Intervention de Astrid Petit

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Astrid Petit, membre de la direction fédérale de la fédération CGT santé action sociale :

La CGT est la première organisation syndicale des personnels de la santé et de l'action sociale. Pendant la crise, nous avons mené deux enquêtes de grande ampleur auprès de nos syndicats, pour mesurer l'évolution de la situation et objectiver les nombreux témoignages que nous en donnaient les personnels. Nous vous avons transmis ces analyses avant l'audition ; elles sont également accessibles sur le site de la CGT santé.

Ces enquêtes, qui apportent de nombreux éléments chiffrés, font la démonstration édifiante de ce qui n'a pas fonctionné, et pourquoi. Nous avons ainsi mis en lumière la surcontamination des personnels soignants dès la fin du mois d'avril, à un moment où la question était ignorée. Depuis, le Gouvernement a réalisé un décompte, et la surcontamination des personnels soignants est avérée.

Nous pouvons établir qu'il n'y a pas eu de fatalité à ce que 30 000 personnes meurent en France de l'épidémie ou à ce que tant de collègues soient contaminés par le virus. C'est le résultat de défaillances, de décisions politiques délibérées ou de lois adoptées ces dernières années contre notre système de santé et contre la sécurité sociale. Le bilan humain aurait pu ne pas être aussi lourd si nous avions disposé des lits d'hospitalisation que les gouvernements successifs ont fermés par dizaines de milliers – une réduction qui continue d'ailleurs aujourd'hui –, et si nous avions eu les masques, le matériel de protection et les médicaments dont nous avions besoin. Les tests auraient pu éviter des milliers de contaminations dans les EHPAD, mais nous ne les avons pas eus.

Nous avons aussi découvert que des recommandations ministérielles conseillaient de maintenir les personnes âgées malades à leur domicile ou dans les EHPAD, plutôt que de les accueillir à l'hôpital. Nous ne pouvons que nous interroger, car tout le monde sait que la moitié des décès dus au covid-19 en France provient des EHPAD.

Nous avions pourtant alerté, bien avant cette épidémie, sur le manque de personnels et sur les dangers de fermer tant de services hospitaliers et de structures sociales. Les personnels avaient dénoncé leurs conditions de travail, notamment la situation dans les EHPAD. Et l'hôpital n'a malheureusement pas pu faire face à la crise sanitaire : il n'en avait plus les moyens.

Tout le monde le sait, année après année, les budgets dévolus aux dépenses d'assurance maladie votés par le Parlement sont toujours contraints et toujours en dessous des besoins de la population. Les lois relatives à la santé n'ont eu de cesse de diminuer l'offre de soins publique. Or c'est incontestablement le secteur sanitaire public qui a fait face à l'épidémie.

Par ailleurs, nous avons pu constater pendant la crise une accélération des atteintes aux droits des salariés. Avec les plans blanc et bleu, nous avons vu des horaires de travail dérogatoires, des affectations imposées au personnel, des repos supprimés ou imposés, voire une augmentation significative des situations de dépassement d'actes professionnels.

Aujourd'hui, une forme d'opportunisme est constatée dans plusieurs endroits, tendant à pérenniser ces dérogations décidées dans des circonstances exceptionnelles. Dans le cadre du Ségur de la santé, plusieurs propositions du ministère vont dans ce sens : contractualisation des quotas d'heures supplémentaires, demandes aux personnels déjà en sous-effectif de se remplacer mutuellement, instauration de rémunérations variables, notamment en lien avec un entretien d'évaluation professionnelle. Ce ne sont pas là les promesses gouvernementales entendues pendant la crise. Les personnels avaient cru comprendre que leurs salaires seraient augmentés, pas que leurs droits seraient attaqués.

Il nous semble difficile de dire que la crise est terminée, que nous sommes dans l'après-crise, tant la situation est actuellement critique dans nos établissements. On peut même dire que la crise sanitaire perdure en France. Les centaines de milliers de patients dont les opérations chirurgicales, le suivi ou les consultations ont été annulées ou reportées, affluent désormais dans les services. Or les lits manquent toujours, les personnels sont épuisés mais restent en sous-effectif.

La dangerosité et la pénibilité de nos métiers ne sont plus à démontrer. Nous avons payé un lourd tribut par l'exposition au virus sans protections suffisantes. Pourtant, il semble que la reconnaissance comme maladie professionnelle soit réservée à ceux de nos collègues qui ont développé des formes graves de la maladie. Cette décision est vécue comme une profonde injustice, comme l'est celle de verser aux personnels une prime exceptionnelle différente selon les départements ou les établissements.

En juin, la fédération CGT a mené une nouvelle enquête, sur la situation dans notre secteur après le déconfinement. À la question : « Des salariés de votre établissement ont-ils démissionné ou ont-ils l'intention de changer de profession à la suite de la crise sanitaire ? », 37 % de nos syndicats ont répondu par l'affirmative. Nous ne le supposions pas. L'attente d'une amélioration des conditions de travail des salariés de notre champ est donc immense.

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