Nous avons transmis au Conseil d'État le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités locales. La différenciation devait être inscrite dans la Constitution, mais la révision constitutionnelle n'a pas été possible. À la demande du Premier ministre, le Conseil d'État a publié, en octobre 2019, une étude sur l'expérimentation qui souligne que son assouplissement favorise la différenciation.
Le projet de loi organique a pour objectif, d'une part, de simplifier l'entrée des collectivités dans l'expérimentation en supprimant les procédures d'autorisation préalable par le Gouvernement. La collectivité peut prendre une telle initiative par simple délibération, ce qui présente l'avantage de réduire d'un an, actuellement, à deux mois le délai moyen d'entrée des collectivités. D'autre part, il supprime le caractère binaire de l'expérimentation, qui devait être soir pérennisée en étant appliquée à la France entière, soit abandonnée.
Des souplesses sont en outre apportées en supprimant, entre autres, un certain nombre de rapports obligatoires.
Ce projet est inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres du mercredi 29 juillet. Une première lecture au Sénat devrait intervenir aussitôt après son renouvellement, en septembre. Il serait débattu en commission début octobre, puis en séance publique avant d'être transmis à l'Assemblée nationale.
Commencer par le droit à l'expérimentation est un signe fort adressé aux élus. Lorsque je rencontre leurs associations, notamment depuis la crise de la Covid-19, la nécessaire réorganisation de la présence de l'État – la déconcentration – est toujours le premier thème évoqué, puis viennent l'attachement à la différenciation – que ce texte facilitera –, enfin la décentralisation. Sans doute serait-il intéressant d'avoir un débat sur le sens donné à ce dernier terme. La décentralisation est conçue traditionnellement comme un transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales, alors que les élus demandent surtout que certaines de ces compétences soient clarifiées et partagées. Je pense par exemple à la formation des demandeurs d'emploi, qui relèvent à la fois de Pôle emploi et des régions. La différenciation permettrait aussi de donner satisfaction aussi bien à la moitié des départements, qui souhaitent se voir transférer la compétence sur les routes nationales qu'à l'autre moitié, qui ne le demande pas.
La décentralisation ne peut plus emprunter les mêmes voies que lors des deux premières vagues car la situation en 1982 était celle d'un Etat très centralisé – on a oublié qu'auparavant le préfet présidait les réunions du conseil général… Au-delà des transferts, de nouvelles relations sont à inventer entre l'État et les collectivités territoriales : certaines compétences sont mieux exercées par les territoires, d'autres, régaliennes, par l'État et d'autres encore, plus difficiles, doivent être partagées. S'ajoutent enfin les compétences qui sont organisées entre les différentes strates territoriales avec un chef de filât. Des débats seraient nécessaires pour clarifier leur répartition et éviter toute compétition entre collectivités car il ne faut pas oublier que ces actions sont financées par de l'argent public et qu'il faut y être attentif.
Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé une nouvelle étape, suivie d'une nouvelle loi. Je ne suis pas en mesure de vous donner un calendrier précis mais on peut imaginer que la rédaction du projet de loi 3D soit finalisée à la rentrée, après un travail interministériel, ainsi qu'avec la délégation aux collectivités territoriales et la commission des lois de l'Assemblée.