Intervention de François Braun

Réunion du mercredi 15 juillet 2020 à 11h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Braun :

Je pense que c'est une vieille lune, une idée dépassée. Nous sommes persuadés qu'il ne faut pas demander à nos concitoyens de déterminer si ce qui leur arrive est urgent ou pas : le faire, c'est le meilleur moyen d'avoir des problèmes ! Quand on a deux numéros différents, le traitement de niveau 1 n'est pas le même pour chaque numéro. Sur un numéro dédié à la permanence des soins – il en existe déjà –, les délais d'attente ne sont plus un problème, puisqu'on considère a priori que les gens n'appellent pas pour un problème urgent. Mettre en place deux numéros d'appel différents est donc une fausse bonne idée. Une personne victime d'un infarctus qui s'égarerait sur un numéro de permanence des soins où, par définition, la rapidité et la qualité de réponse sont moindres, ne serait pas prise en charge comme l'exige son état. Pour moi, il est vraiment essentiel d'effectuer un tri initial entre ce qui est grave et ce qui ne l'est pas, entre médecine générale et aide médicale urgente.

Il s'agit là d'un sujet très important, sur lequel nous réfléchissons beaucoup avec nos collègues généralistes. En Moselle, nous fonctionnons en symbiose totale avec la médecine générale : depuis 1992, des généralistes sont présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre au centre 15. Cependant, nous ne traitons pas les appels de la même façon. Nos collègues généralistes traitent les appels en recherchant des signes de gravité lors d'un appel, ce qui correspond à ce qu'ils font quotidiennement dans leur cabinet ; nous, les urgentistes, nous cherchons des signes de non-gravité, ce qui correspond également à notre exercice quotidien. Par exemple, pour un urgentiste, la douleur thoracique est d'abord le signe d'une embolie pulmonaire ou d'un infarctus du myocarde, et il va ensuite chercher des éléments susceptibles de démentir cette première orientation ; à l'inverse, un généraliste va partir du principe qu'il est en présence de quelque chose de bénin, et rechercher ensuite des éléments pouvant être le signe d'un état grave. Paradoxalement, c'est le fait d'avoir deux approches différentes qui justifie d'avoir deux branches de prise en charge différentes.

Nous entendons le discours de certains représentants de la médecine générale qui estiment ne pas être bien traités dans les centres de régulation actuels. Il est vrai que ce n'est pas toujours le grand amour entre les différents professionnels, et c'est bien pour cela que le SAS nous paraît essentiel et que nous travaillons sur le projet d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) de moyens, avec une vraie gouvernance partagée. Ce qui est essentiel, c'est que nos concitoyens disposent d'un accès par un numéro unique, les appels étant ensuite répartis entre différentes filières. Nous avons évoqué celle de la médecine générale, mais il faudrait aussi parler de celles de la toxicologie clinique, de la psychiatrie ou encore de la filière médico-sociale, qui constitue une composante aujourd'hui essentielle des appels d'urgence.

Nombre de nos collègues de terrain ont bien compris ce principe et sont conscients de la nécessité d'une collaboration entre les services d'urgence et la médecine générale. Nous avons là une occasion unique de réparer la fracture entre la ville et l'hôpital, en faisant en sorte que les uns et les autres travaillent côte à côte, dans l'objectif d'une prise en charge des patients dans le cadre d'un meilleur parcours de soins, qui permettra aussi de diminuer la charge pesant sur l'hôpital.

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