le retard du Gouvernement pour les tests et pour la campagne de vaccination au début de cette année. Chaque fois, les problèmes ont été réglés par la forte mobilisation de nos collectivités territoriales, qu'il s'agisse des régions, des départements ou des communes, et des services déconcentrés de l'État, en particulier les préfets. Quant à la vaccination, il faut reconnaître que le retard a été rattrapé et que l'organisation mise en place a désormais trouvé, avec efficacité, sa vitesse de croisière.

Chacun a également en tête vos grandes opérations de communication, qui ne mènent à rien, et vos grandes déclarations, qui ne débouchent sur rien. Le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé à de multiples reprises des augmentations du nombre de lits de réanimation qui ne sont pas intervenues alors qu'elles sont nécessaires. Encore cette semaine, vous avez péché par excès de communication : après avoir tenu les Français en haleine tout le week-end de Noël, après avoir laissé filtrer la possibilité d'un couvre-feu pour la Saint-Sylvestre, après avoir évoqué un passe vaccinal renforcé par des tests pour certains événements, après avoir réuni un Conseil de défense et un Conseil des ministres extraordinaire, le Premier ministre a finalement pris la parole lundi soir. Toute cette mise en scène, toute cette tension dramatique que vous avez vous-mêmes entretenue, a donc débouché sur l'interdiction de manger un sandwich dans le train, de consommer du pop-corn au cinéma et de boire son café debout : tout ça pour ça…

Si on ajoute le retour des fameuses jauges, qui ne sont pas proportionnées à la taille des enceintes, ces nouvelles mesures sont perçues à juste titre par les Français comme, au mieux, non adaptées à la situation ou, au pire, comme des annonces ridicules qui auraient pu faire l'objet d'un simple communiqué de presse. Cet excès de communication est votre péché mignon. Cela pourrait relever de l'anecdote si cela n'entravait pas la bonne gestion de la crise sanitaire et si cela ne jetait pas le doute sur l'efficacité de l'action publique et sur la nécessité d'appliquer les mesures de distanciation sociale et de poursuivre l'effort vaccinal.

Mais après avoir fait le bilan de cette gestion, il faut nous prononcer sur le contenu de ce projet de loi et sur sa capacité à mieux protéger les Français et à aider les soignants à lutter contre l'épidémie. La tentation est grande de transformer le vote qui aura lieu lundi en référendum sur votre gestion de crise – et le choix serait alors facile. Mais nous ne le ferons pas, car la situation sanitaire exige de la responsabilité.

Les membres du groupe Les Républicains sont de fervents défenseurs de la vaccination. Nous vous demandions dès 2020 de grands efforts de recherche pour trouver le vaccin. Dès son arrivée, nous revendiquions un déploiement massif des doses pour protéger le plus rapidement possible d'abord les publics à risque, puis l'ensemble des Français – ce qui a été fait. Contrairement à ce qui peut être sous-entendu par certains, la vaccination fonctionne. Certes, elle n'empêche pas totalement d'être contaminé ou de transmettre le virus, mais elle réduit considérablement le risque d'être hospitalisé, d'être admis en réanimation ou de mourir du covid. C'est déjà un bilan extrêmement positif, même s'il faut reconnaître que nous espérions tous pouvoir reprendre immédiatement une vie normale. Nous considérons donc que la vaccination est le meilleur outil pour lutter contre cette épidémie.

En conséquence, nous ne nous opposerons pas au passe vaccinal, qui a vocation à faire avancer la couverture vaccinale, notamment grâce aux doses de rappel . Nous souhaitons cependant que sa mise en place soit jalonnée dans le temps. N'imaginez pas pouvoir maintenir à long terme ces mesures restrictives de liberté.

Je présenterai au nom du groupe LR un certain nombre d'amendements, et j'espère qu'ils seront étudiés avec sérieux par la majorité car la gravité de la crise sanitaire exige d'écouter les propositions de chacun. Nous proposerons de limiter le passe vaccinal aux majeurs, pour ne pas faire peser sur les adolescents des choix qui ne relèvent pas forcément d'eux et qui risquent d'accroître leur isolement – lequel est aussi une question de santé publique. Nous proposerons que le certificat de rétablissement constitue un élément validant de facto le statut vaccinal, la rédaction proposée sur ce point ne semblant pas très précise. Nous sommes opposés à ce qu'un commerçant puisse vérifier l'identité d'un client présentant un passe vaccinal, car ce contrôle relève des forces de l'ordre ; il ne doit pas peser sur les commerçants. Enfin, nous proposons d'expérimenter la vaccination obligatoire des publics risquant le plus de développer une forme grave du covid.

Pour conclure, nous ne nous opposerons pas à la création du passe vaccinal s'il est assorti de clauses de revoyure régulière. Nous souhaitons accompagner sa mise en place par des garde-fous figurant dans des propositions concrètes, dont nous espérons qu'elles seront entendues.

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