Intervention de Clotilde Cornière

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Clotilde Cornière, secrétaire nationale de la CFDT santé sociaux :

La fédération santé sociaux représente les acteurs à la fois du public et du privé.

En matière de gestion de la crise, nous avons pu constater que le Premier ministre et le ministère n'avaient pas de capteur pour saisir ce qui se passait sur le terrain. Bon nombre des agences régionales de santé (ARS) ont été incapables de remonter les informations sur les situations locales, transmettant parfois des informations contradictoires. Certaines équipes ne recevaient pas de réponse à leurs sollicitations s'agissant notamment des autorisations spéciales d'absence, du confinement ou des heures supplémentaires. Devant les informations contradictoires émanant des ARS et des directions des établissements, donnant parfois lieu à des interprétations différentes, il a fallu que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) publie des foires aux questions pour réguler les informations.

Les ARS se sont focalisées sur les hôpitaux, sans prendre en compte le secteur social et médico-social, ni tenir compte de leurs spécificités concernant les équipements professionnels individuels. On ne peut que constater une absence de vision des stocks ainsi qu'un déficit d'équipement criant pour les services techniques, ainsi qu'une discrimination entre les structures hospitalières et les autres. Par exemple, dans la branche de l'aide à domicile, les personnels n'avaient pas de masque, par manque de reconnaissance et méconnaissance de leur profession. Quant aux équipes du secteur médico-social, elles étaient seules, avec le confinement pour unique recours. Celui-ci a été le révélateur de l'incompétence des directions.

Un déficit des stocks de médicaments et de matériels a également été constaté. Pour répondre aux besoins, les hospitaliers ainsi que les entreprises ont parfois dû faire preuve d'ingéniosité. Je pense, entre autres, aux respirateurs.

Par ailleurs, les ARS n'ont pas organisé de réunion de tous les acteurs lors de l'annonce du confinement. Aucune implication des conseils départementaux n'a été constatée pour les secteurs social et médico-social, alors qu'ils relèvent de leur compétence.

Dans les établissements, si le système ne s'est pas grippé, c'est grâce au professionnalisme des salariés. Là où il y a eu du dialogue social et où les directions ont laissé de l'autonomie aux équipes, celles-ci ont su s'organiser.

Nous avons souligné le lien important que nous avons pu maintenir avec la DGOS. Lorsqu'elle a tenu compte des remontées du terrain, elle a su apporter des réponses et fluidifier les relations entre les organisations syndicales, les agents et les directions. Concrètement, sur le terrain, le dialogue social a manqué.

La crise sanitaire a démontré la capacité d'engagement des personnels. Lorsqu'il n'y avait pas d'information ni de dialogue social, le stress et la peur ont été importants. Bien sûr, la situation a varié selon l'ampleur de la pandémie dans les régions.

La crise a mis en avant l'importance de l'hôpital public et sa capacité à s'adapter rapidement à une situation de crise alors qu'il a été mis à mal depuis de nombreuses années, subissant coupe budgétaire après coupe budgétaire. Ses professionnels, pourtant présents dans la rue depuis plusieurs mois, n'étaient pas entendus.

La crise sanitaire a aussi révélé l'importance de la filière soin, notamment son premier niveau, les agents des services hospitaliers (ASH), personnels responsables de l'hygiène hospitalière. Dans l'hôpital de Colmar, qui avait fait le choix d'externaliser cette compétence, le personnel privé a refusé de venir travailler, mettant en difficulté la structure.

Cette crise a également montré à la société que des métiers essentiels, majoritairement exercés par des femmes, étaient relégués au plus bas de l'échelle des rémunérations et des qualifications. Il est temps aujourd'hui que ces compétences induites soient reconnues comme un indicateur de richesse.

Concernant le personnel, une déréglementation importante du temps de travail dans le sanitaire est intervenue avec la mise en place des 12 heures travaillées, et du confinement dans les EHPAD. Ce confinement a posé plusieurs difficultés au regard du temps de travail, de la rémunération et de l'hygiène – comment des personnels peuvent-ils accepter de dormir à même le sol ? Il a eu aussi des conséquences sur les collectifs de travail, puisque tout le monde n'était pas volontaire.

L'engagement a également des implications extraprofessionnelles. Être professionnel, c'est aussi savoir prendre du temps et du repos. Quelles seront les conséquences sur les collectifs de travail ainsi que sur la vie personnelle des agents ? Aujourd'hui, certains personnels disent ne plus vouloir exercer leur métier. Ils verbalisent un sentiment contradictoire de fierté et de « plus jamais ça ».

Nous constatons aussi une perte de confiance des professionnels dans le système, et la peur que les politiques ne tirent pas de leçons de la crise. Les professionnels ne font plus confiance à leurs dirigeants et à la gouvernance. Les annonces faites pendant la crise, s'agissant notamment de la prime covid-19 et de la reconnaissance comme maladie professionnelle, ne se sont en effet pas traduites dans les faits.

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