Intervention de Didier Leschi

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :

Je suis tout à fait honoré que le poste de directeur général de l'OFII face l'objet de cette procédure, qui prouve l'attention que le Parlement porte à cette fonction et qui correspond à l'importance du sujet que l'OFII prend en charge, à savoir l'accueil de l'ensemble des migrations. Si le rapprochement familial est le premier vecteur de la migration, l'OFII a été très sollicité ces dernières années par des demandeurs d'asile ; ses missions ont donc été renforcées par différentes lois relatives à l'accueil des demandeurs d'asile.

J'ai eu la chance d'occuper des fonctions qui m'ont passionné et qui sont très souvent au cœur des problématiques sociétales, sociales et politiques. L'immigration, au cœur des débats qui agitent la société française, demande des réponses adaptées.

L'OFII est un établissement public qui a montré ces dernières années sa grande souplesse et sa réactivité. Vous avez demandé à l'OFII de reprendre le versement de l'allocation pour demandeur d'asile dans des délais extrêmement contraints, ce qui n'a pas toujours été d'une grande facilité, certains demandeurs ne pouvant bénéficier de leur allocation en temps voulu. Nous avons repris les données de Pôle emploi, qui n'étaient pas tout à fait satisfaisantes sur le plan de leur intégrité technique, ce qui nous a obligé à mener un travail très important. Aujourd'hui, il n'y a plus de tension en ce qui concerne ces versements, et si la carte de paiement que nous avons créée a suscité beaucoup d'interrogations au début, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La pandémie a même facilité, voire amplifié l'utilisation de cette carte.

La crise sanitaire nous a obligés à nous adapter rapidement. Nous nous sommes attachés à être attentifs aux personnes, notamment les plus fragiles, car les phénomènes migratoires ne sont pas forcément voulus. Pour continuer à recevoir du public pendant le confinement, nous avons dû protéger à la fois les agents et les personnes, tout en continuant à les orienter vers des hébergements – un défi très difficile, que nous avons su relever. Cette crise nous a également obligés à ajuster nos relations avec nos prestataires, notamment pour organiser les cours de français et les formations civiques à distance.

Nous n'avions pas mesuré la difficulté pour certaines personnes d'accéder à nos directions territoriales pour faire le bilan de fin de CIR, ce moment où nous réexaminons leur situation. Pendant le confinement, nous avons effectué les bilans par téléphone, ce qui s'est avéré beaucoup plus efficace. C'est donc l'une des adaptations que je vais maintenir – je l'ai en tout cas proposée à ma tutelle.

En ce qui concerne les exigences linguistiques, l'enjeu pour les personnes bénéficiant d'un premier titre de séjour est d'accéder à l'autonomie, qui passe par le travail et le logement. Il convient donc d'accentuer les formations linguistiques à exigence professionnelle. Une articulation peut se faire avec Pôle emploi mais nous devons arriver à optimiser ce sujet, l'enjeu étant de montrer, d'une part, aux personnes qu'avec un effort linguistique, elles peuvent accéder plus facilement à un emploi et, d'autre part, au pays qu'il y a une utilité à la migration. Contrairement à d'autres pays, qui sont des exemples en termes de capacité à intégrer les migrants dans le marché de l'emploi, l'exigence de niveau linguistique en France n'est imposée ni pour le visa ni pour le titre de séjour. L'Allemagne, par exemple, a un rapport important à la langue : on est Allemand parce qu'on parle allemand. La tradition française, qui est honorable et très républicaine, est différente : nous ne sommes pas forcément Français parce que nous parlons français. Nous devons donc démontrer aux personnes qu'avec une maîtrise de la langue, elles accéderaient à l'autonomie et à une dignité sociale plus grande qu'en étant complètement dépendantes des prestations sociales.

Concernant l'implantation territoriale de l'OFII, celle-ci a été réduite par une décision de 2015 qui nous a amenés à fermer huit délégations territoriales. À ce moment-là, il était bien évidemment difficile d'anticiper les nouvelles poussées migratoires, notamment celle qui est liée à la demande d'asile.

Depuis 2016, nous constatons un besoin beaucoup plus fort de proximité vis-à-vis des publics que nous prenons en charge. Il serait important de mener une réflexion sur l'implantation territoriale de l'OFII, y compris dans des zones où nous pourrions croire qu'il y a une certaine densité de ces directions territoriales, par exemple en Île-de-France. Ainsi, les Yvelines ne disposent pas de direction territoriale et relèvent de celle basée à Montrouge, alors que nous y constatons une arrivée importante de nouveaux migrants. De même, c'est la direction du Val-de-Marne qui suit les personnes installées en Essonne.

Plus largement, certaines zones du territoire sont extrêmement grandes, telles que l'Occitanie, où seules deux directions sont implantées – à Montpellier et à Toulouse –, ce qui nous oblige à répartir les migrants sur l'ensemble des départements. De ce fait, arriver à les suivre est beaucoup plus difficile. L'enjeu pour les prochaines années est de bénéficier d'une meilleure répartition sur le territoire national de la charge de l'accueil de l'ensemble des personnes, en particulier de celles qui obtiennent le statut de réfugié ou une protection.

S'agissant des médecins, nous avons obtenu – de haute lutte – une dérogation jusqu'en 2022 permettant à l'OFII de recruter des médecins retraités, jusqu'à l'âge de 73 ans. Je souhaite que cette dérogation soit prolongée car l'activité médicale de l'OFII participe à l'effort global de vaccination des nouveaux arrivants demandeurs d'asile, au moment de leur enregistrement. Je souhaite rappeler la situation quelque peu étrange dans laquelle nous nous trouvons : les médecins de l'OFII ne peuvent pas valider les vaccinations des personnes vaccinées dans un autre pays européen, ou avec des vaccins reconnus par l'Union européenne. Ils sont obligés de les envoyer dans une pharmacie, ce qui leur coûte 37 euros. Une meilleure reconnaissance de l'action médicale de l'OFII par le ministère des solidarités et de la santé est nécessaire. J'ajoute que nous avons instauré depuis 2016 un rendez-vous santé au cours duquel nous proposons un rappel vaccinal.

Le fait que nos médecins ne soient pas reconnus par les agences régionales de santé (ARS) comme des médecins – alors que le Parlement a lui-même instauré la reconnaissance de l'ensemble du service médical de l'OFII – nous oblige à faire de la gymnastique administrative par le biais de conventions. Nous avons ainsi passé une convention avec la ville de Marseille, celle-ci fournissant les vaccins aux médecins de l'OFII.

Je pense avoir répondu à vos premières questions. J'ajouterai que je suis heureux et honoré que le Président de la République ait proposé la reconduction de cette mission, qui est pour moi une des missions les plus importantes de l'État.

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