À elles seules, les questions relatives aux numéros d'appel et à la plateforme commune mériteraient presque deux heures de discussion, mais je vais m'efforcer d'être concis. D'abord, la mise en place de plateformes communes n'induit pas la disparition du numéro d'appel et des modes de fonctionnement de chacune. Ensuite, une étude que nous avons fait réaliser par une société indépendante a montré qu'il n'y avait aucun modèle reproductible : si les plateformes sont toutes nées de la bonne entente entre deux services publics qui ont décidé un jour de se mettre en commun pour faire avancer les choses, elles fonctionnent toutes selon des modalités différentes.
L'un des exemples souvent cités est celui de la plateforme de Tours où, quel que soit le numéro composé par les appelants, le décrocher se faisait soit par un sapeur-pompier, soit par un assistant de régulation médicale, de façon aléatoire : deux problèmes médico-légaux importants étant survenus, la préfète du département a ordonné de mettre fin immédiatement à ce mode de fonctionnement. Il est arrivé que les deux structures occupent chacune la moitié d'une salle commune – d'un côté le SAMU, de l'autre les sapeurs-pompiers – et se regardent en chiens de faïence. Dans certains cas, il n'était même pas possible de passer un appel direct d'une structure à l'autre alors que celles-ci occupaient le même bâtiment, les dispositifs de téléphonie n'étant pas compatibles : il fallait alors passer par un réseau commuté extérieur. Cela dit, la coopération est essentielle, et nous avons des liens extrêmement forts avec les sapeurs-pompiers et la police : nous travaillons au quotidien avec eux et cela ne pose aucun problème.
Si 80 % de l'activité des SAMU se fait sans les sapeurs-pompiers, 80 % de l'activité des sapeurs-pompiers se fait en relation avec les SAMU, dans le cadre de ce qu'ils appellent le secours d'urgence aux personnes (SUAP). Il y a là d'énormes différences en termes de flux d'activité, justifiant que chacun conserve sa propre structure. Par ailleurs, il est très important pour nous de rester un service hospitalier, une structure située dans l'hôpital, parce que cela nous permet une meilleure réactivité. Dans les services d'urgence, il n'y a aucun docteur qui ne fasse rien : chacun d'eux est soit au SMUR, soit aux urgences, soit en régulation médicale. Si le flux d'appels en régulation médicale s'intensifie, ceux qui sont au SMUR ou aux urgences viennent immédiatement en renfort. Nous avons besoin de cette agilité, qui n'est pas seulement nécessaire pour répondre aux appels téléphoniques : il peut s'agir de gérer une intervention extrêmement compliquée, avec deux équipes et un hélicoptère, ce qui exige que chacune des structures soit en mesure de venir renforcer les autres de façon extrêmement rapide.
En résumé, ce n'est pas parce que deux services doivent travailler ensemble qu'ils doivent forcément le faire dans la même salle. En cas de crise, y compris lorsqu'il s'agit d'une catastrophe naturelle, tout se gère autour du préfet, au niveau duquel se trouve le centre de commandement. La notion même de crise ne justifie pas que tous les acteurs de la gestion de crise se trouvent dans la même salle – mais cela ne l'exclut pas non plus, bien sûr, et cela n'empêche pas que les choses se passent très bien de cette manière.
Pour conclure sur ce point, je vais vous donner un dernier exemple, celui de Clermont-Ferrand, où se trouve le premier centre commun 15-18, installé dans les bâtiments du CHU en 1990. Le responsable du SAMU et le directeur du SDIS de l'époque, qui s'entendaient très bien, ont créé avec le médecin-chef des pompiers une salle commune de prise en charge des appels. Au bout de quelques années, la salle a été séparée en deux au moyen d'une cloison mobile, qui a ensuite été remplacée par une cloison vitrée ; aujourd'hui, la salle est divisée en deux par un mur. Les individus changent et des problèmes peuvent naître à l'épreuve du quotidien, qui empêchent parfois une cellule commune de fonctionner correctement. Pour notre part, en tant que service public hospitalier, nous avons pour objectif de mettre en place des organismes qui résistent au changement des individus.
J'estime donc préférable que les deux plateformes constituent deux entités distinctes, tout en étant parfaitement interconnectées. Je redis l'importance d'avoir un numéro « santé » d'un côté, un numéro « sécurité-secours » de l'autre, ne serait-ce qu'en raison du fait que les deux services correspondants ont à gérer des cas différents, nécessitant d'être traités de façon différente – ce que confirment un rapport parlementaire et un autre de la Cour des comptes. En revanche, l'interconnexion est nécessaire et, dans le cadre du projet de SAS, nous prévoyons un dispositif inédit, consistant à permettre aux sapeurs-pompiers d'accéder directement au médecin régulateur. Aujourd'hui, quand un appel pour un problème de santé urgent arrive au 18, les pompiers le transfèrent à l'assistant de régulation médicale, qui le transfère à son tour au médecin régulateur. Avec le SAS, nous voulons aller plus vite en permettant, dans certains cas bien précis – figurant à l'annexe 1 de la circulaire relative au secours d'urgence aux personnes –, de passer directement l'appel au médecin régulateur.
Au demeurant, il n'existe pas d'élément unique, fort et reproductible qui justifie que les différents services de secours travaillent au même endroit, a fortiori quand ce n'est pas à l'hôpital.