Intervention de William Dab

Réunion du mardi 23 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

William Dab, directeur général de la Santé de 2003 à 2005 :

Je suis incapable de vous répondre au sujet des tests. De quoi a-t-on manqué ? De tout, de réactifs, de tiges de prélèvement. Pourquoi ? Je l'ignore. Je n'ai pas accès à ces informations-là.

Concernant le rôle de Bercy sur les masques et le plan pandémie qui a été bleui en 2005 par le Premier ministre, je me souviens parfaitement de la discussion que j'avais eue avec un de mes collègues britanniques, le Chief medical Officer, Liam Donaldson. Il m'avait expliqué qu'il n'y aura pas de masque dans le plan pandémie britannique car leur efficacité n'était pas démontrée. Je lui avais alors expliqué que ce n'était pas parce que l'efficacité n'était pas démontrée qu'elle n'existait pas. Démontrer l'efficacité d'un masque est en effet difficile en termes de protocole épidémiologique, mais on sait que des soignants protégés par des masques voient les risques de transmissions de nombreuses maladies infectieuses diminuer.

Malgré l'incertitude, j'avais donc décidé qu'il y aurait des masques dans le plan pandémie français. Dans la note de la sous-directrice et que j'ai retrouvée, le besoin avait été évalué à 850 millions de masques FFP2, tous les soignants devant en être équipé. Pour la population générale, nous proposions des masques chirurgicaux ou en tissu. C'était en 2005.

La pandémie est arrivée. Mon successeur a joué un rôle important comme délégué interministériel. À l'époque, cela m'a semblé être un bon modèle de gouvernance car le rôle interministériel est indispensable dans ces affaires complexes. Le DGS et les ARS ne peuvent pas exercer ce rôle. La formule du délégué interministériel était très bonne et Didier Houssin a très bien travaillé.

Ensuite, vous connaissez l'histoire : trop de masques, trop de vaccins. En 2010, il y a eu un gaspillage, mais par rapport au coût du confinement évalué à 700 milliards d'euros, on n'est même pas dans l'épaisseur du trait, on est dans le cheveu !

Il faut savoir prendre des risques en sécurité sanitaire. Il faut parfois investir, et généralement quand on investit en prévention, on gagne. Il ne faut pas changer sans arrêt d'orientation. Un coup ça ne marche pas, je fais l'inverse. Un coup ça marche, je continue. Il faut de la continuité dans les politiques de sécurité sanitaire.

Qui a décidé de ne pas renouveler le stock stratégique d'un milliard de masques ? Je ne sais pas. Il faut étudier le contenu des réunions interministérielles, voir qui a signé quelle décision budgétaire, regarder les projets de loi de finance et les lignes détaillées. Il y a un travail d'enquête à faire. Ce n'est pas à moi de le faire.

StopCovid présente un intérêt épidémiologique mais je ne suis pas prêt à sacrifier nos libertés individuelles au nom de la protection de la sécurité sanitaire. La décision retenue dans notre pays me semble cependant assez sage, avec toutefois quelques points de vigilance démocratique. Je n'ose imaginer ce que deviendrait ce type d'application dans un régime autoritaire.

En Corée, ce système d'application a évidemment marché : si vous ne respectiez pas le confinement, la police venait vous chercher. Je ne veux pas ça. Si nous avons une bonne épidémiologie de terrain, nous ne sommes pas obligés d'être intrusifs et pouvons maintenir le face-à-face respectueux du secret médical.

Confier les clefs à une boîte noire, dont on ignore tout des données qu'elle recueille et à qui elles vont ainsi que des possibilités de piratage serait une menace pour la démocratie. Je pense qu'il faut faire très attention et que l'impératif de sécurité sanitaire ne peut pas tout permettre.

Le comité scientifique a fait un travail extraordinaire. Leurs avis ne sont pas sujets à controverse. Il reste que dans ces situations de tension, il y a toujours la tentation de créer de nouvelles institutions. Il faut y résister. Il existe plusieurs organismes experts : le Haut conseil de la santé publique et l'Académie de médecine par exemple. Ils ont, eux aussi, fait un travail remarquable.

Personnellement, j'aurais plutôt créé un comité de liaison entre l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les académies – médecine, pharmacie etc. – le Haut conseil de la santé publique, la Haute autorité de santé, les présidents des conseils scientifiques des agences. Ceci aurait permis de donner une feuille de route à chacun des organismes et d'avoir une sorte de bureau de coordination de l'expertise.

Toutefois le Conseil scientifique n'a pas à rougir de ce qu'il a fait, mais en matière de pilotage de la recherche sur le Covid, je pense que nous avons perdu en efficacité. Le pilotage des essais thérapeutiques n'a pas été suffisamment fort. C'est la raison pour laquelle il y a eu des doublons et que l'on a manqué de patients pour faire les essais prévus. En recherche clinique, une coordination nationale de toutes les ressources possibles aurait été nécessaire.

Si nous avions eu des tests, aurions-nous pu éviter le confinement ? Si nous avions fait la même chose que les Allemands – tests, traçage des cas, isolement, suivi, quartorzaine – nous aurions eu un confinement ciblé et non un confinement généralisé. Je n'ai aucun doute là-dessus.

L'efficacité territoriale est une question importante et je m'adresse à la représentation nationale. Dans la loi qui a créé les ARS, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) devait être régionalisé. Nous devions avoir des objectifs régionaux des dépenses d'assurance maladie (Ordam). Nous ne les avons jamais eus. C'est habituel en France : on s'arrête au milieu du chemin et on oublie les moyens. On pense avoir résolu un problème après avoir rédigé un texte sans se préoccuper de son effectivité.

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