Intervention de Joël Giraud

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h00
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité :

Le prochain comité interministériel aux ruralités se déroulera de la manière suivante. Des annonces sont d'abord prévues en matière de jeunesse, de mobilité, de santé, notamment au sujet de la mise en place des VTA. Cela correspond à la deuxième partie parfaitement interministérielle de la relance de l'acte II de l'agenda rural. Nous nous attèlerons ensuite à la définition de la ruralité, dans le cadre d'un groupe de travail réunissant l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l'ANCT et l'AMRF. Toutes les associations d'élus se sont accordées sur le premier étage de la fusée, à savoir sur la nécessité de définir la ruralité à l'aune des règles européennes et de la grille de densité au niveau communal. D'ailleurs, dans l'amendement défendu par Jean-René Cazeneuve et Christine Pires Beaune concernant la DETR, c'est bien cette notion consensuelle qui a été reprise pour recentrer la DETR sur un certain nombre de territoires ruraux, du moins au niveau de l'enveloppe départementale.

Pour le deuxième étage de la fusée, qui n'est pas consensuel à ce stade, j'ai donné instruction à l'ANCT et à l'INSEE de poursuivre et d'affiner le travail avec les associations d'élus. À défaut, nous risquons de passer à côté d'un certain nombre de données. Comme vous le savez, l'INSEE a pour habitude de travailler sur les migrants alternants, à savoir les individus se rendant au travail en voiture ou par d'autres modes de transport et se dirigeant vers les villes centres. L'INSEE considère que ces populations sont intégrées dans le périmètre de la ville centre et qu'elles sont moins rurales que les autres. C'est un point de vue que l'AMRF ne partage pas, et que je ne partage pas non plus, étant entendu que les résidents de la ruralité prenant leur voiture pour aller travailler dans une ville située à des dizaines de kilomètres de leur domicile ne le font pas nécessairement pour l'attractivité de cette ville, mais parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi sur place. J'ai donc demandé aux différentes parties de retravailler ces sujets, étant entendu que nous organiserons un deuxième CIR au printemps 2021, qui se tiendra – si la situation sanitaire le permet – en présentiel.

D'après mes chiffres, les sous-préfets à la relance sont en cours de mise en place sur une vingtaine de postes. Pour autant, la circulaire que le Premier ministre a adressée aux préfets leur donne à tous le rôle de sous-préfet développeur. Notre objectif au sein du ministère de la Cohésion des territoires est donc que tous les sous-préfets, à défaut d'être des sous-préfets à la relance, redeviennent l'équivalent des sous-préfets développeurs d'antan. Avec moins de contrôles de légalité, davantage de développements locaux sont possibles. D'ailleurs, les sous-préfets territoriaux bénéficient désormais de diverses formations leur permettant de mieux appréhender ces éléments, ce qui est loin d'être négligeable.

Avec mes collègues parlementaires Christine Pires Beaune et Jean-René Cazeneuve, nous avions déjà évoqué une étude traitant des externalités négatives de la métropolisation dans le cadre de la mission sur la DETR. Si votre délégation devait adopter ce genre d'initiative, vous recevriez nécessairement l'appui de l'ANCT. Je suis en effet convaincu de la nécessité de mesurer ces externalités négatives. Si vous mettez en œuvre une telle étude, mon accompagnement vous est assuré au travers de l'ANCT. Nous avons toujours mesuré les externalités négatives sur les territoires ruraux. Il serait donc temps de les mesurer pareillement sur les territoires urbains pour parvenir à des consensus territoriaux et favoriser non pas les oppositions, mais des interactions intelligentes entre les deux univers

Je connais bien les sujets industriels que Christophe Jerretie m'a présentés dans sa circonscription, notamment à Ussel au travers de la fonderie Constellium. Je ne vous cache pas la difficulté de l'exercice. Même lorsque la banque publique d'investissement (BPIfrance) rend des avis favorables, des politiques de groupe amènent parfois ceux-ci à privilégier telle entreprise par rapport à telle autre, dans le cadre de plans globaux. Il m'est donc compliqué d'intervenir sur ces sujets, même si je me démène pour que ce soit le cas.

