Nous devons collectivement tirer toutes les leçons de la crise sanitaire majeure et inédite liée à la pandémie massive et meurtrière de covid‑19. Cette maladie nouvelle, causée par un coronavirus émergent dont on connaît encore mal les caractéristiques, poursuit sa progression dans le monde et inquiète toujours les experts, notamment ceux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La première vague épidémique s'achève en Europe et en métropole ; mais l'épidémie est loin d'être terminée et le virus circule toujours, de façon hétérogène, comme depuis le début.
Nos équipes, mobilisées au sein du centre de crise sanitaire depuis le 27 janvier, le sont toujours pleinement. Elles surveillent la situation en métropole, avec plus de 230 clusters déclarés, et soutiennent les équipes outre-mer : la circulation virale est importante à Mayotte, où sévit également une épidémie de dengue, et on observe un début d'épidémie en Guyane, où des renforts humains et techniques sont déployés, avec l'appui de l'armée pour aider à d'éventuelles évacuations sanitaires. Elles sont mobilisées pour protéger au mieux les territoires insulaires, plus vulnérables, assurer la poursuite de la réponse logistique – 3,7 milliards de masques ont été commandés, 772 millions déjà distribués –, ainsi que du dispositif crucial de dépistage des cas, grâce aux tests virologiques dits RT‑PCR, et le repérage des personnes contacts : plus de 1,8 million de tests ont été réalisés. Elles sont prêtes à gérer cet été les risques de canicule, d'arboviroses et de clusters de covid‑19.
Une grande majorité des Françaises et des Français a retrouvé la liberté au quotidien et leurs activités habituelles. La vigilance et la prudence doivent cependant rester de mise, entre les nombreux déplacements des vacanciers et les activités touristiques, synonymes de regroupement. Nous devons impérativement maintenir le respect des gestes barrières, des mesures de bon sens et d'hygiène, la distanciation physique d'un mètre. Les rassemblements, la promiscuité, les espaces clos avec un grand nombre de personnes demeurent des situations à haut risque. Nous devons anticiper un rebond, voire une deuxième vague épidémique cet automne ou cet hiver. Ne pas s'y préparer serait une faute majeure.
Nous avons vécu des drames : j'ai une pensée particulièrement émue pour toutes les personnes décédées et leurs familles. Je veux aussi évoquer les plus de 100 000 personnes hospitalisées pour une infection sévère et les malades suivis à domicile. Ils ont connu fatigue, douleurs, difficultés respiratoires, parfois coma artificiel et réveil difficile. Ils ont pu bénéficier des grandes compétences professionnelles et des qualités humaines de nos professionnels de santé, de leurs sourires, magnifiques malgré la fatigue, et de leurs attentions qui font tant de bien à l'âme. L'immense majorité des malades du covid‑19 sont désormais guéris ; mais il reste des milliers de personnes hospitalisées, des complications lourdes à traiter, voire des séquelles à prendre en charge. Là encore, les professionnels de santé, en établissement de santé comme en ville, sont en première ligne et méritent toute notre gratitude. Je pense aux personnels des EHPAD, qui ont confiné des personnes n'attendant souvent que les visites de leur famille et les activités collectives, qui ont transféré des résidents présents depuis des années vers un hôpital ou qui ont accompagné une personne en fin de vie à laquelle ils s'étaient profondément attachés. Ils ont agi avec humanité, dévouement et engagement.
Je souhaite aussi saluer toutes celles et tous ceux qui ont permis au pays de continuer à bénéficier de ses fonctions vitales, celles et ceux qui ont souffert de cette période si particulière, celles et ceux qui ont respecté les consignes du confinement et du dé confinement, prudent et progressif.
Enfin, je souhaite parler des femmes et des hommes dont on ne parle jamais qui ont géré la crise partout sur le territoire : à la direction de crise, dans les agences nationales et régionales, au sein de nos ambassades, dans les départements, les préfectures, mais aussi dans les cellules de crise des hôpitaux et des autres établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux. En tant que directeur de crise et coordinateur des efforts, expertises et actions, je tiens à remercier tout particulièrement les 319 femmes et hommes qui se sont mobilisés jour et nuit, sans compter, depuis près de cinq mois, au centre de crise sanitaire, mes équipes de la direction générale de la santé, mais aussi des personnes issues des administrations des ministères sociaux, de l'inspection générale des affaires sociales, des agences nationales, du ministère des armées et du service de santé des armées, du ministère de l'intérieur, de l'environnement, des affaires étrangères, des finances, de la recherche, des services du Premier ministre, de l'École des hautes études en santé publique, du Conseil d'État, les préfets et les sous‑préfets, les professionnels issus du monde hospitalier ou du privé. Une coopération civilo‑militaire et interministérielle inédite a vu le jour, une formidable chaîne humaine, où des personnes de formations, de statuts, d'âges et d'horizons très différents étaient réunies dans le combat contre la pandémie et la lutte contre un virus qui peut frapper partout, même ici à l'Assemblée nationale.
Le ministère a été entièrement réorganisé pour accueillir très tôt le matin et jusque tard dans la nuit, week-ends compris, ces équipes remarquables d'engagement et de compétence, qui ont permis, avec tant d'autres, au système de santé de tenir, aux malades d'être pris en charge au mieux, en lien étroit et permanent avec le terrain, les établissements et les professionnels. Il leur a fallu organiser le rapatriement aérien et l'accueil de nos compatriotes de Wuhan, réagir un vendredi à vingt-trois heures au cluster des Contamines‑Montjoie, projeter une équipe d'appui pour gérer le cluster de Creil, trouver et envoyer du matériel lourd de réanimation, projeter des renforts humains, faire évacuer plus de 650 malades graves, ventilés, informer la population et les professionnels, tout en gérant parfois des décès, des maladies parmi leurs proches ou encore des questions de garde d'enfant.
Les acteurs de santé publique ont accompli des prouesses en programmation informatique, épidémiologique, cartographique, en définition d'indicateurs de suivi et création de plateformes de données partagées. Une équipe d'acheteurs internationaux a travaillé sans relâche, avec des horaires déments, en lien étroit avec le marché chinois. Une cellule innovante de transport, constituée de pompiers, de militaires et de médecins, a pris en compte les besoins en évacuation sanitaire par les airs des malades et le transport interrégional du personnel soignant. Ce sont quelques-unes des images qui resteront gravées à jamais dans ma mémoire, quelques témoignages de l'immense travail accompli par ces femmes et ces hommes, qui ont géré la crise, très loin des technocrates désincarnés, des bureaucrates coupés du réel, des ronds‑de‑cuir qui ne travaillent pas ou des hauts fonctionnaires froids et désincarnés décrits par certains.
Professionnels volontaires parfois venus de loin, retraités souhaitant prêter main-forte, étudiants en médecine, en pharmacie, élèves de l'ENA, de l'École polytechnique, de l'École des mines, de l'École de guerre, ils ont enrichi les cellules pluridisciplinaires agiles. Ces femmes et ces hommes de tous horizons ont mis leur vie personnelle entre parenthèses. Ils font face depuis cent cinquante jours, toujours attentifs aux retours de terrain, à la recherche systématique de la meilleure solution, répondant aux besoins avec diligence, créativité et dévouement. Ils ont aidé le pays à traverser une crise d'une violence incroyable. Je souhaite leur dire solennellement et chaleureusement merci.