Le développement de la télémédecine durant la crise est né d'une ambiguïté. Comme il a été demandé aux patients de ne plus aller dans les cabinets médicaux, il y a eu un déficit de contacts et les outils numériques étant déjà en place, nous avons nous‑mêmes, comme le Gouvernement et d'autres acteurs, validé des dispositifs permettant de développer la télémédecine – nous avons beaucoup travaillé en ce sens avec le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). Mais il s'est agi d'une télémédecine de crise, assortie de moyens d'action et de conditions de prise en charge de caractère exceptionnel.
Que constatons-nous aujourd'hui ?
Si beaucoup de patients se sont approprié cet outil – et même certains pour lesquels l'accès à de tels dispositifs semblait peu probable –, la fracture numérique perdure : une grande partie de la population est restée à l'écart de ce mouvement. Nous avons été confrontés à un foisonnement d'initiatives lancées par des opérateurs dans des conditions qui nous ont interpellés, qu'il s'agisse du traitement des données médicales ou des modalités d'information des patients. Il faudra donc très vite s'interroger sur sa régulation – et la représentation nationale aura un rôle à y jouer. Le développement de la télémédecine ne saurait conduire à l'exclusion de certaines populations ou à une asymétrie de droits entre opérateurs et patients. Nous avons la conviction que ces dispositifs ont désormais une place à part entière dans le panel des outils à disposition du système de santé. La responsabilité de les rendre accessibles sur l'ensemble du territoire n'en est que plus grande.
Nous avons coutume de dire que le ministère de la santé est un bunker. Les directions générales ont un poids tel que très souvent, lorsque nous sommes en discussion avec un ministre, des membres de son cabinet ou des conseillers techniques, nous sentons qu'il manque des interlocuteurs dans la salle. Il y a besoin d'une reprise en main opérationnelle par le politique, d'autant que ce fonctionnement se retrouve dans les agences régionales de santé (ARS) auxquelles l'institution ordinale accède tout aussi difficilement. Un cabinet à l'autorité très forte doit s'imposer face à ces services. Je ne mets pas en cause les fonctionnaires qui se sont engagés de façon extraordinaire dans la crise mais la structure même du ministère de la santé, caricaturale même par rapport à celle d'autres ministères. C'est une condition nécessaire si nous ne voulons pas perdre face à la deuxième phase épidémique. Pensez que les professionnels n'ont été associés à aucune réunion consacrée à la conjonction des deux épidémies alors que ce sont eux les acteurs de la prise en charge.