Les entreprises doivent pouvoir continuer à utiliser le chômage partiel de façon décroissante, au fil de la reprise de l'activité ; c'est ma vision des choses, et nous avons pris les textes à même de le permettre. Le pire serait de de leur interdire brutalement de recourir à ce dispositif. Si tel était le cas, tous les licenciements évités risqueraient d'être prononcés, car l'entreprise aura du mal à retrouver tout de suite une activité complète.
Nous avons donc prévu un système en biseau. Par exemple, une entreprise de cinquante salariés reprenant progressivement son activité ne rappellera au départ que dix d'entre eux ; elle réactivera leur contrat de travail, ils travailleront et seront payés normalement. Les quarante autres resteront en chômage partiel et, la semaine suivante, dix nouveaux salariés pourront être réintégrés. Nous prévoyons ainsi d'accompagner la reprise de manière progressive.
Une des ordonnances que nous avons prises ce matin permettra d'utiliser l'activité partielle à titre individuel. Une entreprise qui reprend son activité peut n'avoir besoin que de quelques salariés par service, et non de services entiers ; il sera possible de procéder ainsi, avec l'accord du comité social et économique (CSE), afin que l'activité reprenne de la manière la plus souple et la plus pragmatique possible. Nous voulons accompagner la reprise de l'activité tout en sécurisant les salariés et les employeurs.
Nous ne savons pas encore exactement de quelle manière la France bénéficiera des différentes mesures du programme européen SURE, que nous avons soutenu – j'en parlais hier avec le commissaire chargé de l'emploi et des droits sociaux, Nicolas Schmit. Ce programme fait partie du paquet gestion de crise, et tous les États peuvent en théorie y avoir accès ; les discussions relatives aux paramètres sont en cours de finalisation au niveau européen, et une limite sera probablement fixée pour les décisions d'octroi des prêts.
Cet instrument de solidarité aura encore plus d'effets sur les États qui rencontrent des difficultés pour se financer sur les marchés, comme l'Italie – pour eux, il apparaît même vital. Il nous faut développer une vision d'ensemble des instruments mis à disposition, afin de voir lesquels sont les plus pertinents par rapport à la situation française et à l'ampleur des mesures que nous prenons pour protéger le monde économique et social ainsi que le secteur sanitaire. Toutes les briques ne sont pas encore empilées. Nous en discuterons notamment demain lors du sommet européen. Mais l'accès au marché n'est pas un problème pour la France, et ce n'est pas dans ce domaine que nous voulons activer les instruments européens. Quoi qu'il en soit, nous sommes convaincus qu'une vraie solidarité européenne est indispensable pour sortir de la crise et qu'elle doit se concrétiser par l'émission d'une dette commune, essentielle pour l'avenir de la zone euro et pour nos marges nationales dans le cadre de la reconstruction ; cela déterminera notre capacité à relancer l'activité de tous les pays européens.
Madame Rabault, je vous confirme que les salariés en arrêt de travail pour garde d'enfants basculeront à partir du 1er mai dans le chômage partiel ; les indépendants, eux, garderont le bénéfice des indemnités journalières, dans les conditions actuelles.
Ensuite, tous les enfants ne vont pas reprendre l'école le 11 mai – on sait bien que, si l'arrêt de l'activité a été brutal, la reprise ne sera que très progressive –, et le dispositif sera donc maintenu dans un premier temps, tant qu'il aura son utilité.
En ce qui concerne le remboursement des avances aux employeurs, dans la mesure où l'État prend en charge l'indemnisation jusqu'à 4,5 SMIC, l'administration a besoin de connaître pour chaque entreprise le salaire horaire et le nombre de salaires versés pour calculer le montant des remboursements, ce qui prend un certain temps. Pour le mois de mars, seules 55 % des entreprises ont fait une demande, et 98 % d'entre elles ont déjà été remboursées, pour un montant global de 1,5 milliard d'euros. Nous sommes donc loin des 24 milliards d'euros évoqués par M. Woerth. Cela étant, la plus grande part des demandes concernera le mois d'avril, et les chiffres seront sans doute sans commune mesure avec ceux de mars.
