Nous n'avons jamais été sollicités par Santé publique France – ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas eu de contacts avec les autorités de santé. Les rapports avec l'assurance maladie, en revanche, ont très bien fonctionné : c'est elle qui, du fait des conventions, assure la gestion quotidienne. Nous avons eu deux à trois réunions téléphoniques par semaine avec les services de l'assurance maladie ; ils essayaient de nous mettre en contact avec le reste de l'appareil d'État. Mais jamais Santé publique France n'est venue vers nous pour essayer d'organiser nos relations.
Cela me paraît tenir au fait, mais c'est une lecture personnelle, que l'outil était trop neuf, encore balbutiant. Santé publique France est né de la fusion de plusieurs agences, notamment l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ; il n'avait jamais eu l'occasion de se confronter au terrain, il n'avait pas l'expérience des crises. Il convient d'en tirer les conséquences. Je valide tout ce qui avait été dit pour justifier la création de Santé publique France, qui a permis de regrouper l'ensemble des agences, mais il faut que l'organisme se remette en question, qu'il prenne en considération, pour l'avenir, ce qui a dysfonctionné.
Nos grossistes répartiteurs et les établissements pharmaceutiques, quant à eux, ont réussi à établir une organisation, mais avec beaucoup de mal. Des livraisons arrivaient – il y en a eu dix-neuf –, mais on ne savait jamais quand elles avaient lieu ni ce qu'on allait recevoir. Nous ne connaissions le niveau de la dotation qu'à l'arrivée chez les grossistes, parce qu'ils comptaient ce qu'ils avaient reçu et nous en informait : tant de millions de masques, tant de FFP2, tant de masques pédiatriques, etc. Ce mode de fonctionnement ne saurait perdurer.
Pour répondre à votre seconde question, nous avons envoyé les gens chez les médecins. Nous avons essayé de maintenir le parcours de soins mais l'étude EPI-PHARE fait apparaître clairement une distinction entre, d'un côté, les nouveaux traitements et les changements de posologie et, de l'autre, la continuité des soins pour les patients stabilisés. C'est de ceux-là que nous nous sommes occupés, et la continuité des soins a été garantie. Par ailleurs, la semaine précédant le confinement, les officines ont observé un afflux de malades qui venaient faire des stocks pour affronter l'épidémie. Nous avons téléphoné à nos patients sous traitement, mis en place des systèmes de livraison pour s'assurer qu'ils le poursuivaient, et rendu compte aux médecins traitants. Le problème a concerné vraiment les nouveaux patients et les traitements d'urgence – vous avez certainement constaté l'écroulement des traitements par antibiotiques, notamment. Les deux points de vue sont donc exacts : les médecins libéraux ont raison, car il y a eu un problème d'accès aux soins pour toute une catégorie de patients, mais nous nous sommes occupés des patients stabilisés.