Intervention de Karine Lacombe

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris :

L'âge médian des patients hospitalisés dans mon service était supérieur à 70 ans. Nous avons eu des personnes très âgées – 85, 90 voire plus de 90 ans. Nous n'avons refusé personne à l'hôpital en raison de son âge. Les EHPAD qui avaient besoin d'hospitaliser un patient ont pu le faire via les urgences. Je ne parle pas du choix qui a été fait dans certains EHPAD d'envoyer ou non leurs résidents à l'hôpital.

De nombreuses personnes en EHPAD étaient très dépendantes pour tous les gestes de la vie quotidienne. Grabataires, elles bénéficiaient avant le covid-19 de soins optimaux dans leurs structures. Elles souffraient pour beaucoup de troubles cognitifs importants. Or ces personnes qui ont attrapé le covid-19, soit par leurs familles, soit par les soignants, n'ont probablement pas été amenées aux urgences. Leur qualité de vie était déjà détériorée, et il n'y avait aucun bénéfice à leur faire subir une arrivée aux urgences, une hospitalisation dans un secteur de médecine, etc. La douleur physique chez quelqu'un qui est grabataire et n'a plus de contact avec son entourage ne peut être mesurée, mais elle est probablement là. Les soins que l'on porte à une personne doivent toujours être proportionnés à son état.

Une grande discussion éthique s'est ouverte sur la question de savoir s'il fallait ou non un passage en réanimation. Tout passage en réanimation, indépendamment du covid-19, est une décision qui se prend en fonction de l'état du patient, du bénéfice qu'il peut en tirer, etc., avec les médecins qui s'en occupent, les réanimateurs, et la famille. Il n'y a pas eu à ma connaissance d'instruction formelle ni de décision informelle visant à ne pas faire passer de personnes âgées en réanimation, uniquement du fait de leur âge. Les décisions qui ont été prises – comme cela a été fait dans mon service – afin de ne pas envoyer certains patients en réanimation mais de leur faire bénéficier de soins palliatifs administrés par une équipe dédiée appuyée par une cellule éthique, l'ont été dans le cadre de discussions collégiales entre les médecins, les réanimateurs, les responsables de soins palliatifs, les patients – lorsqu'ils pouvaient exprimer leurs désirs – et les familles.

Un passage en réanimation, ce n'est pas simplement avoir un tube dans la trachée pour recevoir de l'oxygène. C'est un contexte extrêmement angoissant, qui demande des ressources physiques très importantes. Or une personne âgée très diminuée n'a pas les ressources métaboliques suffisantes pour faire face à un tel séjour. Par conséquent, plutôt que d'envoyer quelqu'un en réanimation pour qu'il soit intubé et ventilé dans des conditions d'angoisse extrême sachant que, dans près de 100 % des cas, il risque de décéder, il vaut probablement mieux lui apporter les soins de confort optimaux susceptibles d'être mobilisés dans une structure de soins palliatifs.

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