Je vous remercie Monsieur le Président. Pourquoi introduire dans le projet de loi de transformation de la fonction publique des dispositions plus précises que celles qui existaient d'ores et déjà dans la réglementation et dans le statut général de la fonction publique ? Tout d'abord, parce qu'il y a, notamment sur les questions de harcèlement sexuel, et plus généralement de violences sexistes et sexuelles une volonté du Gouvernement d'être davantage proactif sur ces questions, de passer à une phase plus opérationnelle et d'outiller les employeurs pour le règlement de ces questions. C'est dans ce cadre qu'une concertation et qu'une négociation ont été engagées avec les représentants des employeurs et du personnel en vue de la conclusion de l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, celui-ci ayant été signé le 30 novembre dernier. Le projet de loi décline une partie des dispositions qui figurent dans cet accord. Parmi ces dispositions, il y a effectivement une obligation pour l'ensemble des employeurs de mettre en place un plan en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cela couvre toutes les thématiques relatives à l'égalité : les questions de rémunération, de parcours professionnel, de formation, sachant qu'il existe aussi un volet spécifique consacré aux questions de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Ce plan d'action est décliné sur trois ans, avec une obligation de mise en œuvre sur la même période. De façon plus précise, sur les questions de harcèlement sexuel, la loi prévoit également la mise en place, sans seuil et pour l'ensemble des administrations des trois versants de la fonction publique, de dispositifs de signalement, de traitement et d'orientation face aux situations de violences sexistes et sexuelles, de harcèlement et de discrimination. L'inclusion des discriminations dans ce dispositif, effectivement, fait suite aux échanges et aux débats à l'Assemblée nationale ; on n'avait pas étendu le dispositif jusque-là.
Ce qui est nouveau, et ce sur quoi nous sommes en train de travailler très activement avec les employeurs à ce stade, c'est la mise en place d'un dispositif complet qui traite de la question des violences sexistes et sexuelles dans son ensemble et qui oblige vraiment, en quelque sorte, les employeurs. L'obligation existait déjà mais ils n'avaient pas forcément les outils. Et là, il s'agit justement de les aider en leur demandant de faire appel à des compétences et de mettre en place des procédures à l'égard de ces signalements, qui permettent de traiter jusqu'au bout, et dans l'ensemble de leurs aspects, des situations de harcèlement sexuel ou moral. Quand je parle de l'ensemble des aspects, cela veut dire non seulement mettre fin à la situation, mais également être en capacité d'écarter la personne éventuellement fautive, voire d'éloigner la victime. Ce sont avant tout des mesures d'accompagnement de la victime : l'accompagner en s'appuyant sur les acteurs de la prévention que sont le médecin de prévention au premier chef, l'assistante sociale du personnel, les services RH qui sont également partie prenante, le n + 1 ayant également un rôle à jouer en la matière. Ce sont donc les aspects « accompagnement de la victime » et la capacité à l'orienter vers des acteurs extérieurs, par exemple des associations qui sont spécialisées dans la question des violences faites aux femmes, qui constituent le premier volet du dispositif mis en place.
Deuxième volet, qui relève cette fois-ci de la responsabilité directe de l'employeur, c'est la nécessité, au-delà de celle consistant à mettre fin à la situation telle qu'elle semble se manifester, de diligenter une enquête administrative pour essayer, autant que possible, d'établir la réalité des faits. Non pas forcément de les qualifier, parce que cela ne relève pas de la responsabilité pure de l'employeur au sens juridique du terme, mais de donner les suites qui s'imposent, en matière notamment de procédures disciplinaires à l'encontre de la personne dont on estime que les faits permettent de considérer qu'elle s'est rendue coupable d'une violence sexuelle ou sexiste, ou d'un fait de harcèlement.
Il existe également le très important volet « Articulation avec la procédure pénale », qui doit être pris en compte dans le cadre de ce dispositif. Ce que nous souhaitons dire très clairement, c'est que, si ces procédures sont forcément liées, elles sont indépendantes l'une de l'autre. Ce qu'on a constaté jusqu'ici, en matière de pratiques de la part des employeurs publics, en tout cas de ceux que nous connaissons, c'est la méconnaissance de la responsabilité qui leur incombe. Ils nous disent souvent que, malheureusement, l'agent s'estimant victime n'a pas porté plainte, et qu'ils ne peuvent donc rien faire ; ils relèvent également qu'ils ne sont pas habilités ou n'ont pas la compétence pour établir les faits. Souvent, les situations en cause sont très complexes et les interprétations à donner ne sont donc pas toujours évidentes. C'est important que ces employeurs soient très au clair sur leurs devoirs en la matière. On sera donc très ferme, et c'est aussi un des objectifs de la loi : montrer qu'ils ont une responsabilité en la matière et qu'ils doivent traiter ces situations à leur niveau.
Ce qu'on prévoit par ailleurs (ça ne figure pas dans la loi, parce que cela ne relève pas du niveau législatif, mais on souhaite que cela figure dans l'accord), c'est d'étendre très largement les dispositifs de formation aux questions d'égalité professionnelle, certes, mais aussi plus précisément aux questions de violences sexistes et sexuelles. Sur le volet « notions », il importe de bien faire comprendre ce qu'est une agression sexiste et sexuelle puisque ces concepts sont parfois très mal compris ou mal connus. Il y a aussi la question des stéréotypes. C'est pour cela qu'on lie les questions traitant de l'« égalité professionnelle » avec les violences sexistes et sexuelles. Cela nous paraît très important que l'ensemble des agents, et plus particulièrement les cadres, jouent leur rôle de transmission et d'orientation : ils ont tous un rôle à jouer sur ce point et c'est la raison pour laquelle tous les agents publics doivent être formés. Voilà ce que je peux vous dire sur le contenu de la loi.
Sur la question des éventuelles pratiques différentes d'une fonction publique à l'autre, j'ai personnellement une longue expérience dans la fonction publique hospitalière puisque j'ai occupé les fonctions de DRH d'hôpital pendant plusieurs années. Je connais certes la fonction publique de l'État depuis un peu moins longtemps, mais je ne vois pas forcément de différence dans les manifestations des violences sexistes et sexuelles. Elles se manifestent de façon transversale et de la même façon. Il y a naturellement des spécificités, liées par exemple à la fonction publique hospitalière, mais, en général, il ne me semble pas qu'il y ait de différence notable.
Enfin, il me semble, sous le contrôle de mes collègues également, qu'il y a des niveaux d'appropriation très différents de ces questions, d'un employeur à l'autre. Certains sont très en avance, certains ont déjà mis en place des procédures : moi-même, à l'hôpital, je l'avais fait. Beaucoup de collègues s'étaient saisis de ce sujet-là, d'autres pas du tout. Du côté de la fonction publique de l'État, les manifestations sont peut-être moins évidentes parce qu'il y a aussi des environnements de travail un peu différents du milieu hospitalier mais il ne me semble pas, en tout cas, qu'en termes de responsabilité et de volonté de faire changer les choses, nous fassions des choses très différentes.
Notre volonté est claire : faire en sorte que tous les employeurs publics soient au même niveau et que les obligations afférentes s'imposent à tous de la même façon.