Intervention de Bruno Lina

Réunion du jeudi 18 juin 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Bruno Lina, membre du Conseil scientifique covid-19 :

Le 7 janvier, les Chinois partagent la séquence génétique d'un nouveau coronavirus. Le 10 janvier, le laboratoire de l'hôpital de la Charité à Berlin propose un premier test PCR, dont plusieurs laboratoires en France, dont le mien, font l'acquisition. Mi-janvier, l'Institut Pasteur met au point un test PCR amélioré, qui reste le meilleur d'après nos évaluations. Une des difficultés auxquelles nous avons été confrontés dans le déploiement de ces tests, éminemment manuels, c'est qu'ils nécessitent des outils dont la plupart des laboratoires de diagnostic ne sont plus dotés car ils sont équipés d'automates, machines fermées aux réactifs captifs. Autrement dit, ils n'ont plus le matériel nécessaire pour se servir des kits qu'ils reçoivent, aussi excellents soient-ils. Le déploiement n'a donc pu être fait à la hauteur de ce qui était attendu, d'autant que les fournisseurs ont été confrontés à une très forte hausse de la demande mondiale pour adapter les tests aux automates. Les difficultés d'approvisionnement ont donc empêché les laboratoires de répondre aux besoins. Dans mon laboratoire, à une certaine période, nous n'avions des tests PCR que pour deux jours. Nous avons dû procéder à 200 à 300 tests par jour, niveau jamais atteint pour un pathogène. Aucun virus n'a nécessité 3 500 tests par jour en France par le passé, pas même le H1N1 pendant l'épidémie de 2009. Le test lui-même n'est que le dernier maillon d'une chaîne qui comprend réactifs, consommables, machines et bien sûr prélèvements. Or l'explosion de la demande mondiale a provoqué une pénurie d'écouvillons. Nous nous sommes ainsi retrouvés, à un moment donné, avec un nombre insuffisant d'écouvillons et de kits, qui plus est peu adaptés aux équipements actuels des laboratoires. Nous avons dû en permanence nous adapter à la situation, notamment en nous échangeant des prélèvements entre laboratoires.

Notre premier mouvement a été de nous tourner vers les producteurs pour leur demander du matériel. Nous avons fait du co-développement opérationnel pour ouvrir les outils de diagnostic. Ensuite, nous sommes passés à un niveau supérieur afin que les laboratoires puissent faire face à une réémergence du virus en utilisant des outils à l'ancienne.

Certains se demandent si les clusters en Chine peuvent être à l'origine d'une deuxième vague. En réalité, le virus est beaucoup plus présent en Amérique du Sud et en Afrique qu'en Chine. Le cas de la Chine nous apprend que nous ne sommes pas à l'abri d'une deuxième vague alors qu'il fait chaud, même si nous savons que l'hiver joue un rôle d'amplification. La deuxième vague ne nécessite pas non plus de mutation préalable du virus. Je vous rassure, les mutations ne sont pas forcément une mauvaise nouvelle car certaines ont tendance à réduire la virulence des virus. Nous pourrions nous étendre sur la mutation D614G observée dans la protéine Spike, qui expliquerait une transmission accrue, mais ce ne sont que des hypothèses. Le virus est extrêmement stable en ce moment. Rappelons que le virus de la grippe H1N1, extrêmement variable, a mis cinq ans à muter. L'épidémie peut repartir chez nous, ce qui fait du maintien des mesures d'hygiène et des gestes barrières un enjeu particulièrement important.

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