Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du jeudi 13 janvier 2022 à 22h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Il est temps de refaire un peu le fil de cette histoire. Le 27 novembre dernier, l'Afrique du Sud signale l'apparition du variant omicron à l'Organisation mondiale de la santé. La France en est parfaitement informée puisqu'elle suit les signalements à l'Organisation mondiale de la santé, comme tous les pays. Des mesures sont prises : un conseil de défense est réuni, il y a des annonces dès le 6 décembre. Moi-même, le 7 décembre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, je pose une question au Gouvernement qui a décidé de fermer les boîtes de nuit en raison de ce variant. Il vous faudra ensuite quelques semaines pour réagir : vous nous convoquez le 29 décembre pour voter la création du passe vaccinal, lequel doit entrer en vigueur le 15 janvier.

Dès le départ, vous savez que cette date est intenable, et pour cause : votre objectif n'est pas de répondre à la crise sanitaire mais de faire un coup politique. Je vous accorde que vous n'en avez pas maîtrisé toutes les étapes – vous n'aviez sans doute pas prévu de vous faire mettre en minorité un lundi à minuit, alors que vous étiez un peu trop nombreux à la buvette ! Néanmoins, tout le reste était prévu, et prévisible. J'avais parié, avec quelques-uns, l'échec de la CMP de cet après-midi, avec une argumentation très précise.

Même dans votre calendrier initial, la date du 15 janvier n'était pas tenable, puisque le Conseil constitutionnel a huit jours pour se prononcer en procédure accélurgence. Je vous l'ai annoncé ici même le 29 décembre – les vidéos pourront en attester –, et nous avons même examiné des amendements repoussant la date du 15 janvier. Dès lors, quel était l'objectif politique de la création du passe vaccinal ? Vous aviez bien analysé la situation : les socialistes et les républicains étant pour l'obligation vaccinale, vous proposez le passe vaccinal, qui n'est pas une obligation, afin de les obliger à se positionner et à tomber d'accord avec le Président de la République en pleine campagne électorale – ce qu'ils n'ont pas envie de faire.

Après quelques coups d'éclat – chacun doit pouvoir exister –, nous voilà en CMP. Avec cette date du 15 janvier intenable, il vous reste deux options : soit aboutir à une CMP conclusive, ce qui répondait à l'intérêt politique des républicains, soit faire échouer la CMP pour allonger encore les débats et accuser les républicains d'être des irresponsables – « Pendant que nous débattons, la réanimation est sous l'eau, des gens meurent à l'hôpital du fait de l'épidémie, les soignants sont en tension ! » Vous nous l'avez rabâché toute la semaine dernière, accusant les oppositions d'être responsables des décès dans les hôpitaux. Mais c'est vous qui êtes au pouvoir !

Et soudainement, vous décidez de prendre deux ou trois jours de plus, tout cela pour un malheureux tweet ! Si vous croyiez vraiment à tout ce que vous nous avez raconté la semaine dernière à propos de l'urgence, vous ne vous arrêteriez pas à ce tweet. Le sujet, disiez-vous, c'est l'entrée en vigueur du passe vaccinal, pour protéger les Français. Or il n'a jamais été question de protéger les Français avec ce passe vaccinal. Votre démarche est idéologique, vous faites de la politique politicienne en utilisant le contexte de la pandémie. J'affirme que c'est coupable et irresponsable.

Le scénario que je viens de décrire est plus que réaliste. Un fait l'a d'ailleurs accrédité : l'irruption du Président de la République, ou plutôt du monarque présidentiel, qui, lors d'un entretien avec des Françaises et des Français organisé par le journal Le Parisien, a jeté de l'huile sur le feu en disant qu'il emmerdait les non-vaccinés. Cela indique que son objectif était bien de tendre la situation politique et de radicaliser sa base électorale. Il espère ainsi se faufiler jusqu'au second tour et, surtout, faire en sorte que l'on ne parle pas d'autre chose, à savoir de l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz et, de manière générale, du coût de la vie, les filières électro-intensives étant obligées de répercuter la hausse.

Ce tweet est un mauvais prétexte. Il faut dire que l'alignement astral ne vous est pas du tout favorable. Voilà que le ministre Véran, à jour de ses trois doses de vaccin, chope le covid ! Peu après Richard Ferrand, vous n'avez pas de bol ! Comme je l'entends à l'instant de la bouche d'un collègue La République en marche, c'est le pompon !

Nous ne participerons pas à cette mascarade. Nous continuons à être en désaccord avec le passe vaccinal, car nous voulons régler le problème de l'épidémie. Tant que vous n'aurez pas pris toutes les mesures alternatives, vous ne serez pas crédibles.

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