S'agissant du scandale du Lancet, nous avions d'autres enjeux à traiter, avec l'avis n° 7.
Je ne vous cache pas que je sors de cette période avec un certain malaise. La science, la médecine, de façon générale, pas seulement en France, contrairement à ce que l'on dit, ont été un peu bousculées. On a vu de très nombreux non-sachants devenir des sachants sur les divers plateaux de télévision, avec des effets d'annonce, des commentaires. Cela continue et je ressens un certain malaise. Il nous faudra renouer, une fois de plus, la confiance avec les Français, qui est fondamentale. La relation médecin-patient, qui est bien meilleure dans le modèle français que dans les pays anglo-saxons, a été touchée. Lors des États généraux de la bioéthique, j'avais déjà senti une remise en cause de la relation entre les patients et les médecins. Nous devrons reconstruire cette confiance, de manière cohérente et inclusive.
La publication de nos avis a parfois été décalée. Nous n'avons disposé d'un site web qu'à partir du 16 mars – nous nous sommes battus pour en avoir un pour assurer la transparence de nos avis. C'est pourquoi les trois avis rendus aux autorités gouvernementales à partir du 12 n'ont été publiés qu'à cette date. Dans d'autres cas, les autorités de santé ont pris le temps de pleinement assimiler nos avis avant de les publier, ce qui explique qu'ils ne soient sortis que quatre jours plus tard. En tout cas, les autorités avaient nos avis avant de prendre leurs décisions, nous n'avons pas couru après les déclarations des politiques, nous les avons toujours précédés.
La démocratie sanitaire est un sujet qui m'est cher. La santé repose sur un triangle : les politiques – qui prennent les décisions et votent les lois –, les experts et médecins, et les citoyens. Lors de la crise du VIH nous avons construit une relation avec le milieu associatif qui nous a beaucoup fait évoluer. La maladie n'appartient pas au médecin, son rôle est d'accompagner le patient. Je pense que cette construction a fait défaut lors de la crise du covid‑19, et la constitution d'un comité de citoyens me paraît nécessaire. Il n'est pas trop tard : ce comité citoyen de liaison pourrait s'appuyer sur des structures existantes, à l'exemple du conseil national du sida et des hépatites virales. Cela permettrait de mener une réflexion en cas de deuxième vague, de faciliter l'acceptation de mesures difficiles et d'anticiper les problèmes générationnels.
Pour conclure, j'ai deux messages à faire passer. Premièrement, il faut anticiper pour mieux préparer. Deuxièmement, je pense que nous devons avoir une vraie réflexion sur la construction et sur l'avenir de la santé publique en France.