Nous n'avons jamais eu connaissance d'interdictions faites par les ARS de communiquer les chiffres des décès et des cas. Cacher de telles informations aux familles et au grand public aurait été, pour nous, inacceptable et nous aurions alerté le plus haut niveau de l'État. Nous avons disposé de chiffres relativement tôt pour les établissements et nous avons insisté sur le fait qu'il fallait les diffuser rapidement pour ce qui concerne les services à domicile.
Beaucoup d'établissements se sont vu reprocher de ne pas donner en temps réel les chiffres des décès, des cas et même le nom des personnes concernées. En dehors du fait que la réglementation impose le respect du secret médical, les directeurs et professionnels n'ont pas à passer leur temps à communiquer des statistiques. En revanche, il est de leur devoir d'informer chaque jour les familles de l'état de santé de leurs proches. Leur rôle est de canaliser le stress et non de prendre part à une surenchère morbide. Notre association a conseillé aux directeurs d'être le plus transparents possible sur l'état des proches, de répondre toujours au téléphone et de faire un point régulier sur la situation de leur établissement, dans un rôle d'apaisement. Je vous invite à participer à notre congrès des âges et du vieillissement, les 28 et 29 septembre prochains. Un des séminaires y sera consacré aux témoignages des personnes âgées, pour mieux comprendre la façon dont elles ont vécu la crise et le battage qu'en ont fait les médias à coup de chiffres non traités.
Pour les services d'aide à domicile, nous avons bien vu que la doctrine d'abord appliquée n'était pas la bonne. Toutes les structures nous ont informés que les professionnels ne parvenaient pas à obtenir de masques dans les officines de ville. Nous avons alerté les pouvoirs publics, qui ont mis une à deux semaines à corriger cette situation. Pendant quasiment un mois, les services d'aide à domicile n'ont donc pas été équipés de masques, notamment au plus fort de l'épidémie. Il doit y avoir un même circuit pour les EHPAD et les services à domicile. Ce n'est pas parce que ces derniers ne sont ni autorisés ni financés par les ARS qu'ils doivent être mis de côté. En situation de crise, il faut être bien plus réactif. Il importe que le ministère prenne en compte toutes les formes d'accompagnement.
Que les EHPAD fassent l'objet d'un dénigrement particulier est, selon nous, une vue de l'esprit. Les Français se sont cependant très largement exprimés en faveur de l'aide à domicile, ce qui doit nous conduire à faire évoluer le modèle, sinon, personne ne voudra aller dans ces établissements. La presse relève les dysfonctionnements des EHPAD mais n'en trouve pas dans les résidences services, qui ont été créées par des sociétés commerciales pour répondre à une demande spécifique. Pour changer de modèle, nous proposons de faire des EHPAD des établissements moins institutionnalisés, moins contraints par les normes et les autorisations ; qu'ils passent sous le régime du code de la construction et de l'habitation, et qu'ils puissent délivrer des services à domicile comme le font les résidences services. Leur fonctionnement sera ainsi beaucoup plus souple, et les personnes âgées concernées, en n'ayant plus à signer un contrat de séjour, se sentiront moins « en institution ». Elles paieront un loyer, des charges de copropriété et d'autres liées aux services rendus en fonction de l'évolution de leur pathologie, et se sentiront enfin chez elles. Nous proposons que la loi permette aux gestionnaires d'EHPAD d'exercer un droit d'option pour passer à ce mode plus libre.
Nous n'avons pas constaté de différence notable entre les établissements publics et les établissements privés – de manière générale, il n'y en a pas. Le privé vient en complément de l'offre publique ; il dispose des mêmes financements de la part de l'assurance maladie et du département.
Il est arrivé un moment où les professionnels de ville n'ont plus pu se rendre dans les établissements, qui ont été fermés pour tous sans exception. Je serais incapable de dire si cela a contribué à augmenter la mortalité, mais il est certain que diverses prises en charge de soins en ont été retardées. Certaines personnes avaient besoin au quotidien de kinésithérapeutes ou d'ergothérapeutes venant de l'extérieur ; elles ont vraiment souffert de leur absence, d'autant qu'ils n'ont pas pu revenir dès la fin du confinement. Les EHPAD ont vécu en vase clos et ont été déconfinés près d'un mois après le reste de la population, alors que les personnes âgées vivant en résidence services seniors – donc également en collectivité, avec parfois des pathologies comparables à celles des résidents d'EHPAD – l'ont été en même temps que les autres Français. Cette situation n'est plus possible. C'est pour cela que nous avons formulé un référé-liberté, retiré lorsque le Gouvernement a enfin autorisé les résidents d'EHPAD à sortir de leur établissement pour circuler librement, comme tous les Français ; nous souhaitons qu'ils relèvent, eux aussi, du régime de droit commun.