Cela renvoie aux questions posées par plusieurs commissaires quant à l'articulation entre CPER, plan de relance et fonds européens. Sur ce point, je veux partager avec vous une vraie inquiétude. Je comprends la logique du Gouvernement, qui est d'avoir un plan de relance qui ait des effets puissants et rapides car au mois de septembre nous étions en attente des mandats de négociations donnés aux préfets par le CPER ; il fallait opérer une jonction afin que les crédits soient consommés rapidement. Toutefois, je réitère ce que j'ai déjà été amené à dire aux deux rapporteures de la mission « flash » de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la contractualisation : la contrepartie de la production d'un tel choc puissant et très rapide est l'instauration d'une logique verticale sur les territoires. Tous les présidents de région en font aujourd'hui le constat. Le plan de relance est venu percuter la logique de contractualisation avec une approche qui est extrêmement verticale.
Cela dit, nous sommes dans une logique non de co-pilotage mais de consommation rapide des crédits ; dès lors, je crains des contrariétés entre le plan de relance national, les CPER et le plan de relance européen et la mobilisation de ces fonds européens. Un travail de coordination avec les préfets est nécessaire car il ne faudrait pas que cela se traduise par des actions dispersées et concurrentes, qui pourraient susciter de mauvaises polémiques. Nous savons travailler avec les préfets et les secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) en temps normal, il n'y a donc pas de raisons que nous n'y parvenions pas dans la mise en œuvre du plan de relance, mais, aujourd'hui, il y a une forme d'urgence dans la mise en œuvre du plan de relance qui laisse assez peu d'espace à la concertation.
S'agissant des dispositifs complémentaires, un panel de mécanismes a été mis en place sur la base de deux piliers – certaines régions ont également mis en place un « pilier 3 », souvent conçu comme un filet de rattrapage pour ceux qui ne seraient pas éligibles aux deux premiers piliers, par exemple pour le commerce en ligne. Cela permet aux acteurs économiques d'avoir de l'activité malgré une situation contrainte. Nous avons notamment mis en place des dispositifs en matière de fonds propres des entreprises et des dispositifs de soutien à la jeunesse. Cependant, les entreprises ont pu opter pour une forme d'attentisme, car l'endettement supplémentaire ne leur paraissait pas la solution la plus efficace ; elles ont ainsi attendu un peu avant de s'engager dans la sollicitation des prêts garantis par l'État et du fonds de solidarité.
Attendons de savoir précisément quel sera le projet de loi 4D, mais l'appétit pour la différenciation et la décentralisation me paraît une réalité. Après des modifications du périmètre géographique des régions et l'organisation de transferts de compétences entre collectivités, c'est aujourd'hui plutôt la question des rôles respectifs de l'État et des collectivités qui se pose ; le cas échéant, entamer des processus de transferts ou de délégations de compétences de l'État aux collectivités serait envisageable. De ce point de vue, les outils actuels me paraissent suffisants ; parfois, l'obstacle n'est pas le droit, mais les mentalités et habitudes qu'il faut changer.
Sur le plan sanitaire, des présidents de région ont émis le souhait d'acheter des vaccins, mais il n'y a pas eu de consensus sur le sujet. Dans ma région, par exemple, notre proposition est plutôt de mobiliser notre compétence en matière de transports pour permettre aux personnes de se rendre aux centres de vaccination.
Par ailleurs, il faut être au clair entre ce qui relève de l'urgence, et donc, à mon sens, de la responsabilité de l'État, et ce qui relève de sujets plus structurants, comme la démographie médicale, à propos desquels un meilleur travail de coordination avec l'ARS, avec des décisions mieux partagées, paraît possible. Je suis ainsi d'avis que l'action de l'ARS doit porter plutôt sur le temps long que sur la gestion de crise.
De la même manière, il est nécessaire de trouver une meilleure articulation entre les appels à projets « État » et les appels à projets « régions ». La région Bretagne avait ainsi lancé un appel à projets « Centralité » avec la Caisse des dépôts et consignations, l'établissement public foncier et l'État, mais le programme « Action Cœur de ville » est venu percuter ce que nous avions accompli. Nous gagnerions ainsi à avoir une meilleure coordination entre plan de relance et CPER dans les appels à projets.
Sur les fonds européens, je partage la préoccupation de Mme Christine Pires Beaune. Il nous faudra savoir rapidement ce que l'État veut utiliser comme fonds européens au titre du FRR et les domaines qu'il souhaite privilégier ; il ne faut pas que ce soient les mêmes domaines que le FEDER, car ce dernier ne pourrait alors pas intervenir et nous perdrions des crédits européens. Des discussions sont en cours sur le sujet ; elles n'ont pas encore abouti.
Quant au montant des économies, madame la députée Lemoine, nous ne disposerons de chiffres plus précis qu'au mois de février, lorsque les chiffres de la journée complémentaire seront connus. J'ai constaté dans ma propre région que certaines décisions que nous avons prises nous ont conduits à en faire finalement moins que nous ne l'aurions pu. Quand le transport scolaire s'est arrêté par exemple, nous ne sommes pas allés jusqu'à ne pas payer les entreprises de transport ; cela leur aurait créé des difficultés alors que ce sont souvent de petites entreprises familiales, dont les salariés perçoivent des rémunérations modestes. Si nous avions tiré toutes les conséquences d'un service non fait, nous les aurions mises en difficulté. Certaines régions ont décidé de ne payer que 70 ou 80 % de ce qu'elles devaient au transport scolaire, mais nous avons plutôt voulu, pour notre part, accompagner. Cela fait partie des sujets sur lesquels, en s'appuyant sur les données de la direction générale des finances publiques, un observatoire avec des chiffres partagés serait utile.
Comme nous sommes en fin de mandat régional, des plans d'investissement sont en cours. Les priorités sont donc déjà mises en œuvre dans le cadre de plans pluriannuels d'investissement (PPI) et de leur schéma de développement économique. Par ailleurs, les années électorales ne sont guère propices à l'investissement. Une bonne articulation avec les plans de relance nous fera d'autant plus gagner en efficacité.
Notre travail avec la Banque des territoires est plutôt efficace, avec des dialogues réguliers, particulièrement après la réorganisation qui est intervenue. La Banque des territoires peut être un acteur très efficace.
En effet, monsieur le député Dufrègne, un problème se pose pour le tourisme et nous devrons intervenir mais, une fois encore, la situation est très hétérogène. Nous avons eu, par exemple, un été plutôt porteur en Bretagne. Les acteurs touristiques qui se trouvent en difficulté sont plutôt ceux du tourisme social, pour lesquels il faudra se doter d'un plan spécifique. Pour les régions de montagne, des plans ont été annoncés pour répondre à la situation.
Quant à l'endettement, nous pouvons aujourd'hui emprunter à des taux très favorables, voire à des taux négatifs. Le coût de la dette aujourd'hui n'est donc pas un problème. Certes, nous nous attendons tous à la remontée des taux… mais elle n'intervient pas pour le moment. La question est plutôt d'optimiser la dette grâce aux taux. La capacité et l'évolution de l'endettement sont à surveiller, mais son encours ne semble pas problématique à l'heure actuelle.
Nous aurons des informations à communiquer sur le sujet courant février.