Dans la continuité de notre position sur la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, nous sommes opposés au présent texte non pas parce que nous contestons son objet – j'anticipe la caricature du groupe de La République en marche – mais pour les raisons suivantes.
La loi censurée par le Conseil constitutionnel contenait des mesures similaires à celles qui sont proposées là. L'association la Quadrature du net, dont l'avis est souvent précis, détaillé et fondé, nous l'a rappelé, le Conseil avait alors estimé que le délai très court dans lequel l'autorité administrative se prononce empêchait de saisir un juge pour garantir la liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression. Dans son rapport d'activité de 2020, la CNIL considère, elle aussi, qu'il y a un problème de constitutionnalité dans la mesure où le règlement est d'application immédiate.
Certes, il n'y a pas pour les plateformes d'obligation de recourir à des algorithmes ou des filtres mais il n'y a pas d'interdits non plus. Ces dernières ont déjà annoncé qu'elles mettraient en place des algorithmes sans lesquels il leur serait impossible, disent-elles, de s'acquitter de leur tâche. Or lors de son audition à l'Assemblée, Frances Haugen nous a fait la démonstration de la perversité de tels algorithmes : alors qu'ils sont censés nous protéger, ils laissent passer certains contenus haineux et en censurent d'autres qui ne le sont pas. Bastien Lachaud a subi les foudres d'un algorithme pour une vidéo de son intervention à la tribune dans laquelle il indiquait son opposition au passe sanitaire. Nous avons fait intervenir le ministre pour que la vidéo soit de nouveau accessible, mais tout le monde n'a pas cette chance. Pendant ce temps, pour ceux qui nous menacent sur les réseaux sociaux, arme à la main, l'algorithme n'existe pas. Finalement, qui peut trancher ? La justice, avec ses lenteurs, certes. Ce sont peut-être elles qui vous gênent ; pourtant, j'avais cru comprendre que la justice était réparée, qu'elle avait reçu des « sucres rapides ». Ce n'est évidemment pas le cas. Nous y remédierons le moment venu en augmentant les effectifs dédiés.
L'enquête sur l'assassinat de Samuel Paty a montré que des signalements avaient été transmis à la plateforme PHAROS – plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Mais nous manquons de moyens humains pour surveiller ce qui se passe sur internet, analyser et prendre des décisions. Vous avez d'ailleurs fini par renforcer PHAROS puisque c'est la seule chose à faire en la circonstance. Il faudrait également recruter des magistrats spécialisés.
Les terroristes utilisent les plateformes pour accroître l'audience de leur message mais c'est loin d'être le seul outil auquel ils ont recours : les actes qu'ils commettent et le traitement médiatique qu'ils reçoivent sont un amplificateur tout aussi puissant. Les plateformes les aident-elles à s'organiser ? Les services de renseignement le savent bien, les terroristes ne sont pas assez idiots pour passer par les plateformes pour communiquer entre eux.
Avec ce texte, vous manquez la cible que vous affirmez viser.