Si le confinement affecte profondément la vie quotidienne de tous nos concitoyens, il touche plus particulièrement ceux qui ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle. L'activité économique globale a chuté de 36 %, ce qui est considérable. La baisse d'activité touche certains secteurs de façon encore plus dramatique, le mot n'est pas trop fort : elle est de 88 % dans la construction, de 43 % dans l'industrie et même de 90 % dans l'hébergement et la restauration.
Au-delà de ces chiffres, qui traduisent une situation terriblement dégradée, les Français sont touchés de plein fouet par les conséquences d'abord sanitaires, mais aussi économiques et sociales de la crise, en particulier ceux qui voient leur activité réduite, ceux qui craignent de ne pas pouvoir la poursuivre ou de ne pas retrouver leur emploi, ceux qui redoutent cette situation pour eux ou pour leurs enfants, notamment ceux qui s'apprêtaient à entrer dans la vie active.
Au moment où nous connaissons une récession économique mondiale inédite, avec une contraction très marquée de notre richesse, nous attendions cette audition avec beaucoup d'impatience, madame la ministre du travail, car de nombreuses questions se posent. Une angoisse économique et sociale s'installe au cœur du pays : la peur du lendemain est dans l'esprit de nombre de nos concitoyens.
Pour contenir les effets de la crise économique et sociale de grande ampleur qui s'annonce, le Gouvernement a adopté des mesures exceptionnelles que nous avons soutenues dans notre immense majorité – ce fut mon cas. Elles comprennent notamment des aides financières, avec la création du fonds de solidarité, et la facilitation du recours à l'activité partielle, avec une prise en charge très élevée de l'État. Vous avez annoncé que la barre des 10 millions de Français concernés par le dispositif était à présent dépassée. Ces mesures sont en train d'être complétées par le Sénat, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Au-delà de ces dispositions qui, nous le soulignons, sont importantes, de nombreuses interrogations se posent encore.
Ces mesures suffiront-elles face à l'ampleur de la crise ? Les aides sont-elles mobilisables ? Ont-elles été mobilisées en temps utile ? Quelle incidence auront-elles après le dispositif d'activité partielle ?
Des inquiétudes plus spécifiques concernent les travailleurs indépendants et les artisans, notamment lorsque leur entreprise vient d'être créée, car ils ont le sentiment de n'être pas suffisamment soutenus.
Le déconfinement soulève aussi un grand nombre de questions. Comment pourra s'organiser la reprise du travail tout en respectant des conditions de sécurité satisfaisantes ? Comment concilier la sécurité sanitaire avec l'indispensable reprise de l'activité économique ? La question est au cœur des décisions cruciales qui seront prises, notamment pour les indépendants, dont la situation est souvent préoccupante, voire dramatique.
Certains secteurs ont maintenu leur production pendant le confinement, ce qui a permis de garantir l'approvisionnement de l'ensemble de nos concitoyens et de maintenir la sécurité alimentaire. Je pense à la grande distribution, aux transporteurs, à toute la chaîne logistique, aux agriculteurs, aux ouvriers de l'industrie, en particulier de l'industrie agroalimentaire, qui a tenu le choc. Je veux leur dire notre reconnaissance collective et leur rendre hommage. Des aménagements des procédures et des postes de travail dans ces secteurs ont été au cœur du maintien de cette activité. Ont-ils été suffisants ? Quels problèmes ont été identifiés dans vos services pour remédier aux difficultés constatées ? Les artisans et commerçants ont par exemple fait remonter des difficultés s'agissant de la centrale d'achat collective des outils de protection, que vous avez créée.
Il est également indispensable d'évoquer la situation de ceux qui n'ont pas pu reprendre leur activité et qui paient un très lourd tribut à la crise, notamment les cafetiers, les restaurateurs et les hôteliers. Ces professionnels ont accueilli avec une forme de sidération et une grande angoisse l'annonce du Président de la République que leur activité ne reprendrait pas immédiatement à la date fixée pour le déconfinement. Certains réclament de connaître une date de reprise de leur activité, que je considère comme indispensable. En effet, personne ne pourrait comprendre qu'une restauration collective se mette en place, notamment dans les écoles ou les entreprises, sans que ces lieux ne rouvrent, en appliquant naturellement les mesures de sécurité indispensables ; parce qu'ils participent à la chaîne de fonctionnement de l'économie, ils sont essentiels à la reprise de l'activité économique globale. Ces acteurs, comme les parlementaires, attendent de votre part une réponse précise. Le 15 juin sera-t-il la date choisie pour le déconfinement de ces activités ?
Ces questions, dont je me fais l'interprète en préambule, seront aussi soulevées par les membres de la mission d'information.