S'agissant de votre remarque initiale sur le regroupement des agences, il en existe un exemple un peu plus ancien et que vous connaissez certainement : celui de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), née du regroupement de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), et considérée, au niveau européen, comme une réussite : c'est une très belle agence, qui fournit une expertise de haut niveau. Il faut savoir saluer des réorganisations de ce type. Réorganisation et fusion de l'expertise ne signifient pas forcément apparition de difficultés. Vous interrogerez demain François Bourdillon, qui a été le préfigurateur de l'ANSES. La logique consistant à regrouper la prévention, la surveillance et l'action dans une même démarche de santé publique se retrouve dans de nombreux pays.
En ce qui concerne les essais cliniques, en particulier la recherche sur l'hydroxychloroquine, nous pourrions y passer un long moment car, comme vous le savez, le sujet a fait couler beaucoup d'encre. La molécule était déjà utilisée en France pour de multiples indications ; il existait un mode d'utilisation et d'évaluation rationnel. Si vous reprenez mes déclarations, vous verrez que nous avons toujours soutenu les essais cliniques car nous considérions que, si ce traitement – ou un autre, d'ailleurs – représentait une possibilité d'améliorer l'état de santé des populations, il fallait évidemment le proposer. Dès lors qu'il y avait une hypothèse thérapeutique, une piste de recherche, nous les avons soutenues, avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les comités de protection des personnes (CPP), qui ont rendu très rapidement leurs avis, travaillant même les soirs et les week-ends. Tous les investigateurs pourront dire que la réponse des autorités, en particulier celle des instances d'évaluation, a été très rapide.
Au risque de vous surprendre, ce qui a pu rendre les choses un peu difficiles, c'est le foisonnement des protocoles de recherche. Un trop grand nombre de protocoles nuit aux protocoles : les patients ne savent plus auquel participer, alors même qu'il faut de nombreux patients pour arriver à une démontration. Si les essais sont trop dispersés, il devient difficile d'y intégrer des patients. C'est peut-être la conclusion qui sera tirée de l'épisode, en particulier au niveau européen : la capacité à coordonner très rapidement les différents investigateurs est un enjeu fondamental. Quoi qu'il en soit, il y a eu un soutien français, européen et mondial – à travers l'OMS – aux études consacrées à l'hydroxychloroquine. Je ne les citerai pas toutes car elles ont été très nombreuses, aussi bien en milieu hospitalier qu'en ambulatoire, aussi bien à Paris qu'en province. On peut donc dire, à cet égard, que nous avons testé de très nombreuses hypothèses, avec différents « bras », comme on dit régulièrement, c'est-à-dire différentes molécules comparatives. Nous n'avons pas à rougir des efforts réalisés pour comprendre s'il y avait, oui ou non, un bénéfice à utiliser cette molécule, ou d'autres, et si le rapport bénéfices-risques était négatif.
En ce qui concerne l'hôpital, comme vous le savez, ni les établissements de santé ni les professionnels de santé n'entrent dans les compétences du directeur général de la santé publique. Cela dit, dans la mesure où je suis moi-même praticien hospitalier, la qualité de l'hôpital public me tient évidemment à cœur – j'y ai exercé toute ma vie. Par ailleurs, je travaille de façon très étroite et en parfaite collaboration avec la directrice générale de l'offre de soins. Les services de réanimation ont été exceptionnels : imaginez ce que représente le fait de doubler la capacité, ce que cela veut dire pour les équipes. Il leur a fallu pousser les murs, aller chercher des respirateurs aux urgences, au SAMU, dans les stocks militaires ou dans les stocks de l'État, parfois en pleine nuit. De la même façon, des équipes d'infirmières de réanimation se sont portées volontaires pour venir aider, en particulier dans le Grand Est. La mobilisation de tous les membres des équipes de réanimation – soignants mais aussi psychologues, par exemple, car le spectre des métiers est très large – a été magnifique. C'est tout aussi vrai sur le plan technique : de très belles opérations, totalement inédites, ont été organisées, notamment celles consistant à embarquer plusieurs dizaines de patients dans des TGV, ou encore le recours à des hélicoptères, des avions et des bateaux militaires – car nous avons évacué des malades de Corse. Pour le reste, effectivement, il y a le Ségur de la santé : une réflexion avec l'ensemble des professionnels de santé est en cours. J'espère que nous trouverons des réponses à la hauteur de leurs attentes, mais je ne saurais aller au-delà de mes compétences et de mes prérogatives.