Intervention de Karine Lacombe

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris :

La collecte de plasma a été interrompue du fait du ralentissement de l'épidémie. On recense environ 5 000 unités de plasma stockées. Ces stocks sont valables un an. La procédure de collecte de plasma pourrait être réactivée si nous devions faire face à une deuxième vague. Je ne porte pas de jugement sur l'arrêt de la collecte. Cette décision est revenue à l'EFS. Il faudra peut-être l'interroger pour connaître les raisons de cet arrêt si le risque d'une deuxième vague se profile.

Nos connaissances relatives à l'impact du virus sur les enfants ont beaucoup évolué entre février, mars et aujourd'hui. Des données scientifiques allant en ce sens, j'ai pensé initialement que les enfants pouvaient être peu malades mais transmettre beaucoup de virus – ce schéma se retrouvant dans de nombreuses infections virales. Finalement, des données solides, notamment françaises, tendent à dire que non seulement l'enfant présente peu de réplication virale mais aussi peu de symptômes. L'enfant n'est donc pas un vecteur de transmission, ce sont plutôt les parents qui contaminent leurs enfants. Les enfants ont plutôt été une barrière naturelle à la progression du virus.

Concernant la fermeture des écoles, je m'exprimerai sur les écoles primaires. Je ne parlerai pas des collèges et des lycées. En effet, il a aussi été montré qu'à 15-16 ans l'adolescent a tendance à se comporter comme un adulte sur le plan immunologique. Décider de fermer une école primaire pour un cas dépisté est probablement excessif. Il en va sans doute de même pour les lycées. En revanche, il est important en ce cas de dépister toutes les personnes contacts des adolescents testés positifs au covid-19.

Il semblerait que ce virus soit relativement stable, comme les autres coronavirus, et contrairement à des virus respiratoires comme la grippe. Nous n'avons pas identifié de mutation majeure pouvant laisser penser qu'une nouvelle maladie plus ou moins virulente risquerait de se développer. Cependant, il faut rester très attentif à l'évolution des connaissances.

Le nombre de décès survenus en réanimation par rapport au nombre de personnes entrées en réanimation est disponible, mais je ne peux vous le donner sur le champ. Au vu des accusations prononcées le 24 juin, il sera important de le rendre public, de façon à dépassionner le débat et à donner à voir la réalité des chiffres.

Une pénurie de médicaments anesthésiants s'est produite en février et en mars du fait du grand nombre de personnes admises en réanimation – 7 000 au plus fort de l'épidémie. Cette pénurie n'a pas été française, mais mondiale. Ce n'était donc pas une défaillance du système français. La production de médicaments se fait normalement à flux tendu, sur la base de contrats passés pour l'achat et l'approvisionnement. Or face à une demande mondiale excessive en l'espace de deux semaines, il était normal que les chaînes de production ne parviennent pas à suivre.

Indépendamment de la disponibilité des médicaments anesthésiants en France, nous savons qu'il existe très peu de fabricants de médicaments dans notre pays. Nous avons beaucoup de contrats avec l'étranger. Nous nous sommes retrouvés en rupture d'approvisionnement pour des antibiotiques classiques. Il faudra probablement réfléchir aux lieux de fabrication des médicaments et aux chaînes d'approvisionnement associées, pour éviter de perpétuer les pénuries ou les tensions d'approvisionnement à l'avenir.

En tant que cheffe de service, je reçois toutes les instructions et toutes les alertes de l'AP-HP. Or je n'ai pas du tout eu connaissance d'instructions relatives à la suspension d'interventions chirurgicales liée à une pénurie de médicaments anesthésiants, mais je ne me prononce qu'à mon niveau. Je ne suis pas chirurgien ni réanimateur chirurgical.

Faisons-nous la course en tête ? La science n'est pas un sprint, mais une course de fond où chacun alimente les connaissances à l'aide de son travail. Cela ne m'importe pas de savoir que les Chinois sont premiers, ou les Américains premiers ou deuxièmes, et que la France serait « à la traîne ». En matière de publications scientifiques, la France fait partie du trio de tête des productions de connaissances sur l'hépatite C et le VIH. Nous avons produit dans ces domaines une science de grande qualité scientifique internationale, et nous sommes nombreux à intervenir fréquemment à l'international sur ces questions de santé.

En Île-de-France et dans le Grand Est, transférer des patients en réanimation en TGV vers des régions connaissant un nombre de cas plus faible nous a sauvés. Cela a permis d'augmenter le nombre de lits de réanimation. Lorsqu'il existait des capacités de réanimation ailleurs sur le territoire, et que les patients étaient stabilisés, les y envoyer au moyen de ponts aériens ou ferroviaires me semble avoir été une excellente idée. Dans le même temps, en fonction de l'augmentation de la propagation de l'épidémie nous avons été capables d'ouvrir des services de réanimation pour, en définitive, faire face.

Je connais bien la thématique de l'élimination de l'hépatite C, pour avoir travaillé longtemps bénévolement pour Médecins du Monde dans les pays asiatiques, sur le VIH et les hépatites virales. J'ai participé, avec le Medicines Patent Pool et Médecins du Monde, au combat pour l'accès aux traitements de l'hépatite C, notamment l'accès aux génériques, aux prix les plus faibles possibles, et pour la cassure du monopole de Gilead sur ces traitements. Vous parlez donc à une convaincue. Je ne crois pas avoir dit – et je m'excuse si mon discours l'a laissé entendre – que le laboratoire était merveilleux dans tout ce qu'il avait fait.

Le traitement de l'hépatite C coûte désormais 17 000 euros avec des médicaments d'un autre laboratoire, et moins de 40 000 euros avec les médicaments du laboratoire Gilead.

L'articulation entre réseaux hospitaliers et structures de recherche est très importante. Nous avons des efforts à faire sur ce plan, notamment pour travailler plus étroitement avec les centres hospitaliers généraux (CHG) – maillage hospitalier indispensable sur le territoire national. La coopération de recherche avec ces structures est sans doute perfectible. Je l'ai bien vu avec les essais thérapeutiques, qui ont été ouverts principalement dans les CHU alors que beaucoup de nos concitoyens ont été pris en charge dans les CHG. Il faudra s'améliorer sur ce plan.

Devons-nous nous attendre à des pénuries de médicaments, notamment dans l'hypothèse de survenue d'une deuxième vague ? La grippe de Hong-Kong dans les années 1968-1969 a duré deux ans. Il est peu probable que nous parvenions à relocaliser la fabrication de médicaments en l'espace de six à sept mois. Toutefois, il faudra probablement aller dans cette direction dans les années à venir. N'étant pas spécialiste de ces questions, je me positionne sur ce point en tant que citoyenne.

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