Nous voilà donc convoqués un 29 décembre, entre la bûche de Noël et les vœux du nouvel an, pour avaliser en un temps record votre décision de créer deux catégories de citoyens : d'une part, les Français vaccinés ; d'autre part, les non-vaccinés et les « sans schéma vaccinal complet ». Ces derniers ne pourront plus aller ni au restaurant, ni au cinéma, ni au théâtre, ni au café, ni au club de sport associatif, ou perdront leur travail, purement et simplement. Nous aurions dû y penser en mars 2020, lorsque le président Macron nous avait seriné « nous sommes en guerre ». En effet, pas de guerre sans ennemi, et l'ennemi est tout trouvé : il faut « faire peser la contrainte sur les non-vaccinés », ainsi que l'a répété le Premier ministre. Alors, à bas les non vaccinés !
L'hôpital public est à bout de souffle. Cela n'a bien sûr rien à voir avec la fermeture de 17 900 lits au cours de votre quinquennat, dont 5 700 en 2020, en pleine pandémie ! Cela n'a rien à voir avec les 4 milliards d'euros retirés à l'hôpital public, ni avec les 14 milliards d'économies faites sur le dos de la sécurité sociale, ni avec la souffrance des soignants – ignorés alors qu'ils avaient manifesté, un an avant l'épidémie, pour des moyens humains et financiers ! Non ! Si 20 % de lits supplémentaires – ou 6 %, si vous préférez – ont été fermés faute de soignants, et si, dans le cinquième pays le plus riche au monde, des enfants en situation d'urgence vitale ne peuvent pas être accueillis en service pédiatrique, ce n'est pas la faute du Gouvernement : à bas les non-vaccinés !
Dans les pays à bas revenus, seules 3,9 % des personnes ont reçu une première dose de vaccin. Au total, c'est le cas de moins de 50 % de la population mondiale, ce qui laisse le virus circuler et favorise l'émergence de nouveaux variants. Cela n'a rien à voir avec le fait que Pfizer-BioNTech et Moderna accumulent, chaque seconde, 1 000 dollars de profits. Cela n'a rien à voir avec votre refus, signifié par deux fois, de lever les brevets sur les vaccins. Non : à bas les non-vaccinés !
Les gestes barrières comme le lavage des mains ne peuvent pas être respectés à Mayotte et en Guadeloupe, car l'eau n'arrive pas au robinet. On ne peut plus savoir si l'on est contaminé, car les tests sont payants. Il y a une pénurie généralisée d'autotests. Qu'importe ! À bas les non-vaccinés !
Nous retrouvons la méthode macroniste : l'ennemi, c'est le citoyen, pas l'épidémie. Cette politique est délétère, car vous faites semblant de ne pas voir la différence entre vaccination et passe sanitaire ou vaccinal. La vaccination est un moyen sûr de lutter contre l'épidémie, nous en sommes convaincus. En revanche, les passes n'ont rien de scientifique ; ils sont une manière spécifique de gouverner le pays, en faisant du vaccin un critère d'accès à certains lieux du quotidien. Vous confondez à dessein l'un et l'autre, pour mieux taxer d'obscurantisme toute critique de votre politique. Il importe peu que l'OMS se prononce contre l'obligation vaccinale et nous alerte sur le risque de prolongation de la pandémie du fait de programmes de rappel développés sans discernement, que le conseil scientifique s'interroge sur l'efficacité du passe sanitaire, que la CNIL et la Défenseure des droits demandent des garanties en matière de respect des libertés publiques. Pour La République en marche, science sans contrainte ne serait que ruine de l'âme !
Cette politique est délétère et inefficace, puisque 13 % des plus de 80 ans n'ont pas encore reçu de première dose de vaccin, ce qui place la France dans les derniers pays d'Europe. Il s'agit là non pas de pourfendeurs du vaccin, mais de personnes âgées, dépourvues d'accès à internet et habitant en zone rurale, dans des déserts médicaux. Non, monsieur le ministre, ViteMaDose et Doctolib ne constituent pas des politiques de santé publique !
Délétère et inefficace, puisque les détenteurs de passes en tout genre peuvent se croire, à tort, protégés contre toute contamination, et que les classes et les métros sont bondés.
Délétère et inefficace, puisqu'aux Antilles, vous imaginez vous passer de 30 % des soignants dans des hôpitaux déjà exsangues.
Si vous voulez à tout prix faire respecter la loi, monsieur le ministre, commencez par faire respecter le taux de sucre dans les aliments, dont le dépassement est à l'origine des comorbidités, ou par garantir le droit à l'eau et à l'assainissement.
Voici venu le règne de la santé à court terme. Les soignants sont à bout de souffle. Les déprogrammations d'opérations continuent. Le nombre de tentatives de suicide chez les très jeunes explose. Le nombre de licenciés de sport chute, tout comme la santé mentale de nos concitoyens se dégrade.
Délétère, enfin, parce que vous pervertissez l'État de droit. Vous décidez seuls, à l'abri de votre Conseil de défense sanitaire. Le Parlement, piétiné, photocopie les projets de loi à l'identique. Les comités d'entreprise et les syndicats ne sont pas écoutés. Avec ce texte relatif au passe vaccinal, vous permettrez même à des personnes non habilitées de procéder à des vérifications d'identité. Cette surveillance d'une partie de la société sur l'autre brise la solidarité, au moment où celle-ci n'a jamais été aussi nécessaire.
Depuis près de quarante ans, nous savons que la contrainte est contre-productive en matière de santé publique et qu'il faut mener des politiques reposant sur la conviction, l'aller vers et l'association des personnes concernées. En matière de santé, le maître mot est la confiance. Or votre politique la détruit méthodiquement. Vous préférez la discrimination à d'autres mesures utiles pour endiguer l'épidémie : moratoire sur les fermetures de lits, généralisation des purificateurs d'air, instauration d'une société de roulement, création d'un pôle public du médicament, gratuité des tests et des masques, politique d'aller vers et, surtout, levée des brevets sur les vaccins. Monsieur le ministre, nous ne céderons pas à votre chantage qui consiste à opposer, en toutes circonstances, la protection de la santé et la sauvegarde des libertés.