Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du jeudi 23 avril 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Tout d'abord, j'adresse un message très ému à nos amis alsaciens. Connaissant bien cette région, je suis très touché par la situation dramatique qu'a connue Mulhouse, mais aussi par la magnifique solidarité régionale, interrégionale et européenne, l'afflux massif des volontaires et des moyens techniques auxquels nous avons assisté. Les « évasans » – évacuations sanitaires – ont permis de transférer en toute sécurité des malades très atteints, réanimatoires, vers d'autres CHU, vers des centres hospitaliers de la région ou d'autres régions mais aussi vers la Suisse, le Luxembourg, l'Allemagne et l'Autriche. Le transfert de 640 malades en réanimation sur le territoire national est inédit, y compris me semble-t-il pour d'autres pays.

Des moyens de transport inusités en de telles circonstances ont ainsi été utilisés comme les hélicoptères, les avions de l'armée, mais aussi des TGV médicalisés permettant de convoyer les patients dans de très bonnes conditions. Comme vous le savez, le ministère des armées a également dépêché un hôpital militaire à Mulhouse afin de prendre en charge trente malades très gravement atteints, dans cette zone parmi les plus touchées par la circulation virale.

Nous portons aussi une grande attention aux équipes, qui sont à genoux, en appelant chaque jour les médecins hospitaliers et libéraux. Je contacte quant à moi régulièrement mes collègues exerçant dans les zones les plus touchées. Mme Julienne et moi-même sommes parfaitement conscients de l'épuisement des équipes soignantes. Comme l'ont dit le Président de la République et le Premier ministre, il convient de restaurer notre capacité de réponse, ce qui signifie que l'on tiendra compte de nos capacités hospitalières mais aussi des conditions physiques et psychiques des équipes, ce qui me semble fondamental et qui doit être intégré parmi les critères majeurs du suivi de l'épidémie.

Le ministre Olivier Véran a été très clair : la prise en charge des maladies chroniques, aiguës, des urgences vitales, des urgences, des détresses psychologiques et psychiatriques et, bien sûr, des soins dentaires urgents doit être effective car c'est évidemment essentiel pour la santé des Français.

Monsieur le président Studer, j'ai communiqué immédiatement l'article de la grande virologue chinoise consacré à la mutation du virus à Mme la professeure Sylvie van Der Werf, notre virologue de référence, responsable du centre national de référence des virus des infections respiratoires. Au vu des séquençages profonds actuels, ce type de mutation ne semble pas l'inquiéter. Elle n'a pas encore de certitude quant à l'existence de souches de pathogénicités différentes, l'une très mortelle et l'autre beaucoup plus bénigne. Nous sommes semble-t-il face à une variation classique : nous n'assistons pas à une mutation mais à une évolution naturelle du virus qui, sur un plan phylogénétique, nous permet de savoir où il passe et quelle est sa diffusion, ce qui est très important pour les virologues.

En revanche, nous sommes en train de découvrir un point difficile à entendre : l'importance de la variabilité des réactions individuelles face au virus. Probablement s'explique-t-elle par des facteurs génétiques, immunitaires, d'âge, de condition physique. Je suis en effet très frappé de voir des personnes relativement âgées voire très âgées qui développent une forme bénigne de la maladie et des personnes de moins de trente ans qui ne souffraient pas d'autres pathologies en réanimation. C'est heureusement exceptionnel mais nous l'observons. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'explication. Pourquoi une personne de 95 ans peut-elle rester chez elle et s'en tirer avec un peu de fièvre sans développer une forme sévère ? Pourquoi un jeune sportif peut-il se retrouver en réanimation ?

Sur le plan national, monsieur Dharréville, nous veillons à ce qu'une capacité de projection soit possible afin que les décideurs et les élus connaissent la situation épidémiologique et hospitalière ainsi que l'état de mobilisation des professionnels de santé de chaque territoire.

Plus encore que lors des épidémies précédentes, nous constatons une remarquable ouverture de la part de la communauté scientifique vers l' open science – peut-être même est-elle aussi complètement inédite –, l' open source, l'accessibilité totale. L'Institut Pasteur a ainsi partagé le séquençage du génome, de même que l'on partage nos informations épidémiologiques ou sur les essais thérapeutiques. Il convient de souligner cette volonté de mise à disposition des connaissances scientifiques en direction de la communauté internationale, médicale et scientifique.

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