Intervention de William Dab

Réunion du mardi 23 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

William Dab, directeur général de la Santé de 2003 à 2005 :

Dans un ministère, le seul patron est celui qui porte la responsabilité politique. Il n'y a aucun doute. Les directeurs d'administration centrale sont là pour le servir, pour préparer sa politique et la mettre en œuvre.

Toutefois, le DGS, contrairement aux autres directeurs d'administrations centrales, a un rôle particulier. Historiquement, la direction générale de la Santé incarne la médecine au sein de l'appareil d'État. Cela donne au DGS – qui a toujours été médecin jusqu'à présent – un double rôle : un rôle de gestion de l'administration centrale, de préparation, de mise en œuvre de la politique du ministre et un rôle d'expert interne.

Le DGS est confronté une autre spécificité. Il reçoit des alertes quotidiennes dans un contexte ou la politique de santé du pays doit se penser à moyen terme. La coexistence de ces deux temporalités est problématique. Or – et je vous invite à regarder l'évolution du nombre de postes budgétaires à la DGS depuis que je l'ai quittée – il y a eu une perte de 100 fonctionnaires.

Lorsque je me suis inscrit pour rejoindre la réserve sanitaire, on m'a répondu que mon dossier était incomplet car il manquait la copie de mon doctorat en médecine. Celle-ci se trouvait à la Cnam, alors fermée. J'ai constaté que seules sept personnes géraient les 20 000 personnes inscrites à la réserve sanitaire. Ce dispositif n'est pas doté pour fonctionner.

Contrairement à l'ARS, les préfets savent parler aux élus. Les ARS organisent l'offre de soins et sont les interlocuteurs privilégiés des soignants, notamment des médecins. C'est préférable. On dit que les directeurs généraux d'ARS sont les préfets de la santé. Pour parler aux soignants hospitaliers ou aux médecins de ville, c'est assez logique. Le préfet serait mal à l'aise pour faire cela : il aurait un problème de légitimité vis-à-vis des soignants.

Ce système a sa logique, mais en situation d'urgence, il faut parler aux élus, aux recteurs, aux associations et aux syndicats. Les ARS ne le font pas habituellement et ne peuvent le faire dans l'urgence. C'est donc le préfet, doté du pouvoir de réquisition et de la mission interministérielle, qui s'en charge. Pour moi, il faut revoir cela. En situation d'urgence sanitaire, l'ARS deviendrait un conseil expert auprès du préfet, unique porteur de la décision publique.

Concernant Mayotte, les conditions de vie y sont extrêmement difficiles : 200 000 personnes y sont en situation irrégulière, 50 % de la population a moins de 20 ans, il y a des problèmes avec les Comores et même des difficultés alimentaires.

Avec mon collègue le docteur Jean-Baptiste Brunet, nous sommes arrivés à Mayotte avec la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin et le service de santé des armées. Nous avons trouvé une situation caricaturale. Un énorme effort est porté sur le système de soins. Les capacités de réanimation ont été triplées pour faire de la prévention sur le terrain, de l'éducation à la santé, le traçage des cas et le dépistage. Toutefois les doigts de mes deux mains suffisent à compter le nombre de personnes présentes sur le terrain. Lorsque nous y étions en mission, une épidémie importante a sévi chez les soignants et la fonction d'hygiène hospitalière s'est retrouvée à l'arrêt.

Notre rapport a été remis le 3 juin à deux ministres et une réunion entre leurs deux cabinets, en présence du cabinet du Premier ministre, a eu lieu. Il a alors été demandé qu'un plan d'action soit proposé sur la base de ce rapport. À ma connaissance, ce plan d'action n'est ni connu, ni publié. Ce rapport ne comprenait pourtant qu'une petite quinzaine de recommandations dont six urgentes. Nous sommes le 16 juin, et depuis trois semaines, rien n'a été fait. Nos six recommandations urgentes étaient les suivantes :

– opérationnaliser le traçage des cas. La caisse de sécurité sociale de Mayotte était prête et disposait d'un budget octroyé par la Cnam pour financer quinze postes. Il fallait recruter de toute urgence ;

– élargir le dépistage afin de gagner en précocité, notamment pour pouvoir tester les personnes asymptomatiques ;

– compléter la cartographie des situations à risques afin d'anticiper les plus favorables à la contagion ;

– évaluer les besoins en ressources humaines sur les fonctions de prévention de terrain ;

– définir des critères permettant de classer Mayotte en département vert car ceux proposés en métropole ne sont pas pertinents avec la structure du système de soins locale ;

– renforcer la prévention chez les soignants.

Cette expérience permet de comprendre que la réactivité est déterminante pour maîtriser une épidémie.

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