Intervention de Danièle Obono

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Le devoir de vigilance des multinationales vise à prévenir les violations des droits humains et les préjudices environnementaux tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Autrement dit, il s'agit de rendre l'entreprise donneuse d'ordre responsable des agissements de ses sous-traitants.

Nous ne croyons pas véritablement au capitalisme responsable, éthique ou à visage humain. Nous croyons, en revanche, en la régulation et en la nécessité pour les États d'assurer le respect des droits humains. La France a fait figure de pionnière en la matière avec la loi de 2017. Toutefois, les critiques ont relevé son champ d'application trop restreint et trop flou, le champ des entreprises couvertes n'étant pas clairement défini et les moyens nécessaires à l'application effective du dispositif étant limités. Les associations se retrouvent souvent à faire la majeure partie du travail, sans disposer de beaucoup plus de moyens. Le devoir de vigilance est donc théorique.

Nous soutenons cette proposition de résolution et l'avancée qu'elle représente. Le débat se situe au niveau international, notamment au niveau européen. Cependant, le projet de directive annoncé par la Commission européenne a été trop souvent repoussé.

Plusieurs points nous semblent importants dans la rédaction d'un texte le plus ambitieux possible, comme la définition de contraintes et la couverture de toute la chaîne d'approvisionnement, quel que soit le nombre de fournisseurs, et donc sans limitation aux seuls sous-traitants directs. Les multinationales étant capables d'exiger des contrôles qualité tout au long de la chaîne, elles pourraient contrôler les conditions de travail. Même s'il est plus simple de contrôler le produit fini que l'ensemble de la production, il n'empêche que ces multinationales ont les moyens et surtout le devoir de le faire.

La couverture de tous les droits humains est également nécessaire. Il faut aussi un système de sanction administrative ambitieux. Le dispositif, pour être effectif, doit pouvoir mobiliser un large spectre de sanctions dissuasives : l'interdiction d'importer sur le marché européen ; l'exclusion des aides et marchés publics des États membres ; des amendes au niveau de celles du droit européen de la concurrence.

L'accès effectif à la justice des victimes est également un point important : le passage devant la justice ne doit pas être empêché par des mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends. Concernant les modalités de recours civil des victimes, une législation ambitieuse en matière de devoir de vigilance doit renverser la charge de la preuve en imposant aux entreprises de prouver qu'elles ont été suffisamment vigilantes. En outre, les droits des victimes doivent être renforcés, notamment concernant le droit d'accès aux informations et aux preuves. Elles doivent ainsi pouvoir exiger des documents internes à la multinationale.

Ces quelques points ne remettent cependant pas en cause l'utilité et le caractère très constructif de cette proposition, que nous soutenons. Il nous semble par ailleurs nécessaire de créer, au niveau français, des mécanismes complémentaires comme ceux que nous proposons en matière de protectionnisme solidaire et écologique. Nous espérons aboutir sur ce point dans les mois et les années à venir.

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