Intervention de Marie-Sophie Desaulle

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privée non lucratif (FEHAP) :

La FEHAP compte 4 800 adhérents et 280 000 professionnels sur l'ensemble du territoire. Elle propose des services sanitaires, des services sociaux et médicosociaux qui accueillent des personnes âgées et des personnes handicapées.

Nous avons tiré plusieurs enseignements de la crise.

Le premier constat est celui d'une mobilisation sans précédent de l'ensemble du système de santé, public comme privé, ambulatoire comme hospitalier, sanitaire comme médicosocial et social. Montrer que c'est l'ensemble du système qui a été sous tension, et non un seul acteur, est essentiel. Cela s'est fait avec l'appui de la société civile, qui s'est fortement engagée pour prendre ses responsabilités et mener des initiatives fondées sur le volontariat et des solidarités multiples. Le secteur privé solidaire a été très mobilisé, mais insuffisamment considéré.

La crise a débuté dans le Grand Est où le secteur privé a été sollicité avec retard. Alors que l'on effectuait des évacuations militaires de patients à Toulouse, des lits de réanimation demeuraient libres à Mulhouse et à Strasbourg. Mais disons‑le aussi, dès lors que nous l'avons signalé à la direction générale de l'offre de soins (DGOS), la situation a été corrigée et, dès le lendemain, nous étions sollicités. L'expérience de la région Grand Est a permis d'anticiper la situation en Île‑de‑France, et c'est ainsi que la régulation de l'occupation des lits de réanimation s'y est réalisée dans de bien meilleures conditions.

Je dis que le secteur privé a été insuffisamment considéré, car la première circulaire a été fléchée préférentiellement vers le public, ne prenant pas en compte de façon équitable les moyens financiers à répartir entre public et privé. Nous avons vécu un feuilleton autour de l'obtention de la prime covid qui nous avait été promise, sans compter le décalage entre le moment où l'annonce a été faite au secteur public et celui où elle l'a été au secteur privé, ce qui a été très mal vécu par nos professionnels. Je rappelle que la question n'est toujours pas réglée, notamment pour les professionnels travaillant au domicile des personnes, puisque le versement de la prime relève de la décision des départements.

Le secteur sanitaire a été immédiatement mobilisé, contrairement au secteur médicosocial qui n'a été pris en compte qu'avec retard. La focale a été centrée sur les services d'urgence et de réanimation, sur la logique des soignants, sur l'organisation hospitalière, rejoignant une grande tradition de notre pays, très hospitalo-centré. Les EPI ont bénéficié prioritairement au secteur sanitaire. La réserve sanitaire a très peu bénéficié au secteur médicosocial, qui connaissait également des besoins. Quant aux soins à domicile et au social, ils ont été les grands oubliés de la crise. C'est ainsi que des professionnels ont continué à travailler sans que leurs difficultés spécifiques ne soient reconnues ni qu'ils soient protégés de façon adaptée.

S'agissant du pilotage par les autorités, nous relevons en premier lieu la très bonne association des fédérations. Des logiques de reporting et de circuits courts ont été instaurées avec le ministère. Sur le plan régional, les ARS ont à l'évidence joué un rôle de pilotage. En revanche, le relais territorial dans les départements s'est sans doute révélé plus fragile ; c'est la raison pour laquelle des décrochages ont pu se produire entre la dynamique régionale et la dynamique départementale. Le niveau d'investissement a été très différent. Tous ne se sont pas mobilisés dans les secteurs de leurs compétences.

En matière de pilotage, les instructions et les réglementations sont essentielles. Il y en a eu de différents ministères, et, comme souvent, un peu trop. C'est ainsi que les acteurs sur le terrain ont eu du mal à déterminer l'urgence des points auxquels porter attention. Par ailleurs, reposant sur des logiques différentes, certaines réponses fournies par le ministère du travail et celui de la santé ont suscité des difficultés. Je pense à la responsabilité des employeurs, à la sécurité au travail des salariés ou encore à la reconnaissance de maladies professionnelles.

Je retiens, pour conclure, un point positif et un regret.

Le point positif a résidé dans le changement de méthode de l'État vis-à-vis des acteurs de santé. L'application des procédures habituelles – la logique des autorisations, des visites de conformité, etc. – a fait place à la réactivité des opérateurs et à la confiance faite aux acteurs. Lorsque les ministères ont eu besoin de mille lits de réanimation supplémentaires, ils nous ont demandé de réfléchir à une solution en nous assurant de leur accompagnement. Nous avons trouvé ce changement de posture très intéressant et nous souhaiterions qu'il perdure.

Le regret est celui de la démocratie sanitaire qui a été laissée en retrait. Ni au niveau national ni au niveau régional, l'avis des associations d'usager n'a été pris en compte. Des instances existent pourtant. Par ailleurs, les lieux de soins ont été priorisés au détriment des lieux de vie, notamment des personnes les plus fragiles. Un autre mode de raisonnement aurait pu être retenu que celui de prioriser le soin « expert » au détriment de la prise en compte globale de la personne en fonction de ses besoins physiques et psychiques, de ses fragilités et de son environnement de vie. Peut-être a-t-on paré au plus urgent, mais procédant ainsi, sans doute a-t-on obéré la vision globale de ce qui était nécessaire aux personnes elles-mêmes.

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