En tout état de cause, les cabinets d'Agnès Pannier-Runacher et d'Alain Griset – il s'agit souvent de petites et moyennes entreprises (PME), voire de très petites entreprises (TPE) – ont été alertés sur l'ensemble des dossiers. Nous allons également renforcer les moyens des territoires d'industrie, afin d'augmenter le nombre d'implantations sur le territoire. Précisons que ces politiques sont obligatoirement menées conjointement avec les régions, qui déterminent souvent les zones concernées, tandis que l'État dialogue avec elles pour vérifier si la zone est ou non cohérente.

Quoi qu'il en soit, je partage les inquiétudes de Christophe Jerretie, parce qu'il s'agit souvent d'industries de pointe avec des savoir-faire particuliers. J'ai rencontré des industries de pointe installées dans le département de l'Allier, qui n'avaient accès ni au réseau mobile ni à la fibre. Ces entreprises emploient cinquante à cent salariés dans des villages de deux-cents habitants, ce qui est tout sauf négligeable. Leur présence est souvent historique, parce qu'un ingénieur originaire de la région a décidé un jour d'y monter son entreprise. C'est la vie normale d'individus intellectuellement bien formés, qui aiment leur territoire et qui ont décidé de bâtir en local. Les entreprises auxquelles je pense risquent de mourir de leur non-accès au réseau mobile, étant entendu qu'elles ne peuvent utiliser les téléphones portables pour interagir avec leurs filiales basées à l'étranger. Seules des solutions extrêmement onéreuses leur sont aujourd'hui accessibles. Il s'agit d'industries liées à la vulcanisation, qui ne peuvent être installées à proximité des centres-villes sans susciter d'opposition de tout côté. Leur isolement à la campagne explique leurs difficultés d'accès au réseau.

J'ai donc clairement indiqué à l'Agence du Numérique que l'argent déployé sur un certain nombre de territoires devait s'accompagner d'exigences de l'État vis-à-vis des collectivités – qui sont maîtres d'ouvrage – en matière de couverture des sites isolés. Même si le Premier ministre s'est montré très clair sur le sujet, j'ai aussi demandé un travail d'examen pour vérifier si la 5G pouvait s'implanter sur ces zones particulières, afin de transporter les gros paquets de données informatiques. Soyez certains que nous suivons ce sujet de très près, puisque j'ai de nouveau interrogé le ministère sur les questions d'industrie au sein des territoires.

S'agissant des TET, je suis d'accord avec l'idée d'améliorer le fonctionnement des lignes existantes. Cela étant, les études récemment réalisées sont particulièrement instructives. Une ligne ne fonctionne pas longtemps si elle est isolée, comme je l'indiquais dans mon propos sur le nombre d'allers-retours. Il en est de même pour les trains de nuit. À force de mobilisation des élus et des citoyens, nous sommes parvenus à sauver la ligne de nuit reliant Paris à Rodez et à Latour-de-Carol/Enveitg, ainsi que la ligne de nuit reliant Paris à Briançon, que je connais mieux, et sur laquelle je rencontre les mêmes problèmes que ceux évoqués par Bénédicte Taurine. Par exemple, j'ai déjà voyagé par moins cinq degrés et sans chauffage, en étant tous entassés dans le seul wagon pourvu de chauffage, ce qui est particulièrement désagréable pour un trajet de dix heures.

Par ricochet, je réponds à la question relative au programme de rénovation des trains de nuit. La SNCF et la DGITM m'ont garanti que le programme de rénovation était bien engagé et tiendrait dans les délais, malgré la crise de la Covid-19. Au moment où était prise la décision de reconfiner la population, je devais programmer un voyage officiel à Périgueux pour rencontrer les ateliers de la SNCF, qui sont les premiers concernés. J'aime me rendre sur le terrain pour apprécier la réalité de ceux qui travaillent dans ces structures, notamment pour vérifier si le plan de charge est conforme aux attentes. Je suis toujours quelque peu sceptique vis-à-vis de la SNCF, et j'ai tendance à ne pas toujours croire ce que l'on me dit, surtout lorsque l'on m'annonce qu'un train est vide alors que je constate qu'il accueille six-cents voyageurs. De fait, je souhaitais observer où en était l'atelier de Périgueux. Ce qui est certain, c'est que les crédits ont été abondés dans le plan de relance. Il ne s'agit donc pas d'un sujet de crédits, mais d'un sujet de plan de charge et de volonté d'une société de réaliser ce qui lui a été demandé.

