Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 22 avril 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Muriel Pénicaud, ministre :

J'ai deux priorités absolues : protéger les emplois, pour les salariés et les entreprises, et préserver la santé des travailleurs. Pour cela, la mobilisation de l'inspection du travail est primordiale. Nous nous sommes donc fixé pour objectif d'organiser la continuité de l'activité de l'inspection en période de pandémie, d'une part en protégeant les inspecteurs, d'autre part en leur permettant d'assurer leur travail sur le terrain.

La direction générale du travail, qui, conformément aux règles de l'OIT, est l'autorité centrale de l'inspection du travail, a donc donné une première instruction le 17 mars, pour garantir l'accès aux droits et demander la diffusion et l'application générale des informations sanitaires et des gestes barrières. Cela suppose évidemment une mobilisation forte de l'inspection du travail pour vérifier sur le terrain, mais les instructions de la DGT sont par ailleurs très claires : les interventions sur site doivent faire l'objet d'un échange préalable entre l'agent et son encadrement, afin de garantir les mesures de protection des inspecteurs du travail eux-mêmes. En effet, dans les cas où ces conditions ne sont pas réunies, il vaut mieux privilégier l'intervention à distance que l'intervention sur site.

Vous ne pouvez pas reprocher à la direction générale du travail de vouloir protéger les inspecteurs du travail qui sont aussi des agents de la fonction publique. Dans ces conditions, les interventions sur site sont réservées aux cas où le respect des gestes barrières et des consignes de protection sont une impérieuse urgence. Une première dotation de 60 000 masques a été attribuée au ministère du travail, essentiellement destinée aux inspecteurs remplissant ces missions ; le cas échéant, elle pourra faire l'objet d'un réassort.

Ces dernières semaines, les inspecteurs du travail ont donc fait de nombreuses interventions, soit à distance, soit dans le cadre de réunions – à distance – des CSE en cas de droit d'alerte, soit sur site.

On peut penser ce qu'on veut, moi je ne crois qu'aux faits. Je le dis fermement : jamais le ministère du travail, à quelque niveau que ce soit, n'a interdit ou n'interdira des interventions. En revanche, il est normal que l'action du service public fasse l'objet de procédures, ce qui est d'ailleurs conforme à la convention 81 de l'OIT, laquelle prévoit que chaque membre de l'organisation adhérant à111111 la convention dispose d'un système d'inspection. L'inspection du travail n'est pas une addition d'agents, mais un système global.

Elle est du reste parfaitement mobilisée pour assurer la protection des salariés. Ainsi, quarante‑deux mises en demeure ont déjà été notifiées par les DIRECCTE. Si certaines ont fait la une, on ne peut pas dire que nous empêchions les inspecteurs de travailler. Le cadre national prévu par les conventions de l'OIT les protège aussi. L'inspecteur de la Marne que vous citez a vu ses fonctions suspendues à titre conservatoire à la suite de plusieurs faits considérés comme fautifs, puisqu'il a méconnu de façon délibérée, grave et répétée les instructions de l'autorité centrale de l'inspection du travail. Il a par exemple enjoint aux employeurs des conditions de maintien de l'activité non conformes aux prescriptions des autorités sanitaires. Il est intervenu hors de sa compétence territoriale et a également développé des pratiques internes non conformes aux règles professionnelles et déontologiques. La procédure disciplinaire engagée par l'administration lui permettra de se défendre pleinement. Comme les textes le prévoient, il conservera son traitement durant toute la procédure. Plus que jamais, le souci de l'intérêt général doit prévaloir, et les agents publics doivent être exemplaires.

Les conseils de prud'hommes continuent de travailler à distance. Le droit de recours n'est évidemment pas suspendu. Je ne connais néanmoins pas leur date de reprise, que j'espère la plus prochaine possible.

S'agissant de la reconnaissance du Covid‑19 comme maladie professionnelle, la situation des soignants est particulière, dans la mesure où ils sont exposés à des charges virales très importantes. C'est pourquoi le ministre de la santé a souhaité qu'ils bénéficient automatiquement de la présomption d'imputabilité. Si un salarié estime qu'il a contracté le virus dans son cadre professionnel et qu'il a des séquelles, il pourra saisir l'autorité compétente pour faire valoir ses droits.

Je ne dispose pas d'indications prévisionnelles concernant le nombre de demandeurs d'emploi. Avec Pôle emploi, nous préparons la reprise, conscients qu'il faudra porter une attention particulière aux plus vulnérables, les chômeurs de longue durée et les jeunes.

Vous avez regretté que les multinationales puissent recourir au chômage partiel. Cet instrument n'a pas été conçu pour telle ou telle entreprise, mais pour protéger les salariés. La priorité accordée aux petites entreprises fonctionne, puisque seulement 5 % des salariés en chômage partiel travaillent dans les grandes entreprises, à l'exemplarité desquelles nous sommes particulièrement attentifs. À l'occasion d'un échange avec une dizaine de patrons de grandes entreprises, j'ai ainsi suggéré qu'ils revoient leurs demandes pour qu'elles restent raisonnables, ce qu'ils ont fait. Le chômage partiel doit être le dernier recours, quand le télétravail est impossible.

Pour ce qui est de votre appel à proposer un contrat de professionnalisation nouvelle génération, je ne peux vous répondre aujourd'hui ; mais il est clair que toute une série d'instruments que nous utilisons actuellement devront être adaptés à la reprise de l'activité. Nous discuterons de ceux qui sont les plus efficaces. Il nous faudra être imaginatifs.

Le sujet de l'organisation du travail est devenu central. Beaucoup d'entreprises ont découvert le télétravail à l'occasion de la crise. Cette expérience d'un télétravail massif, qui concerne environ 5 millions de salariés, va donner de nouvelles idées et de nouvelles envies, mais imposer aussi de revoir l'organisation du travail. Ce chantier suppose un très haut niveau de dialogue social. Au niveau national, le dialogue avec les organisations syndicales et patronales est aussi intense que constructif. Les conditions de la relance et les questions de santé et de sécurité des travailleurs suscitent une attente forte des branches, avec lesquelles nous discutons. En réalité, la clé de la reprise est sur le terrain. Notre rôle est d'encadrer, de donner des supports, des guides, des points de repère et de sécuriser ; mais, à la fin, il y aura un chef d'entreprise qui réunira son CSE, ses organisations syndicales et qui discutera avec ses salariés pour mettre en œuvre les gestes barrières et organiser le travail. C'est le dialogue social de terrain qui fera la différence dans la relance.

Il était prévu cette année de mener une grande réforme de la santé et de la sécurité au travail. L'actualité nous a rattrapés en installant durablement ce sujet au cœur du monde du travail.

Nous avons décidé très pragmatiquement d'aller vers un système universel de chômage partiel, après avoir constaté qu'il y avait beaucoup de trous dans la raquette. C'est désormais un acquis, dont nous espérons ne pas avoir besoin dans une telle ampleur, bien sûr. Nous aurons beaucoup de leçons à tirer de la crise. La réassurance des employeurs quant à leurs responsabilités est l'une des deux conditions de la reprise, avec la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.