Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 22 avril 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Muriel Pénicaud, ministre :

Nous avons estimé le coût total des heures demandées en chômage partiel à 24 milliards d'euros. Les entreprises ont en moyenne effectué leur demande pour une durée de douze semaines. De plus, nous constatons toujours, en matière de chômage partiel, que les entreprises prévoient large sans demander ensuite le paiement de toutes les heures, et c'est le cas actuellement : seules 55 % des 821 000 entreprises qui ont formulé une demande d'activité partielle ont commencé à demander le paiement d'heures. Elles se sécurisent en ouvrant leur droit à l'activité partielle, mais cela ne signifie pas qu'elles l'utilisent ou qu'elles l'utilisent en totalité, car elles n'ont pas nécessairement besoin de toutes les heures demandées. La dépense réelle va donc dépendre du comportement des entreprises dans les semaines à venir, lorsque la reprise sera facilitée et qu'un certain nombre d'entre elles vont déclarer moins d'heures de chômage partiel que prévu. Je rappelle qu'excepté dans les secteurs qui sont fermés par décision administrative, il n'est pas interdit de travailler, à condition de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les 24 milliards d'euros constituent donc un bon ordre de grandeur ; ils permettent d'assurer des réponses à toutes les demandes sur la durée moyenne de douze semaines. Cependant, nous ne savons pas jusqu'où ira le recours au chômage partiel ni combien de temps exactement il sera utilisé ; cela dépendra de la rapidité et de l'ampleur de la reprise de l'activité économique, que nous constaterons ensemble.

Ce sera particulièrement le cas dans certains secteurs. La France est le pays d'Europe dans lequel l'activité du bâtiment et des travaux publics (BTP) a été la plus freinée, puisque 93 % de ses salariés ne travaillent plus alors que la moyenne européenne s'élève à 50 % ; en Allemagne, l'activité du secteur reste assurée à 80 %. Il y a donc une spécificité française à ce sujet, et nous y travaillons beaucoup avec les trois fédérations professionnelles concernées – un guide a été publié il y a déjà trois semaines. Dans ce domaine, la reprise de l'activité pourrait changer la donne, tout comme la réouverture prochaine de commerces de détail dans le secteur non alimentaire – ne sachant pas à quel moment ils pourraient rouvrir, ceux-ci ont tous prévu douze semaines de chômage partiel pour l'ensemble de leurs salariés. Nous établissons nos prévisions au mieux, au plus proche de la réalité probable ; cependant, dans un contexte où la situation évolue tous les jours, je ne peux vous assurer qu'elles se réaliseront.

Concernant la réalité du chômage, l'activité partielle permet d'éviter des vagues massives de licenciement : si nous n'avions pas mis en place ce dispositif, des millions de personnes auraient peut-être déjà perdu leur emploi. J'en veux pour preuve ce qui se passe actuellement aux États-Unis, où, en quatre semaines, 22 millions de personnes ont perdu leur emploi – et, par voie de conséquence, leur couverture santé. Vingt pays européens sur vingt-sept se sont dotés d'un système comparable au nôtre, et même ceux qui n'en avaient pas – à l'instar du Royaume-Uni, qui est encore un peu européen – sont en train de le faire ; c'est, de l'avis de tous, le moyen le plus massif et le plus efficace pour protéger l'emploi et éviter que la situation n'empire.

Nous allons progressivement faire repartir l'activité, mais le retour à la normale n'interviendra pas tout de suite car nous continuerons à vivre avec le risque épidémique. Dans certains secteurs, l'activité ne pourra pas reprendre exactement comme auparavant ; elle repartira, mais dans des conditions qui auront tendance à réduire la productivité et la rentabilité. Par conséquent, il ne serait pas lucide de penser qu'il n'y aura pas de demandeurs d'emploi en plus. Nous n'avons pas subi de vague de licenciements mais, tant que la reprise ne sera pas significative, les recrutements vont chuter – c'est ce qui se profile, et ce phénomène risque de s'amplifier dans les semaines qui viennent. Ceux qui arrivent sur le marché du travail, en particulier les jeunes, vont donc se retrouver en difficulté ; alors que les salariés qui ont un emploi sont protégés, un demandeur d'emploi aura plus de mal qu'auparavant à trouver un travail.

Face à ces difficultés, nous avons rapidement pris des mesures pour protéger les demandeurs d'emploi, mais de nombreuses réponses vont dépendre du plan de relance que nous allons mettre en œuvre : celui-ci comportera un volet compétences et relance de l'emploi très important. Il faudra prendre une décision collective pour continuer à investir massivement sur l'apprentissage, qui est susceptible de profiter à l'emploi des jeunes et au développement des compétences des entreprises. Nous nous trouvions en la matière dans une dynamique exceptionnelle, et ne pas investir en faveur des jeunes signifierait que nous n'investissons pas dans l'avenir. Une fois passée la période du confinement, je compte faire de ce sujet un élément essentiel de notre plan de relance ; mais il est encore trop tôt pour en parler.

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