Le sujet est le même pour les lignes transversales, et je suis toujours avec intérêt les propositions de la société Railcoop en la matière. En effet, je ne crois pas à l'exploitant unique, et j'ai tendance à écouter les exploitants relevant de l'économie sociale et solidaire lorsqu'ils élaborent des projets avec des personnes parfaitement compétentes.

Le plan de relance prévoit de nouvelles enveloppes dédiées au développement des tiers-lieux. Je vous ferai parvenir les chiffres complets du redéveloppement des tiers-lieux.

J'ai compris qu'il existait un problème particulier sur le territoire de Jean-Claude Leclabart s'agissant des programmes Petites villes de demain. Concrètement, les préfets de département soumettent des propositions sur la base d'un premier canevas élaboré par l'INSEE, suivant les deux critères du bourg-centre et des difficultés économiques et sociales. Dans certains départements, les préfets ont pris l'attache des élus départementaux et des élus nationaux, mais cette méthodologie n'a pas été pareillement déclinée sur tous les territoires. Nous examinons donc les problématiques qui nous ont été rapportées par certains élus.

De son côté, l'ANCT est relativement jeune, puisqu'elle n'a été instituée qu'au 1er janvier 2020, tandis que de nouvelles missions lui ont été confiées durant l'été, alors que ses agents sont également soumis au confinement et peuvent difficilement se déplacer sur les territoires. En tout cas, le recours à l'ANCT est déclenché par le préfet de département, à l'issue d'un dialogue avec les élus. N'hésitez donc pas à dialoguer avec vos préfets. Pour notre part, nous ferons en sorte que ce dialogue s'améliore dans certains départements.

Des inquiétudes ont été exprimées par rapport à la période de Noël. En tout état de cause, le dispositif des volontaires territoriaux en administration ne sera pas opérationnel d'ici Noël. Pour autant, des missions sont confiées aux chambres consulaires, au travers des financements non négligeables. C'est le cas dans mon département, où la chambre de commerce et d'industrie a d'ailleurs désavoué les maires prenant des arrêtés, tout en annonçant qu'elle travaillerait territorialement à l'accélération de la connectique des entreprises locales, par le biais des crédits récupérés au titre du plan de relance. Au sein de mon territoire, des plateformes numériques ont même été dédiées aux réseaux de circuit court, en dehors des PAT, avec vente directe du producteur au consommateur via des plateformes relais déployées par des associations. Certains territoires ont pris de l'avance grâce à des initiatives souvent associatives, mais les chambres consulaires – que les parlementaires doivent mobiliser – ont également un rôle important à jouer.

Au risque de choquer les militants environnementalistes, je rappellerai que les conflits liés aux chiens de troupeau sont d'abord liés aux prédateurs avant d'être liés aux touristes de montagne. Je vois qu'un ancien ministre de l'Agriculture est en train d'acquiescer. En début de législature, nous sommes parvenus à faire en sorte que ces questions de prédation soient à la double signature du ministre de l'Agriculture et du ministre en charge de la Transition écologique, ce qui constitue déjà un progrès, puisque la voix des paysans est désormais entendue. En tant que secrétaire d'État à la Ruralité, je n'exerce aucune compétence particulière dans ce domaine, mais je serai assurément du côté du ministre de l'Agriculture car je sais ce qu'induit la disparition des alpages faute de repreneur, comme je connais les conséquences dramatiques de la fonte du permafrost.

Dans le même temps, je mesure bien ce qu'est le tourisme et ce que peut représenter un afflux de touristes. Nous parvenons à mieux gérer ces flux dans les parcs naturels régionaux ou nationaux, grâce aux agents déployés à cet effet, puisque la pédagogie fonctionne relativement bien. J'ai l'habitude d'avoir affaire à des urbains persuadés que le parc national des Écrins fonctionne comme un zoo, avec des bêtes visibles du premier coup d'œil. Je ne leur en veux pas, puisqu'ils ont toujours vécu en ville. Cela dit, nous devons toujours faire preuve de pédagogie, car les comportements incompatibles subsistent. Pour information, j'ai proposé que des financements bénéficient à des initiatives locales en faveur du pastoralisme afin d'éviter le "pastoralisme-bashing", dans un contexte où les fausses informations se multiplient. Une association des Alpes-Maritimes est venue me trouver à ce sujet, et je suis convaincu que la pédagogie doit commencer par les enfants, notamment les enfants des villes, pour leur expliquer ce que sont ces très beaux métiers indispensables pour les territoires de montagne.

