Pour répondre à votre question, monsieur Gaultier, je vous livrerai un témoignage. À Paris, suivant la politique du chef de service, nous n'avons pas travaillé avec les pompiers, et n'avons eu aucun contact avec eux. Il y avait pourtant eu des tentatives : en 2008, avec la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), la direction de la sécurité civile (DSC) et la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), en lien avec les syndicats de pompiers professionnels, les organisations d'urgentistes avaient essayé de trouver une méthode pour travailler ensemble. C'est d'ailleurs une réunion de ce groupe de travail qui m'a sauvé la vie le 7 janvier 2015, jour de l'attentat contre Charlie Hebdo.
Depuis lors, tout est à recommencer. Je ne suis pas contre la modernisation du SAMU évoquée par Agnès Ricard-Hibon ; il faudrait toutefois savoir où l'on va. On ne pourra jamais se passer des sapeurs-pompiers en France. Regardez-moi : porter un brancard m'est difficile. La réalité, c'est que nous avons besoin de jeunes, sportifs et entraînés, pour nous aider à brancarder. Parmi les missions régaliennes de l'État figure l'extinction de grands incendies tels ceux de Notre-Dame de Paris ou de la cathédrale de Nantes ; jamais vous ne pourrez demander au SAMU de s'équiper de grandes échelles. Un travail de coopération est donc nécessaire. Or, on nous a sans cesse mis des bâtons dans les roues, en demandant par exemple le remboursement des carences ambulancières des pompiers.
Tout est conflictuel dans ce système, et chaque personne autour de la table a de bonnes raisons d'être en conflit avec les autres. J'ai interpellé le ministre de la santé et l'ancien ministre de l'intérieur Christophe Castaner sur cette situation, dans laquelle les gens ne se parlent plus. Je suis convaincu que la modernité est dans la coopération. Sur le terrain, l'ambiance est courtoise, polie, fraternelle. Étant de garde la nuit dernière, je suis intervenu trois fois avec les sapeurs-pompiers, et tout s'est très bien passé, dans l'intérêt des malades. C'est cette fraternité qu'il faut retrouver au niveau des directions. À défaut, le coût sera exorbitant. Créer de nouveaux standards, payer des téléphones, du personnel, installer des systèmes informatiques. Les systèmes ne sont d'ailleurs déjà pas en lien les uns avec les autres, et chaque région a son propre mode de fonctionnement. C'est à s'y perdre !