Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du jeudi 14 janvier 2021 à 9h45
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France :

Attendu au Sénat, je n'aurai que peu de temps pour répondre aux questions, mais Jean-René Lecerf et Jean-Luc Chenut pourront prendre le relais, notamment sur les questions fiscales.

Le rapporteur général et d'autres d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, ont évoqué les investissements et la relance. Je rappelle que l'investissement des départements est financé par l'excédent de la section de fonctionnement. Nous avons connu des années difficiles – comme en 2015 – au terme desquelles, en raison de l'augmentation des dépenses sociales, l'excédent était faible. Cela se traduit par moins d'aménagements routiers en dépit de l'enjeu de sécurité mais aussi par moins d'aménagements dans les collèges : Jean-René Lecerf l'a vécu pour le département du Nord, et Stéphane Troussel en Seine-Saint-Denis. En résumé, quand les dépenses de fonctionnement, en partie liées aux dépenses sociales, augmentent, l'investissement diminue. Or notre investissement va au réseau routier, aux collèges, mais aussi à l'aide aux communes, qui conditionne la capacité de ces dernières à participer à la relance économique. Nous investissons aussi dans la fibre optique : les départements auront achevé d'équiper le territoire – y compris les zones rurales – à la fin de l'année 2021.

Plusieurs questions ont porté sur la relance. Nous avons proposé à l'État d'élaborer des plans de relance départementaux, comme il en existe à l'échelon régional : Jean Castex a signé des accords avec les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte D'Azur. Cependant, si certains préfets de département jouent le jeu en établissant des plans de relance avec les présidents des conseils départementaux, d'autres s'y refusent – en dépit de l'instruction ministérielle – quand ce ne sont pas les préfets de région qui s'y opposent. Je le dis aux députés de la majorité : cela ne va pas. Nous avons posé la question hier au Premier ministre et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : comment faire de la relance si certains préfets refusent de signer, tergiversent ou disent avoir des instructions contradictoires ? Ce n'est pas admissible, et c'est contraire à l'intérêt général.

Bien sûr, monsieur le député Lauzzana, une nouvelle décentralisation nous permettrait de faire des économies. Nous sommes très nombreux à vouloir reprendre ce qu'il reste du réseau routier de l'État : il est absurde de maintenir des directions interrégionales des routes alors que tous les départements ont des équipes routières très nombreuses et bien équipées. Nous pourrions gérer le réseau routier de l'État, et ce n'est pas le seul domaine dans lequel plus de décentralisation permettrait des économies.

Sur la question du RSA, évoquée à l'instant par Sabine Rubin et par le rapporteur général, nous sommes ouverts à l'idée d'une recentralisation sur la base du volontariat. Nous disons aux départements, qu'ils soient de gauche ou de droite – car le fait d'être pour la recentralisation n'est pas une question d'étiquette politique –, de discuter avec l'État s'ils sont volontaires pour le faire. Cela concerne actuellement cinq ou six départements sur cent trois. Nous les avons mis en garde sur le fait que de précédentes négociations menées avec Manuel Valls sur ce sujet avaient échoué en raison d'un désaccord sur l'année de référence, point auquel nous les invitons à être très attentifs pour éviter les mauvaises surprises à moyen terme. Nonobstant ce point, cela reste une bonne idée pour les départements qui le souhaitent, et c'est d'ailleurs déjà le cas en Guyane et à La Réunion.

Marie-Christine Dalloz a évoqué les fameux 115 millions d'euros « baladeurs ». Là je me tourne vers les commissaires aux finances : le Premier ministre a fait un geste en inscrivant 200 millions d'euros dans le budget 2021, mais le ministère du budget a « coupé » les 115 millions d'euros dus pour 2020. Il est urgent que ces 115 millions d'euros reviennent dans les caisses des départements, soit en crédits, soit en gestion, soit par toute mesure que vous seriez susceptibles d'adopter dans le cadre des PLFR – nombreux certainement – qui émailleront vos travaux en 2021.

J'ai bien noté ce qu'a dit Claudia Rouaux sur la vaccination. Cela dépend aussi des départements. Dans certains endroits, les préfets ont mis en place des cellules opérationnelles qui travaillent avec le département et les autres collectivités, qui mettent en place des lieux de vaccination, organisent le transport, mobilisent des médecins des services départementaux d'incendie et de secours, leurs infirmiers, leurs pharmaciens, et d'autres départements dans lesquels les préfets ne le font pas. Je vais rappeler à Jean Castex ce qu'il a dit publiquement : il faut que des dispositifs se mettent en place, au niveau départemental, sous l'autorité des préfets, bien sûr avec la participation des agences régionales de santé (ARS), mais en associant aussi l'ensemble des collectivités territoriales.

Jean-Paul Mattei a posé différentes questions relatives à la fiscalité – naturellement en lien avec son expérience professionnelle – auxquelles Jean-René Lecerf et Jean‑Luc Chenut pourront répondre s'ils le veulent bien.

Je note également les questions de Patricia Lemoine. La baisse des investissements en 2020 est liée à une hausse des dépenses de fonctionnement. C'était aussi l'année des élections municipales ; nous avions donc moins de demandes pour appuyer des projets communaux. En 2021, nous souhaitons investir le plus possible, d'où nos craintes sur les dépenses de RSA : si nous voulons participer à la relance, aider les communes en les subventionnant, il faut que nous soyons en mesure de le faire. Cela passe certainement par des moyens supplémentaires donnés aux départements sur le RSA en cours d'exercice budgétaire.

Je termine par l'économie. La loi NOTRe, contre laquelle je me suis, à l'époque, battu, en commission des lois, alors que le rapporteur Olivier Dussopt y était très favorable, avec quelques collègues socialistes, nous a enlevé toute possibilité d'agir en matière économique, sauf dans le cadre de conventions avec la région en matière agricole, conchylicole, de pêche et d'activité maritime, et sauf en matière de tourisme, car cela reste une compétence partagée – c'est d'ailleurs souvent la première activité économique pour l'ensemble des collectivités territoriales. Tout cela est une bêtise. Quand nous avons voulu aider de toutes petites entreprises après la première crise du covid, car elles passaient entre les mailles du filet des aides régionales, une circulaire de la ministre Jacqueline Gourault a demandé aux préfets de saisir les tribunaux administratifs, et un certain nombre de délibérations relatives à de toutes petites aides – 800, 1 000 euros – ont été annulées par la juridiction administrative. Nous avons jugé cette circulaire de dernière minute très intrusive et très inappropriée. Notre souhait, c'est évidemment plus de souplesse entre nous, les régions et les intercommunalités, et qu'on sorte des rigidités de la loi NOTRe. Je ne partage pas les conclusions du rapport de Terra Nova que l'édition d'hier après-midi du Monde a dévoilées, mais il a au moins le mérite de demander plus de souplesse dans les attributions entre les collectivités. Nous ne voulons plus de ce « mur » des compétences, auquel nous nous heurtons quand nous voulons agir pour le bien de nos concitoyens, et qui nous oblige à déguiser des aides économiques en aides sociales.

Je dois à présent vous quitter pour être entendu au Sénat sur le report des élections –j'en saurai davantage ensuite pour répondre à Mme Rubin.

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