Il ne faut pas donner plus de pouvoir aux ARS. J'ai été interrogé, comme les présidents de départements, dans le cadre du Ségur de la santé. J'ai présenté des propositions très claires sur la décentralisation en matière de santé à Mme Buzyn lors d'un colloque à Chamonix, en septembre dernier, et elle les a repoussées.
Tout ce qui relève de la sécurité sanitaire doit être placé sous l'autorité des préfets. Certaines compétences pourraient être déléguées aux régions, avec l'introduction d'un objectif régional des dépenses d'assurance maladie (ORDAM), comme Pierre Méhaignerie le propose depuis longtemps. En contrepartie, les régions s'engageraient à abonder ces financements : il ne s'agirait pas de récupérer les compétences et les financements, mais d'instaurer un partenariat permettant de consacrer plus de moyens. Nous pourrions démontrer que nous sommes volontaires et prêts à agir.
En Italie, la sécurité sanitaire est déléguée aux régions, et si tout n'y a pas été contrôlé au début de l'épidémie, c'est parce qu'un président de région ne voulait pas faire de ségrégation sanitaire et imposer un confinement à certains quartiers. La sécurité sanitaire est un domaine régalien, c'est à l'État de l'assurer, et les responsabilités ne doivent pas être diluées.
S'agissant du modèle économique des entreprises qui assurent des productions stratégiques, il faut considérer que les entreprises qui nous approvisionnent sont des opérateurs d'importance vitale (OIV), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ce cadre réglementaire et fiscal permettrait de leur garantir une visibilité et d'éviter que ce qui est arrivé à Plaintel ne se reproduise. Puisque ces entreprises sont si importantes et contribuent à notre souveraineté, il faut leur attribuer ce statut, qui entraîne une surveillance particulière de l'État. Il faut agir de même pour un certain nombre de médicaments. Relocaliser la production de Doliprane est une chose, il faut aussi le faire pour le curare et d'autres produits nécessaires en réanimation. Au-delà d'un travail de relocalisation, c'est un travail de réindustrialisation qui s'impose. Nous sommes au cœur des enjeux de souveraineté et de protection de nos citoyens.
En 2007, suite à une réforme de l'administration centrale, le secrétaire général du ministère de la santé devient le haut fonctionnaire de défense, et son adjoint est le chef du département des urgences sanitaires. Mais ils n'ont pas de pouvoir interministériel. Didier Houssin a été nommé délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire par Philippe Douste-Blazy, et je l'ai confirmé dans ces fonctions. Le pouvoir interministériel tient beaucoup aux personnes et il n'est pas si simple de trouver des candidats de l'envergure de Didier Houssin. Jean-Yves Grall, que j'ai nommé directeur général de la santé, était excellent et pouvait s'appuyer sur son expérience du terrain.
Il faut reconnaître que le SGDSN a un peu souffert durant les années de préparation du plan pandémique, car le ministère de la santé a pris l'initiative de le faire, même si cela ne faisait pas partie de ses missions ; à cet égard, nous avions le soutien de Matignon et de l'Élysée. Frédéric Salat-Baroux et Marie-Claire Carrère-Gée veillaient à ce que je dispose des moyens nécessaires et en référaient directement au président Chirac. Le SGDSN a attendu le moment pour reprendre la main, ce fut en 2013. Dans sa vision, ce n'est pas au ministère de la santé de s'occuper de ces sujets.
Les tests font partie des responsabilités régaliennes. Mais le 1er mai, j'ai écrit au ministre de la santé la lettre suivante :
« Monsieur le ministre, lors de sa déclaration du 28 avril 2020 devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre a fixé l'objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine à dater du 11 mai. J'ai noté avec attention que vous avez confié le 21 avril 2020 à M. Nicolas Castoldi une mission dépistage virologique et sérologique au sein de la Task force mise en place pour la gestion du volet sanitaire du déconfinement au sein du centre de crise sanitaire. Dans la lettre de mission de M. Nicolas Castoldi du 21 avril 2020, il est mentionné que la France a réalisé la semaine dernière 140 000 tests par semaine, soit 20 000 tests par jour, l'enjeu étant de passer de 20 000 tests par jour à 100 000 tests par jour à partir du 11 mai.