Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 29 décembre 2021 à 14h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Véran, ministre :

S'agissant du passe vaccinal, le Gouvernement sera favorable à un amendement de Mme Justine Benin tendant à éviter un effet couperet le 15 janvier prochain dans certains territoires ultramarins. Nous entendons laisser la place à la discussion avec les acteurs locaux. Nous voulons éviter que le conflit social ne s'enflamme de nouveau dans ces territoires.

Je confirme que les règles relatives au passe vaccinal s'appliqueront aux 12-17 ans, de même que les règles relatives au passe sanitaire se sont appliquées à eux. La couverture vaccinale des 12-17 ans atteint d'ailleurs un niveau très élevé ; elle est similaire à celle des adultes. Les choses se déroulent bien en la matière.

La question du passe sanitaire au travail a effectivement été évoquée ; j'ai d'ailleurs fait part de mon sentiment personnel à ce sujet. Néanmoins, les négociations avec les partenaires sociaux n'ont pas permis d'aboutir à un consensus. Il y a même plutôt eu un consensus pour s'opposer au principe du passe sanitaire au travail. Or l'application d'une telle mesure serait évidemment difficile sans le concours des partenaires sociaux. Par ailleurs, si l'on instaure le passe sanitaire pour ceux qui travaillent dans les commerces, la question de son extension aux clients se posera nécessairement. C'est une question très complexe, notamment du point de vue juridique. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas inscrire cette mesure dans le texte.

Je confirme que le certificat de rétablissement – délivré aux personnes qui ont été atteintes du covid et ne sont pas encore éligibles à la vaccination – donnera accès au passe vaccinal, dans les mêmes conditions qu'il donnait accès au passe sanitaire. La rédaction figurant dans le présent projet de loi est un peu différente de celle qui se rapportait au passe sanitaire, ce qui a peut-être motivé vos interventions, mais je vous garantis que la prise en compte du certificat de rétablissement est bel est bien prévue dans le texte.

Si l'on était au pied du mur, pour éviter la fermeture de certains établissements recevant du public, faudrait-il aller plus loin en demandant la présentation d'un test négatif en plus de la vaccination, comme le font les Allemands avec le passe « 2G+ » ? La question est légitime, s'agissant notamment des lieux les plus à risque – j'ai à cet égard une pensée pour les acteurs du monde de la nuit, qui vivent une situation difficile, les discothèques demeurant fermées. Si une telle mesure devenait nécessaire, nous pourrons la prendre par décret, car elle ne nécessitera alors pas de base législative supplémentaire. C'est pourquoi la question n'est pas tranchée dans le projet de loi.

Le ministre de l'intérieur, chargé de l'organisation des élections, a engagé une concertation avec les parties prenantes, de manière à garantir le bon déroulement de la vie démocratique et la tenue des élections en temps et en heure, dans les meilleures conditions pour nos concitoyens.

Le Conseil constitutionnel, lorsqu'il a été interrogé sur les modalités d'application du passe sanitaire, notamment pour l'accès aux rassemblements, a considéré que la loi ne concernait que les activités dites de loisir et que le passe sanitaire ne pouvait donc être imposé pour les activités politiques et cultuelles. C'est pourquoi nous ne prévoyons pas non plus de passe vaccinal pour les meetings politiques. La question n'a pas été posée, mais j'ai souhaité l'aborder au vu de certains des amendements qui ont été déposés, notamment l'amendement CL115 de Guillaume Larrivé.

