Intervention de Didier Leschi

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :

Concernant la procédure relative aux étrangers malades, confiée à l'OFII en 2017, toute mon action a visé à faire en sorte qu'elle ne soit pas critiquable, puisque l'honneur de notre pays est d'accueillir des personnes qui ne peuvent pas être soignées dans leur pays d'origine. Pour cela, il faut que la procédure ne soit pas susceptible de critique. C'est la raison pour laquelle elle a été confiée à l'OFII.

Un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ayant souligné les distorsions d'appréciation sur des cas précis d'un département à l'autre, j'ai mis en place une procédure collégiale – trois médecins sont désignés de manière aléatoire, un quatrième étant nommé en raison de sa spécialité en rapport avec la pathologie invoquée – et une identitovigilance, afin de nous assurer que la personne qui se présente au médecin est bien celle qui a introduit la demande. Cette procédure avait été conçue en 1997 pour prendre en charge les personnes atteintes du VIH.

Concernant cette dernière pathologie, j'ai conclu des conventions avec des laboratoires pour s'assurer que la personne qui se présente en est vraiment atteinte. Le nombre de dossiers instruits a ainsi été divisé par deux tandis que le taux d'acceptation, en raison de la qualité de ces dossiers, a augmenté de plus de 65 %. En effet, des pressions peuvent être organisées par des filières, alors même qu'une prise en charge est possible dans les pays de départ. Je pense ainsi aux personnes provenant des pays de l'Est, où existe une médecine technique. Nous avons passé une convention avec les autorités géorgiennes pour permettre le rapatriement médicalisé de personnes arrivées en France avec l'idée qu'elles y seraient mieux soignées et qui se retrouvent dans des conditions sociales terribles, ce qui diminue leurs chances de guérison.

La convention entre la France et l'Algérie devrait normalement permettre aux autorités sanitaires algériennes et à la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS) d'apprécier la situation du malade et sa capacité ou non à être soigné en Algérie. Je constate cependant une forme de détournement de cette procédure : des personnes viennent en France avec des visas de court séjour et vont ensuite se faire soigner dans les hôpitaux français, sans passer par la procédure résultant de l'accord entre nos deux États. Une réflexion doit être menée sur cette question car ce détournement de procédure est dommageable pour l'Algérie comme pour la France. C'est ce que nous avons indiqué dans le rapport que l'OFII remettra au Parlement – il s'agira du troisième. Je rappelle en effet que l'OFII rend désormais publiques les données relatives à la procédure « étrangers malades ». Auparavant, il n'y avait pas de données : nous avons d'ailleurs été incapables de retrouver des statistiques précises du temps où cette procédure était confiée aux ARS. Je suis tout à fait disponible pour venir présenter ce rapport devant les commissions des lois et des affaires sociales, nos concitoyens ayant de nombreuses interrogations sur ce sujet et des réflexions devant être menées sur certains items, tels que les greffes d'organes.

Monsieur Larrivé, je vous remercie pour votre appréciation. J'essaie en effet d'être un fonctionnaire républicain et d'accomplir les missions qui me sont confiées avec une éthique, une exigence de ce que doit être le service public. Si cela peut m'amener parfois, madame Buffet, à faire des déclarations, il ne me semble pas avoir critiqué les élus de gauche – en tout cas, je ne vois pas à quoi vous faites allusion. Le sujet de l'immigration est complexe. Il nécessite d'y réfléchir de manière sérieuse et de ne pas avoir, à l'égard de l'action des fonctionnaires ou de l'État, des appréciations spontanément négatives.

En ce qui concerne l'accueil des femmes afghanes, l'effort réalisé depuis 2016 a, entre autres, porté sur l'augmentation du nombre de places réservées aux femmes victimes de violences ou à des personnes qui ont déposé une demande d'asile en raison de leur orientation sexuelle. Nous avons passé des conventions avec des associations spécialisées pour la prise en charge de femmes ayant été victimes de violences ou de personnes soumises à de la discrimination en fonction de leur genre.

Depuis le 15 août 2021, l'opération d'évacuation en Afghanistan a concerné 3 000 personnes, dont la moitié sont des femmes, alors qu'avant cette date, 90 % des demandeurs afghans étaient des hommes, dont la moyenne d'âge était de 27 ans. Nous tentons d'accompagner au mieux ces personnes protégées mais l'accès au logement reste particulièrement difficile.

Concernant la question des flux migratoires, l'immigration irrégulière est un problème complexe. Le seul critère objectif est le nombre de personnes bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME), soit 380 000 personnes – les demandeurs d'asile relevant quant à eux de la protection universelle maladie (PUMA). Nous pouvons donc estimer à environ 400 000 le nombre de personnes en situation irrégulière en France, sachant que la particularité de notre pays est une procédure de régularisation au long cours, reposant notamment sur la règle des dix ans définie dans la loi Chevènement de 1997. Depuis la circulaire Valls, 35 000 régularisations sont effectuées chaque année au titre de la vie familiale ou du travail.

Par ailleurs, entre 20 000 et 25 000 personnes par an sont reconduites dans leur pays. Or nous sommes dans une période très difficile du fait de la pandémie – arrêt du transport aérien, fermeture des centres de rétention administrative (CRA). Concernant les départs volontaires, dont l'OFII à la charge – contrairement aux départs forcés –, nous étions parvenus à 10 000 départs volontaires en 2018 et à 8 000 en 2019 mais la pandémie a ramené ce nombre à 5 000. L'un des enjeux sera de reprendre une action déterminée dans ce domaine. Je rappelle qu'une aide à la réinsertion est accordée à une partie des personnes concernées : il est en effet de notre intérêt de les stabiliser dans leur pays en leur permettant de développer une activité économique.

Le flux annuel net de l'immigration était, avant la crise sanitaire, de 90 000 personnes au titre de l'immigration familiale, de 90 000 au titre des études et de 30 000 à 35 000 au titre du travail. La direction générale des étrangers en France (DGEF) rend chaque année au Parlement un rapport sur les migrations ; elle est donc plus compétente que l'OFII pour répondre à cette question. La France, pays d'immigration de longue date, n'a jamais compté autant d'immigrés qu'aujourd'hui, dont les trois quarts viennent des pays du sud, avec des difficultés d'intégration dans l'emploi et dans le rapport à la langue.

Renforcer la formation civique en même temps que la formation linguistique ne permettra pas d'intégrer les personnes plus rapidement car il y a un problème de décalage entre le moment où elles sont suffisamment à l'aise en français et le moment où elles commencent à suivre un cours d'instruction civique. L'intégration est un long processus et l'appropriation par chacun de nos codes sociaux demande du temps ; l'OFII ne peut que poser les bases.

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