Intervention de Olivier Youinou

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Olivier Youinou, co-secrétaire du syndicat SUD santé solidaires de l'AP-HP :

Outre la différenciation géographique, la prime covid est assortie d'un critère calendaire : il faut avoir travaillé trente jours du 1er mars au 30 avril. Il y a pourtant encore aujourd'hui des patients atteints du covid-19 et des renforts maintenus en Île-de-France, notamment en hôpital gériatrique, parce que les besoins y sont énormes et qu'il y a encore des clusters dans ces établissements-là. Ce calendrier, qui ne tient pas compte de la réalité épidémiologique, n'est donc pas acceptable, et d'autant moins qu'il est appliqué de façon disparate sur le territoire. Martin Hirsch n'a pas attendu la publication du décret d'application pour la distribuer à ses agents, posant de fait la question de l'équité sur l'ensemble du territoire. Avec la crise, ils ne doivent plus être très nombreux ceux qui méconnaissent la situation des soignants, et notamment leur non-reconnaissance.

Pour ce qui est du tri, je peux vous citer deux cas de projets personnalisés de patients qui ont été pris en charge par l'HAD de l'AP-HP. Le premier concerne un patient de 64 ans résidant en EHPAD, souffrant d'une démence sévère compliquée d'une probable infection à covid-19. Pris en charge par l'HAD depuis le 1er avril 2020 pour le soulagement des symptômes d'inconfort dans un cadre palliatif, il présente des comorbidités : hypertension artérielle, hémorragie cérébrale, épilepsie, dépression chronique. Il n'a aucune allergie médicamenteuse connue et est dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne. Objectif de la prise en charge HAD continue : traitement des symptômes d'inconfort dans un cadre palliatif ; fin de vie en EHPAD. Le second cas concerne un patient de 90 ans résidant en EHPAD, souffrant de troubles cognitifs sévères, compliqués depuis plusieurs jours de détresse respiratoire en rapport probable avec une infection à covid-19. Il est pris en charge par l'HAD depuis le 1er avril 2020 pour le soulagement des symptômes d'inconfort dans un cadre palliatif. Ses facteurs de comorbidités sont les suivants : AVC ischémique, démence vasculaire, embolie pulmonaire bilatérale. Voilà comment le diagnostic est posé ! Le tableau clinique est envoyé, la plupart du temps, par téléphone au médecin de l'HAD qui dépêche une équipe covid palliatif pour mettre en place le protocole de prise en charge à coup de rivotril.

Quant à la situation des personnels soignants et à leur état post-traumatique, le moral est à zéro. Les collègues sont particulièrement fatigués après ce qu'ils viennent de traverser, et le Ségur de la santé ne répond pas du tout à ce qu'ils attendaient, ni aux promesses d'Emmanuel Macron qui avait pourtant dit, pendant la crise : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies – au lendemain de la crise, on le voit plutôt aller plus avant encore dans ce modèle-là. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »

De son discours de Mulhouse du 25 mars – « L'engagement que je prends ce soir pour eux et pour la nation toute entière c'est qu'à l'issue de cette crise un plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. » –, sont sortis 35 euros pour les hospitaliers et 80 euros pour les soignants : voilà ce qu'est pour lui une revalorisation des carrières !

Ces propos sont vécus comme un mensonge, un non-engagement devant la nation et devant les soignants. S'il y avait une deuxième vague, l'engagement des soignants serait à l'évidence moins fort parce qu'ils ne sont toujours pas reconnus et que ce qui leur est proposé n'est pas à la hauteur de leurs attentes. Ce qu'ils attendent est mérité ce qui est partagé, je crois, par l'ensemble de la population.

L'ONDAM est aussi significatif de ce qui se passe. Pour ce qui est de l'AP-HP, l'année 2016 s'est terminée à l'équilibre. En 2017, notre activité a augmenté de 2,5 % et on a fini l'année avec un déficit de 200 millions. Voilà la spirale dans laquelle on se trouve, qui a justifié une première décision modificative du budget prévisionnel tendant à maîtriser la masse salariale, puis une deuxième prévoyant le gel de la masse salariale. Pour une institution comme l'Assistance publique, cela représente la suppression de 1 000 postes dont nous aurions eu grand besoin pendant la crise. Les 7 500 renforts que l'on a reçus en sont l'illustration même. Si nous traversons aussi bien cette crise, c'est parce que le covid-19 ne s'est pas épandu sur le territoire de façon homogène, et grâce aux renforts venus de province soutenir les régions les plus touchées. Qui peut prédire que le prochain virus se comportera de la même façon. Personne !

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