Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Xavier Bertrand, ancien ministre de la santé et des solidarités (2005-2007) et ancien ministre du travail, de l'emploi et de la santé (2010-2012) :

Vous avez entièrement raison sur ce point. L'un des enseignements à tirer de cette crise est qu'une nouvelle éducation à la santé est nécessaire. Elle nous permettra de faire reculer les épidémies de gastro-entérite et d'autres contaminations. Je ne sais pas quand nous reprendrons l'habitude de nous serrer les mains et de nous embrasser, je crains que nous ne perdions en convivialité avec le port du masque et les gestes barrières. Mais le lavage des mains avec de l'eau et du savon est très important, et les jeunes générations l'ont bien compris : il faut continuer.

À propos de logistique, je ne comprends pas pourquoi on a fait appel à une entreprise privée, certes compétente, pour les dotations aux pharmacies. Les gendarmes savent faire : pour l'opération « Un masque pour tous » dans le département de la Somme, ils ont proposé à l'association des maires et au conseil départemental de prendre en charge le transport des masques. Ils ont été formidables sur ces aspects logistiques : disponibles les week-ends et les jours fériés, ils venaient chercher les masques et les distribuaient, avec une sécurité et une fiabilité exceptionnelles. Si la logistique leur avait été confiée, nous n'aurions pas eu les problèmes d'acheminement que nous avons connus une fois que les masques étaient disponibles. Nos militaires ont un vrai savoir-faire en logistique.

Pour définir une stratégie, il faut avoir le scénario du pire en tête, faire des exercices réguliers, être transparent à l'égard de la représentation nationale, et peut-être impliquer des groupes de citoyens témoins. Le regard de Jean-Philippe Derenne et François Bricaire m'a été précieux : il faut entendre ceux qui ne traversent pas dans les clous. Il faut une vision à 361 degrés : faire le tour complet de la question, puis revenir au début car le regard peut avoir changé. Il faut un esprit pratico-pratique : les plans qui sont bons sur le papier ne doivent pas être que des plans de papier. L'appropriation politique est la priorité : c'est au politique de décider d'attribuer les moyens nécessaires pour être au niveau requis.

Une sensibilisation citoyenne est également essentielle, dès le plus jeune âge, à l'image de ce qui se passe au Japon en cas de séisme. Il ne faut pas tout attendre de l'État, mais il est là, notamment dans le domaine de l'éducation.

Sur les questions régaliennes, il revient à l'État de consacrer les moyens nécessaires et de s'assurer que tout le monde s'est approprié la stratégie. La doctrine de 2013 aurait pu s'entendre si l'État avait eu le souci de vérifier sa mise en œuvre. Je pense toutefois qu'il est préférable de garder la maîtrise complète.

Il faut faire attention aux agences nationales, qui éloignent et diluent la responsabilité politique. En matière d'agences, le big is beautiful ne se vérifie pas. Un rapport intéressant avait été rédigé à ce sujet par Jean-François Girard : après le scandale du Mediator, nous n'avons pas voulu tout réunir en une seule agence, car il est difficile de préserver l'efficacité et le sens du détail. Les agences dévorent des crédits et du personnel, il faut chercher les solutions efficaces, et assurer un contrôle.

Il faut une loi de programmation en matière de sécurité sanitaire, il faut reconstituer un EPRUS indépendant placé auprès du Premier ministre, et la représentation nationale doit exercer un contrôle vigilant, comme c'est le cas sur les questions de sécurité et de renseignement. Nous devons nous doter des moyens nécessaires pour retrouver une souveraineté économique dans ces domaines, qu'il s'agisse des masques, des tests ou des traitements.

Il ne s'agit pas de dresser un tableau trop sombre ou trop positif. Nous avons surmonté ce drame parce que les Français ont fait preuve d'une résilience extraordinaire. Mais il serait inconscient d'imaginer qu'une fois tout ceci derrière nous, nous serons tranquilles pour dix ou vingt ans. Sans même parler de deuxième vague, une nouvelle crise sanitaire peut revenir très vite. Il faut avoir le scénario du pire en tête, et les décisions nécessaires ne doivent pas être entravées par du court-termisme budgétaire et comptable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.