Je n'ai pas nécessairement de réponse à apporter sur les questions traitant de la PAC, puisque je ne suis pas ministre de l'Agriculture, mais j'en ai bien pris note.

Les petites MSAP sont un véritable sujet. À l'instar du président de la délégation, je ne voudrais pas que de petites initiatives locales dépérissent sur l'autel de la normalisation France Service. Nous devons faire passer le message – vous pouvez tous nous y aider – qu'il est dans l'intérêt de tous que les petites MSAP se constituent en réseau, et que les collectivités s'entendent, sachant que la maille intercommunale constitue l'échelon idéal en la matière. Pour ma part, j'ai créé une MSAP avec des antennes, mais seule la MSAP intercommunale est labellisée. Pour autant, localement, des services existent dans les communes. Pôle emploi est présent au bourg-centre, ce qui n'était pas le cas auparavant, sans être présent dans les antennes. De fait, créer un système mutualisé dans lequel les communes se regroupent pour présenter un projet commun me paraît préférable. Si l'intercommunalité s'y refuse, nous ne pouvons pas l'y contraindre. Pour autant, présenter des projets de territoire à plusieurs communes semble possible, et j'examinerai comment y travailler avec Jacqueline Gourault.

Concernant le seuil Natura 2000, vous remarquerez que c'était la première fois qu'une dotation – la dotation Natura 2000, devenue dotation de biodiversité dans la phase suivante – était créée sur les aménités rurales. Il me semble qu'un ancien rapporteur général du budget était très proactif sur ce sujet. Sur ce PLF, nous ne pouvons plus agir. En revanche, j'ai donné une mission aux inspecteurs généraux travaillant sur le rapport relatif aux aménités rurales. Lorsque je les ai rencontrés au titre de la note d'étape, qu'ils présenteront au comité interministériel aux ruralités, je leur ai demandé de travailler sur ces questions de dotation, avec des éléments crédibles. Si l'on me demande une dotation à la ruralité de sept milliards d'euros, je ne saurai pas comment procéder. Je préfère le préciser, car les bonnes idées contenues dans les rapports se heurtent souvent au principe de réalité. En revanche, les abaissements de seuil ne peuvent s'envisager que si l'enveloppe augmente. À défaut, les dotations seront frustrantes, puisque des communes ne percevront que quelques dizaines d'euros. Le rapport sur les aménités rurales devra donc pouvoir être nourri sur ce plan, ce qui nous aidera à faire passer un certain nombre de messages.

Ce rapport devra aussi comporter des comparaisons européennes, sachant qu'un certain nombre d'entre vous m'ont questionné sur les aménités rurales. À ce stade, la comparaison européenne est inexistante. Je connais les pays dans lesquels j'ai travaillé, qui sont plutôt germaniques, ainsi que les pays dont je suis partiellement originaire, qui sont les pays de l'ex-Yougoslavie et l'Italie. Dans ces régions, l'on observe des éléments intéressants sur les dotations de fonctionnement. Par exemple, en Italie, ces dotations n'émanent pas de l'État, mais des régions. Le système est quelque peu particulier, puisque des dotations de fonctionnement sont calculées sur la non-artificialisation des sols, dans une logique de compensation, dans la mesure où l'on considère qu'il n'y a plus de carbone dès lors que les zones naturelles sont plus nombreuses que les zones urbanisées, ce qui correspond à la réalité de la ruralité. La compensation intervient donc par le biais d'une dotation de fonctionnement régionale. Je cite l'Italie, mais l'Italie n'est pas un État fédéral, même s'il est plus décentralisé que d'autres États, étant entendu que les conseils régionaux italiens ont le pouvoir de légiférer, dans le cadre de la loi nationale, mais de manière assez large. Toutes les provinces et régions autonomes d'Italie ont mis en place ce type de solidarité vis-à-vis des aménités rurales, ce qui est notamment le cas des territoires de montagne du Sud-Tyrol et du Val d'Aoste. Nous devrons donc nous pencher sur ces aménités rurales au travers de ce rapport et du CIR.

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