Intervention de Claire Landais

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 16h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Claire Landais, ancienne secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale :

. J'aurais pu ajouter qu'une des caractéristiques du SGDSN est d'être une interface entre le monde des services de renseignement et celui de l'administration classique disposant d'outils de réponse à certaines menaces. Par ailleurs, le SGDSN, du fait de son ADN, est orienté vers le monde de la défense et de la sécurité. Nombre d'agents qui le composent viennent du ministère des armées ou du ministère de l'intérieur. Cela ne veut pas dire que le SGDSN n'a pas pris conscience du fait que la sécurité nationale dépassait le champ de la défense ou de la sécurité intérieure, mais cet historique peut peser. Autant, s'agissant des menaces repérées par les services de renseignement, nous recevons parfois des alertes précoces et sommes à l'origine de la diffusion d'informations vers des administrations classiques, autant, dans le champ sanitaire, nous n'avons pas de détecteur avancé. Cela étant, comme la plupart des administrations, nous avons été alertés très tôt à travers les dispositifs mis en place par le ministère de la santé, c'est-à-dire en janvier, dès que les alertes, notamment celles de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sont devenues plus sérieuses.

La première réunion interministérielle à laquelle j'ai participé à Matignon s'est tenue le 26 janvier et, le 29 janvier, nous avons tenu au SGDSN une réunion avec les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité adjoints pour commencer à réfléchir à la continuité des activités gouvernementales.

Concernant la lutte contre les pandémies grippales, Louis Gautier a sans doute décrit les articulations et les objectifs des plans. Ils ont presque tous la même structure : la première partie vise à identifier des scénarios et des réponses génériques, c'est-à-dire des éléments de stratégie, et la seconde, plus détaillée, se présente sous la forme d'une collection de fiches émanant des ministères, rassemblées et ordonnancées par le SGDSN. Leur objectif est moins de déterminer une séquence de décisions bien ordonnées dans le temps – ce serait un peu vain – que de montrer le champ des possibles et d'offrir un éventail de solutions qu'il revient aux différents acteurs d'ordonner dans le temps et de séquencer – ce qui a été, de fait, tout l'objet de la gestion de la crise.

De plus, le plan pandémie grippale n'était pas adapté au cas d'espèce, puisqu'il répondait à l'hypothèse d'une mutation du virus de la grippe, dans la perspective relativement rapprochée de thérapeutiques et d'une vaccination. Le ministère de la santé nous a donc très vite indiqué que ce plan devait être modifié. Le SGDSN s'y est employé, avec le ministère de la santé, au cours du mois de février. La version définitive a été diffusée le 26 et, aux alentours du 19 février, nous avions une sorte de guide d'aide à la décision stratégique. Ce n'était donc pas le plan pandémie grippale. Son volet sanitaire avait été travaillé par le ministère de la santé en fonction du degré de connaissance qui était alors le sien, c'est-à-dire avec beaucoup d'incertitudes concernant le virus. Dans une seconde partie, non sanitaire, on retrouvait beaucoup d'éléments figurant dans le plan pandémie grippale, car il n'y avait pas lieu de le modifier.

Par ailleurs, dans la partie non sanitaire du plan pandémie grippale, on ne trouve pas certaines des mesures qui ont été prises pendant la crise, tel le confinement généralisé de la population. Comme tout le monde aurait préféré l'éviter, cela ne faisait pas partie de l'éventail des possibilités ; il se trouve qu'il est devenu indispensable afin de ne pas dépasser les capacités en lits de réanimation. En revanche, on trouve dans le plan beaucoup des mesures qui ont été mises en place, y compris dans la première partie, dont certaines très tôt.

Dans la première partie du plan, la description générique est ainsi présentée en quatre phases. La première vise à freiner l'introduction du virus sur le territoire national. La deuxième consiste à limiter sa propagation en fixant les points d'infection. La troisième porte sur la gestion de l'épidémie. La quatrième phase est celle du retour à la normale ou, éventuellement, de la préparation à une deuxième vague.

Toutefois, certaines mesures correspondant à chacune des phases ont pu être bouleversées par la situation que nous avons connue. Le plan, par exemple, est très contraignant au tout début de la crise, afin de limiter la dispersion, mais, quand l'épidémie est là, préconise plutôt d'en gérer les effets que de la contenir. Or on s'est rendu compte qu'il n'était pas possible de le faire, car cela faisait courir le risque d'être débordé. Les mesures contraignantes, dont le confinement généralisé, sont donc intervenues à un moment qui n'était pas prévu par le plan.

En revanche, dès la fin janvier, des mesures prévues par le plan ont été activées, notamment les contrôles à l'arrivée dans les aéroports et la délivrance d'informations sanitaires aux voyageurs, le contact tracing des voyageurs arrivant de Chine, de Macao ou de Hong Kong, ou encore la communication autour des gestes barrières, qui nous semblent désormais d'une évidence absolue. Certes, nous n'avons pas dit que nous déclenchions le plan pandémie grippale avant de prendre ces mesures mais, de fait, elles en faisaient partie. J'ai eu peu d'occasions d'assister à l'activation du plan pandémie grippale, mais il ne me semble pas que cela consiste à appuyer sur un bouton. Les décisions qui ont été prises s'écartaient un peu du plan, mais celui-ci nous a beaucoup servi : nombre d'entre elles en étaient inspirées. Il nous a fait gagner du temps, même si, à l'évidence, il faudra tirer les enseignements de la crise pour penser les plans de demain.

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