Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du jeudi 14 janvier 2021 à 9h45
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l'ADF :

Je souhaite ajouter plusieurs éléments.

D'abord, nous ne cachons pas totalement notre satisfaction devant des résultats 2020 bien meilleurs que ceux que nous avions redoutés. Les DMTO vont baisser d'environ 2 % au niveau national, alors que de premiers travaux prévoyaient une chute de 30 %, les suivants une chute de 20 % et d'autres plus récents une chute de 10 %. La baisse est désagréable, après une année 2019 record, mais, président du département le plus peuplé de France, avec 400 000 habitants de plus que la ville-département de Paris, je ne constate pas de baisse de mes recettes de DMTO en 2020 par rapport à 2019.

Je suis plus préoccupé par l'évolution, très disparate, des dépenses de RSA. Le département du Nord connaît une augmentation de 3 % de sa contribution financière, ce qui est peu et beaucoup moins que ce que nous avions redouté. Si le département connaît un taux de chômage élevé, il bénéficie également d'entreprises dynamiques ; aussi, les jugements portés sur les départements ne peuvent pas être les mêmes entre le secteur rural, où les opportunités de travail sont beaucoup moins importantes, et les secteurs plus urbanisés.

Je constate également une situation très contrastée du point de vue des pertes financières résultant de la crise sanitaire, qu'il s'agisse de la baisse des recettes ou de l'augmentation des dépenses. Nos collègues de Seine-Saint-Denis annoncent 290 millions d'euros de débours financiers supplémentaires – dans mon département, c'est de l'ordre de 65 ou 70 millions d'euros.

Nous souhaiterions une réflexion autour du rétablissement d'un certain levier fiscal. Sans cela, devant l'augmentation des dépenses en 2021 et, vraisemblablement, en 2022, nous risquons de nouvelles mises sous tutelle. J'en parle en connaissance de cause : j'ai repris le département du Nord quand il était en situation de mise sous tutelle. Si je n'avais pas eu l'opportunité d'augmenter de 25 % la TFPB – que j'ai fait diminuer ultérieurement lorsque nous sommes retournés à l'équilibre financier –, le plus grand département de France serait resté sous tutelle, ce qui n'aurait été bon pour personne ; ni pour lui, ni pour les autres départements, ni du point de vue de l'intérêt général. Les DMTO ont démontré leur résilience, et il serait intéressant de pouvoir faire évoluer le taux, à la hausse ou à la baisse, dans un cadre déterminé par le Parlement. C'est extrêmement important pour nous.

Pour le reste, les associations d'élus, l'ADF en particulier, ne souhaitent pas être le chœur des pleureuses. Nous avons été extrêmement attentifs à une proposition de Jean‑René Cazeneuve, certes extrêmement ambitieuse – une sorte de Graal ou de perfection que nous aurons du mal à atteindre. Elle consisterait en la mise en place, après un travail conjoint du Parlement, de l'ADF et de l'État, d'une clause de sauvegarde pour chacun des départements. Le mécanisme s'apparenterait au filet de sécurité de l'équilibriste, nous assurant que si nous tombons nous ne tomberons pas trop bas et nous ne nous ferons pas trop mal. Ce mécanisme éviterait que, chaque année, la continuité de l'action au service des plus fragiles soit l'objet d'une empoignade entre le Gouvernement et les départements. Il faudrait tenir compte aussi bien de la baisse des recettes et des charges que de leur augmentation. Si un département comme la ville de Paris connaissait une augmentation importante de son RSA plus que compensée par l'augmentation de ses DMTO, l'intervention de la solidarité ne serait pas nécessaire. De la même manière, il ne faudrait pas juger de la même façon le département de la Creuse et le département du Nord, qui a une capacité de mobilisation de l'industrie que n'ont pas la plupart des départements ruraux. Cela requiert un travail de dentelle, complexe mais, en même temps, particulièrement motivant.

Le problème du RSA est aujourd'hui essentiel, et je souhaite que l'on soit extrêmement prudent quant aux modalités des recentralisations demandées. Des départements font des efforts très importants en faveur du retour à l'emploi des allocataires : dans mon département, il y en a 15 000 de moins qu'en 2015 – même si leur chiffre a un peu augmenté avec la crise sanitaire. Les dépenses importantes engagées pour réussir ce retour à l'emploi, comme le recrutement de personnel ou l'évolution de la culture des travailleurs sociaux – qui considèrent aujourd'hui qu'il est au moins aussi important de donner un emploi pérenne qu'une allocation de survie – doivent être prises en compte. Je me demande si la recentralisation financière ne sera pas un mauvais choix à double titre : pour l'intérêt général et national d'abord, car elle risque de se traduire par une augmentation significative du nombre des allocataires – j'ai pris 50 000 sanctions financières à l'encontre de ceux qui ne voulaient pas jouer le jeu –, et pour les départements ensuite, parce que si nous n'intervenons plus en la matière au motif que le problème relève de la solidarité nationale, je ne vois pas à quel titre nous continuerions d'intervenir en matière d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de prestation de compensation du handicap (PCH). J'ai du mal à croire que l'on sera autant attaché aux politiques d'insertion lorsque l'on n'aura plus la responsabilité globale du revenu de solidarité active.

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