Le chiffre d'affaires des pharmacies d'officine a baissé de 15 à 20 % aux mois de mars et d'avril et de 5 % en mai, et il a continué à diminuer en juin. Je n'ai pas encore les chiffres de juillet mais si l'activité a connu une légère reprise, elle n'est pas revenue à la normale. Malheureusement, elle n'augmentera pas, les remboursements de médicaments par l'assurance maladie sont d'ailleurs encore en baisse.
S'agissant des masques, nous avions des consignes de l'État, c'est-à-dire du ministère de la santé, notre ministère de tutelle : nous n'avions pas le droit d'en donner ou d'en vendre aux consommateurs, y compris à des patients qui en demandaient, même s'ils étaient immunodéprimés. Puisque nous ne pouvions pas les écouler, nous avons prévenu nos fournisseurs : qu'ils n'aillent pas acheter des masques, puisque nous n'avions pas le droit d'en vendre… D'autant que le marché était totalement déstabilisé, avec des prix multipliés par vingt sur les sites de production, et un approvisionnement par avion, beaucoup plus cher que par la voie maritime. Nos fournisseurs nous sollicitaient, mais les consignes étaient très claires et certains pharmaciens avaient été rattrapés par la patrouille lors de la réquisition ; il était alors impossible de vendre le moindre masque. Il ne s'agissait absolument pas d'une consigne de l'ordre ou des syndicats, mais bien d'une directive du ministère de la santé. Nous ne savions pas que pendant ce temps, la grande distribution s'organisait non pour équiper ses personnels, mais pour acheter des masques en surplus afin de pouvoir les vendre. Cela s'apparente à un délit d'initié d'un mois ; en période de crise, c'est beaucoup. Si nous avions été prévenus que la doctrine allait changer pour que l'ensemble de la population soit équipé, dans la perspective du déconfinement qui aurait lieu le 11 mai, nous aurions pu nous organiser. Ce qui nous a gênés, ce n'est pas que la grande distribution participe à la mise à disposition de masques, c'est le fait que certains étaient informés et d'autres pas.