Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Xavier Bertrand, ancien ministre de la santé et des solidarités (2005-2007) et ancien ministre du travail, de l'emploi et de la santé (2010-2012) :

Il est évident que la doctrine de 2013 n'a été ni expliquée ni accompagnée comme elle aurait dû l'être. En faisant ce choix – qui n'est pas celui que j'aurais fait –, il aurait fallu aller jusqu'au bout de la logique ; il fallait dire aux grandes entreprises et aux libéraux ce qu'ils devaient faire, et il fallait surveiller. Je vais vous dire les choses franchement : je n'imagine pas un ministère de la santé produisant une telle doctrine, qui relève avant tout d'une logique budgétaire : lorsque ce sont les employeurs qui paient, ce n'est plus l'État. On fait des économies de trois francs six sous et, au bout d'un moment, il n'est pas étonnant qu'un drame se produise.

Le 9 février 2007, j'adresse à Dominique de Villepin un tableau récapitulatif des besoins de chaque ministère en masques FFP2. Cette note ne se contente pas d'établir les besoins pour le secteur de la santé, mais indique qu'il faut viser un objectif de 20 328 680 masques pour le ministère de l'intérieur, 5 457 400 pour la justice, 4 850 000 pour les finances, 3 141 000 pour l'agriculture, 35 100 000 pour la défense, et 8 065 000 pour l'éducation nationale, soit, avec les autres ministères, une quantité globale qui se situe entre 60 et 80 millions de masques. Ce faisant, nous nous mêlons un peu de ce qui ne nous regarde pas et sortons de notre rôle, ce qui plaît modérément à l'époque, mais nous avons le soutien du Président Chirac. Toute la question ensuite est de savoir qui vérifiera que l'ensemble des ministères se sont bien dotés…

Par ailleurs, j'ai conscience qu'au-delà de la préparation de ce plan pandémique, le ministère de la santé n'est pas le mieux structuré pour en gérer l'application – des exercices grandeur nature l'ont démontré – et il convient, à un moment donné, de passer la main à Beauvau, bien plus opérationnel.

Cela m'amène à la question de M. Vallaud : c'est évidemment aux préfets de gérer ce type de crises dans les territoires. J'ai la chance, pour ma part, d'avoir un très bon directeur général d'agence régionale de santé (ARS), Étienne Champion, et un remarquable préfet, Michel Lalande, dont les bonnes relations personnelles ont permis que la gestion de la crise reste fluide, mais les ARS ont un problème de structure : elles sont trop grandes et s'occupent de trop de choses. Je pense depuis longtemps que la gestion des crises sanitaires doit passer sous l'autorité du préfet, dans les régions comme dans les départements, avec les délégués de l'ARS, car le préfet dispose de l'organisation et des compétences requises.

La santé et la sécurité sanitaire relèvent-elles ou non du pouvoir régalien ? C'est une question politique à laquelle je réponds évidemment oui, sachant que le ministère de la santé n'est pas structuré comme un ministère régalien. Sans doute faudrait-il à cet égard inciter les élèves de l'ENA à s'orienter davantage vers les ministères sociaux – et j'imagine que le regard que vient de me lancer M. Aubert est un regard approbateur…

Enfin, je ne pense pas que l'on en ait trop fait en ce qui concerne la grippe H1N1. Lorsque la maladie est apparue au Mexique, on ne connaissait pas encore la souche du virus, et les risques d'épidémie ne pouvaient être écartés. Roselyne Bachelot a donc eu totalement raison de préparer le pays comme elle l'a fait. Évidemment, compte tenu du faible nombre de victimes, elle a ensuite été injustement attaquée pour avoir trop dépensé. Mais elle a pris les bonnes décisions, d'ailleurs soutenue à cent cinquante pour cent par Nicolas Sarkozy, et François Fillon.

La conséquence a été que les budgets ont baissé, pas uniquement pour les masques, mais pour l'ensemble des produits qui avaient été commandés par l'EPRUS. Certains, voulant faire remonter toute l'affaire à ma période – j'ignore pourquoi – ont pointé un doigt accusateur sur ces baisses, mais elles s'expliquent tout naturellement : après l'épisode H1N1, il n'a pas été nécessaire de passer de nouvelles commandes de vaccins, de kits de vaccination ou d'équipements permettant d'organiser des vaccinations massives. D'ailleurs, pourquoi aurais-je fait l'exact contraire de ce que j'avais commencé à bâtir en m'occupant des masques ? Et plus globalement, si la doctrine de 2011 était si mauvaise, pourquoi a-t-elle survécu à deux présidents de la République, à quatre premiers ministres et à trois ministres de la santé, qui n'y ont pas touché ? Il m'est arrivé, lorsque j'étais ministre, de revenir sur des doctrines ministérielles qui ne me convenaient pas. C'est aussi cela, la responsabilité du politique.

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