J'insiste sur le fait que, pour être remboursées, les entreprises doivent en avoir fait la demande. À partir de là, je me suis engagée à faire mieux que les deux mois de délai prévus par les textes, consciente que les TPE et les PME n'ont pas la trésorerie nécessaire : les remboursements se feront donc sous sept à dix jours à compter de la date de demande, et les banques se sont engagées à consentir des avances aux entreprises qui, en fin de mois, doivent régler les salaires.
Enfin, les textes indiquent que les intérimaires ont droit au chômage partiel. C'est ce que nous avons indiqué à EuroDisney qui, dans un premier temps, n'avait demandé le chômage partiel que pour ses salariés permanents. C'est ainsi que 1 300 intérimaires ont été intégrés dans le dispositif. Nous encourageons toutes les entreprises à y inclure tous leurs intérimaires en activité au moment du confinement, même si, depuis, leur contrat est terminé.
Monsieur Becht, les travailleurs indépendants qui travaillent comme collaborateurs pour des professions réglementées – concrètement, un avocat travaillant pour un cabinet – peuvent avoir recours au fonds de solidarité.
Pour les commerçants et artisans qui ont des dettes de TVA ou d'URSSAF mais n'ont pas accès au fonds de solidarité, nous avons fait en sorte de faciliter l'obtention de prêts bancaires. Par ailleurs, nous avons pris plusieurs mesures ces jours derniers pour étendre le bénéfice du fonds de solidarité aux TPE en difficulté. Cela ne préjuge pas de la suite, car ce sont souvent des entreprises qui connaissaient déjà des difficultés avant la crise, mais cela les aidera au moins à passer le cap.
Monsieur Vigier, j'ignore si nous avons ou non atteint le pic du recours au chômage partiel. Mon pronostic – mais ce n'est qu'une hypothèse – est que les demandes devraient continuer à augmenter dans les jours qui viennent, pour la raison simple que, afin de laisser le temps aux petites entreprises de se familiariser avec ce nouveau dispositif, j'ai donné jusqu'au 30 avril pour les demandes concernant non seulement avril, mais également mars. Cela explique que, chaque jour, 300 000 salariés supplémentaires sont encore pris en charge. Le mouvement risque de se poursuivre pendant quelques jours. Cela étant, près d'un salarié sur deux est désormais dans le système, ce qui fait que, en comptant ceux qui travaillent ou télétravaillent, nous ne sommes pas loin d'avoir couvert tout le monde.
De plus, on peut espérer une prochaine décrue du nombre de demandeurs avec la reprise de l'activité. Elle est déjà visible dans certains secteurs comme l'automobile, grâce au dialogue social et à la mise en place de mesures sanitaires adaptées. J'encourage d'ailleurs toutes les entreprises à faire de même, car mieux vaut une reprise partielle que pas de reprise du tout. Dans une économie où tout est lié, c'est l'activité qui produit l'activité.
Pour les hôtels et restaurants, nous n'avons pas encore statué avec le Premier ministre, le ministre de l'économie et le ministre de la santé sur la question d'un déconfinement territorial. En réalité, dans le cas de ces établissements, la question est surtout de savoir quels sont ceux qui sont configurés pour pouvoir mettre en place les mesures sanitaires et permettre le respect des gestes barrières. On ne peut se permettre en tout cas de risquer une relance de l'épidémie par manque de précautions. Il faudra donc trouver des solutions pour accompagner ces entreprises. Je pense, par exemple, à certains restaurants qui ont développé une activité de production de repas et de livraison, ce qui leur permet de garder un contact avec leur clientèle et de continuer à employer une partie de leur personnel de cuisine. On peut d'ailleurs imaginer que ce type de services soit voué à perdurer après la reprise de l'activité physique, pour permettre à toutes ces entreprises de survivre. Il faudra se montrer créatif.
En ce qui concerne la responsabilité des employeurs, notre cadre juridique est très précis : la responsabilité de l'employeur en matière de santé et de sécurité des travailleurs repose sur une obligation de moyens et non de résultat ; avant même la crise sanitaire, une entreprise du BTP qui faisait travailler ses ouvriers en hauteur, sans harnais et sans garde-corps, pouvait voir sa responsabilité pénale engagée. Afin d'éviter tout flou juridique et toute nouvelle jurisprudence liés à la définition des moyens de protection contre le Covid-19, nous avons donc élaboré, en collaboration avec le ministère de la santé, les guides de préconisations. Ils protègent à la fois le salarié et l'employeur, en servant de référence à ce que doit être une obligation de moyens.