Les rassemblements en intérieur sont limités à 2 000 personnes, à l'exception de ceux qui sont de nature politique. Cette décision a soulevé une vague de contestation assez forte, notamment sur les réseaux sociaux. Certains artistes se sont également mobilisés. Je le comprends. Les gens nous reprochent qu'il ne soit plus possible de se réunir en grand nombre pour un concert, mais qu'on puisse le faire pour des meetings politiques. Le Gouvernement n'entend pas faire deux poids, deux mesures selon qu'il s'agit d'activités politiques ou d'activités de loisir : l'enjeu est d'ordre constitutionnel. Il nous semble donc difficile de ne pas en tenir compte. Néanmoins, l'amendement CL115 vise à permettre aux organisateurs de réunions à but politique d'imposer le passe sanitaire à l'entrée. Sous réserve de la conformité du dispositif à la Constitution – et tout en sachant que le Conseil constitutionnel aura certainement l'occasion de se prononcer sur l'ensemble du texte –, le Gouvernement n'y sera pas défavorable. Du reste, cette position est en cohérence avec celle exprimée par les groupes politiques de la majorité, lesquels ont immédiatement déclaré qu'ils appliqueraient pour leurs meetings les mêmes règles que celles imposées aux Français pour les rassemblements de loisir.

Des traitements contre le covid sont sur le point d'arriver. L'un d'entre eux notamment, commercialisé par le laboratoire Pfizer, sera réservé aux personnes présentant des risques élevés de développer des formes graves en raison de leur immunité fragile. Même vaccinées, les personnes immunodéprimées peuvent faire un covid sévère. C'est le cas de la quasi-totalité des personnes vaccinées qui sont en réanimation. Le traitement en question, préventif, devrait permettre de protéger ces personnes à risque, ce qui est une bonne nouvelle.

Par ailleurs, des vaccins à ARN messager dits « boosters », c'est-à-dire adaptés aux variants, notamment à la souche omicron, sont en cours de développement. Nous suivons cela de très près, au cas où il y aurait lieu, pour nous protéger dans la durée, de proposer ultérieurement de nouvelles campagnes de vaccination.

Dans le contexte difficile que nous connaissons, marqué par de fortes tensions sur les ressources humaines, nous avons augmenté de 700 le nombre de lits fixes de réanimation. Avec le Ségur de la santé, nous soutenons la communauté soignante dans les hôpitaux et continuerons à le faire. Le plan d'investissement concerne aussi les EHPAD. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé hier aux infirmières de réanimation une bonification de 100 euros nets par mois, qui vient s'ajouter aux 300 euros déjà prévus par le Ségur. En outre, nous continuons et continuerons à former plus de médecins, d'infirmiers et d'aides-soignants. Les temps sont durs à l'hôpital ; les personnels ont besoin de votre soutien.

Enfin, j'ai bien entendu vos remarques, madame Panot. Je vous remercie, une fois de plus, de vos propositions à la fois adaptées et cohérentes pour nous permettre de lutter contre la circulation du virus. Il est vrai que, depuis le premier projet de loi relatif à la crise que nous avons présenté, vous avez voté contre toutes les mesures proposées. Vous êtes donc cohérente avec vous-même.

Selon vous, le passe rogne les libertés des Français. Mais regardons ce qui se passe à l'étranger : aux Pays-Bas, confinement ; en Autriche, confinement ; en Belgique, fermeture des bars, des restaurants, des cinémas et des salles de spectacles ; au Portugal, dès le 2 janvier, fermeture des bars et des restaurants ; au Danemark – pays souvent pris en exemple par votre groupe –, fermeture des bars et des restaurants et limitation des concerts à cinquante personnes ; en Norvège, plus de rassemblements privés au-delà de dix personnes, jauges dans les bars et les restaurants ; en Suède, jauges dans les commerces et dans les lieux de culture ; en Finlande, fermeture anticipée de tous les bars et restaurants ; en Allemagne, huis clos pour tous les événements sportifs, passe sanitaire et passe vaccinal, voire 2G+, et jauges dans certains Länder ; en Roumanie, en Pologne et en République tchèque, couvre-feu pour les bars et les restaurants. L'Italie, quant à elle, suit notre piste : passe sanitaire transformé en passe vaccinal et maintien de la liberté de circulation et d'ouverture des établissements recevant du public.

Vous nous reprochez un déni de démocratie, alors que c'est le douzième projet de loi que je viens défendre devant la représentation nationale. Citez-moi un autre pays où l'exécutif aurait fait autant de démarches devant les parlementaires. Quant au procès en cloisonnement et en fermeture du pays, quand on se compare, on se console.

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