Intervention de Patrick Pelloux

Réunion du mardi 28 juillet 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) :

Grâce au travail de l'ARS d'Île-de-France, nous disposons des chiffres décrivant la situation de l'épidémie hier. Aucune région ne connaît la même situation actuellement et nul ne peut prédire l'évolution de la pandémie. Cependant, les systèmes mathématiques ne se trompent pas trop, notamment celui de l'INSERM, qui réalise des prédictions très précises. Le virus vient de l'est et se déplace vers l'ouest, et nous détectons des foyers – arrêtons d'employer le terme de cluster à ce sujet !

Hier, en Île-de-France, 233 appels ont été reçus pour suspicion de covid‑19, soit une baisse de 24 %, tandis que le nombre global d'appels au SAMU baissait de 5 %. Il y a eu 32 transports pour covid-19 en région Île-de-France, sur 13 millions d'habitants. Il ne faut cependant pas prendre peur. Nous sommes obligés d'informer la population, et notre éthique nous pousse à intervenir dans les médias pour faire passer les messages de prévention.

Les critères de prise en charge des personnes âgées correspondent à la recommandation régionale émise pour l'Île-de-France le 19 mars. Je l'ai apportée, j'imagine qu'Aurélien Rousseau vous l'a déjà remise, elle ne comprend pas de critère d'âge. Il est vrai que de petites tensions sont apparues ensuite dans des hôpitaux, et que certains ont instauré des critères d'âge, mais ils ont vite été neutralisés par des confrères et par les directions des hôpitaux.

L'effondrement du nombre de cas en traumatologie s'explique par le confinement : il n'y avait plus d'accidents de vélo, de trottinette ou de roller, à l'exception de quelques accidents domestiques.

Concernant le lien avec la médecine de ville, il faut maintenir celles qui a été faite. Les ARS doivent être les maisons des professionnels de santé, pas uniquement des médecins.

L'expérience de médicalisation des EHPAD menée à Amiens est juste. La structure du SAMU prend tout son sens : un travail entre les EHPAD et les équipes a permis de former le personnel aux gestes qui sauvent et aux critères de gravité, comme préconisé par le rapport au CESE. Quand le personnel des EHPAD appelle le SAMU, la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la saturation, la température, le taux de sucre ou d'hémoglobine ont déjà été pris. Cela permet d'éviter aux personnes âgées d'aller aux urgences lorsqu'elles sont saturées, notamment les samedis soir quand il y a beaucoup d'états d'ébriété. L'intérêt est d'améliorer la qualité des soins, pas d'éviter aux patients d'aller aux urgences. Ces dernières sont la solution, pas le problème.

S'agissant des moyens de prise en charge et de la réanimation médicale, il faut permettre à plus de professions de renforcer les autres. Or la structuration des spécialités de médecine se fait en silo. La médecine d'urgence est devenue une spécialité, et nous ne pouvons plus revenir à la médecine générale, pas plus que les médecins généralistes ne peuvent devenir urgentistes. C'est une erreur : nous sommes en train de créer notre propre pénurie de médecins urgentistes. Les règles encadrant les spécialités sont trop rigides. Je ne suis pas réanimateur médical, mais j'ai été très heureux d'aller aider ces services en fonction de mes connaissances et de mes compétences. C'est la même logique qui nous conduit à demander la réforme de la loi de 1958 sur les CHU : des médecins travaillant dans d'autres établissements participant au service public hospitalier doivent pouvoir exercer des missions universitaires.

Face à la crise sociale et économique qui arrive, nous devons être responsables. La modernité est dans la coopération entre les systèmes, afin de définir qui fait quoi, au bon moment, dans l'intérêt du malade et de la santé publique. Assister plus encore la population serait une erreur : il faut rendre les gens responsables de leur parcours de soins. C'est ce que le législateur a instauré avec la loi Juppé qui crée le médecin traitant, puis la loi Touraine avec le parcours de soins. On ne peut pas donner aux gens un numéro de téléphone et leur dire que nous allons nous occuper de tout. Il faut ouvrir un débat avec les sapeurs-pompiers, il n'y a aucune raison de mener une guerre entre les « blancs » et les « rouges ».

M. Maury a évoqué l'effort considérable mené par le Quai d'Orsay pour rapatrier les malades atteints du covid-19. Au sein du SAMU de Paris, je m'occupe des rapatriements des Français organisés par la cellule de crise du Quai d'Orsay. La prise en charge varie beaucoup selon les pays, et nous prenons soin des Français atteints du covid-19 hors du pays.

À propos des transports régionaux, je voudrais citer trois personnes qui ont inventé ce concept : le Dr Jean-Sébastien Marx ; le Dr Christelle Dagron et du Dr Lionel Lamhaut. Ils travaillent au SAMU de Paris et ont réalisé l'exploit technique et logistique que constituent ces trains. Ce transport de malades stables a servi de soupape. Il convient également de remercier les pays frontaliers, comme la Belgique et l'Allemagne, de nous avoir aidés.

Nous n'avons pas à rougir de la qualité du débat scientifique en France par rapport aux États-Unis – je laisse de côté la question de la chloroquine. Il est important de reconnaître l'importance des sociétés savantes et de leur donner des statuts et une économie leur permettant de ne pas être systématiquement liés à des lobbies, tels que l'industrie pharmaceutique. Nous devons développer notre rayonnement international : l'expérience en France et en Europe sert le savoir de l'humanité.

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