Intervention de Claire Landais

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 16h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Claire Landais, ancienne secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale :

. Une des pistes d'amélioration pourrait être l'élaboration d'un plan pandémie générique, quitte à ce qu'il soit moins détaillé que le plan pandémie grippale, même s'il est difficile de faire de la planification sur des objets complètement inconnus – ce virus, à propos duquel des incertitudes demeurent, en est l'illustration. Le fait que le plan date de 2011 n'est pas une difficulté en soi : l'aurait-on révisé entre-temps qu'on n'y aurait probablement apporté que des modifications marginales. Certes, la succession des révisions conduites sous le mandat de Francis Delon contraste avec l'absence d'évolution après 2011, mais elles faisaient suite aux enseignements tirés des alertes sanitaires de l'époque et à la diffusion par l'OMS elle-même de plans successifs.

Le plan est utile dans la mesure où il permet de gagner du temps, notamment du fait des exercices de mise en œuvre prévus pour les acteurs. À cet égard, on peut regretter qu'après avoir été réalisés en grand nombre, les exercices se soient espacés. Louis Gautier a dû vous dire – légitimement – à quel point le SGDSN a été occupé par la menace terroriste à partir de 2015. En dépit de cette menace, à laquelle il faut d'ailleurs ajouter la menace cyber et la menace stratégique, avec le retour des jeux entre les puissances, le SGDSN a continué à s'intéresser au champ sanitaire : un plan variole, testé à la fin de l'année dernière, est ainsi en cours de finalisation. Quoi qu'il en soit, il est vrai que l'on pourrait envisager la multiplication des exercices, quitte à ce qu'ils soient un peu moins sophistiqués, un peu moins complets et ne testent qu'une partie du plan.

Je le répète, je ne lis pas la doctrine, notamment concernant les masques FFP2, comme un transfert de responsabilité aux employeurs : c'est le rappel que les employeurs publics doivent protéger leurs salariés. Ils peuvent le faire aussi par l'acquisition de masques s'ils considèrent que la situation de travail de leurs agents le justifie. On ne peut pas dire que l'application de cette doctrine aurait dû être assortie d'un transfert de crédits à certains employeurs, puisqu'elle n'apportait aucune nouveauté, si ce n'est concernant l'usage des masques chirurgicaux FFP2, à propos desquels elle relayait les recommandations du Haut Conseil de la santé publique.

J'ai dit que la réunion du 26 janvier était la première à laquelle j'avais participé à Matignon, mais elle avait été précédée par d'autres. En janvier, c'est surtout l'évolution de la situation sanitaire en Chine qui était suivie de près, et le SGDSN n'avait pas participé à la toute première réunion à Matignon. À partir du 26 janvier, en revanche, nous étions dans la boucle.

Je comprends que vous vous demandiez pourquoi la cellule interministérielle de crise n'a été activée que le 14 mars. En réalité, nous n'avons pas attendu son activation pour faire vivre la coordination interministérielle, puisque si le centre de crise sanitaire du ministère de la santé a bien été chargé de la conduite opérationnelle de la crise – compte tenu de la dimension sanitaire de cette dernière, en tout cas au début –, le directeur général de la santé, qui était le directeur de crise, a été assez vite secondé. Le 19 février a été constituée la task force interministérielle à laquelle les autres ministères et la SGDSN ont contribué pour qu'à côté des sujets purement sanitaires, nous commencions à réfléchir ensemble à l'ensemble des conséquences de la crise. Après la mise en place du confinement, la dimension non sanitaire a pris une telle ampleur que le Premier ministre, en liaison avec le Président, a décidé d'activer la CIC, mais la dimension interministérielle préexistait. Elle a simplement été dimensionnée à la hauteur de ce qui était vécu avec le confinement.

Dans la position qui est la mienne, je suis mal à l'aise pour vous répondre s'agissant de la fiabilité des chiffres publiés par la Chine. Si j'avais eu des éléments, ils seraient classifiés.

Je ne me sens pas non plus à l'aise pour répondre à la question relative au temps de latence de la parole politique. Je crois vraiment, comme vous l'avez relevé, que la transparence a été assurée du début à la fin. Certes, les incertitudes ont pu entraîner des décalages de perception ressentis rétrospectivement plus fortement mais, personnellement, je n'ai pas eu le sentiment d'une présentation politique minorant ou aggravant le danger.

Le pilotage et la transmission des informations étaient des enjeux majeurs. Comme je l'ai dit, le directeur général de la santé assurait la conduite opérationnelle de la crise mais, dès janvier, la conduite stratégique et politique était assurée par le Premier ministre et par le Président de la République, en conseil de défense. Il y avait un conseil de défense par semaine environ. Entre chacun d'entre eux, était organisée quotidiennement une réunion de synthèse, suivie, à partir du 14 mars, de la « CIC synthèse », animée par le directeur de cabinet du Premier ministre et, avant la réunion du conseil de défense, par le secrétaire général de la présidence de la République. Lors de cette réunion quotidienne, les informations préparatoires aux décisions étaient échangées. Au fil du temps, des marges de progrès ont été regagnées dans l'information descendante, c'est-à-dire vers les réseaux. Si, en direction centrale, l'investissement des directions et des agents concernés était considérable – j'ai rencontré des membres de l'administration que je n'avais jamais côtoyés et la direction des achats de l'État a mis nombre de gens à disposition – et la circulation de l'information excellente, du côté des préfets et des agences régionales de santé (ARS), en revanche, il était plus difficile de s'assurer que sa descente et sa remontée s'effectuent correctement. Cela s'est amélioré au fil du temps.

Il m'est difficile de vous répondre sur les dispositifs dans les aéroports ou dans les gares. En tant que SGDSN, les sujets de sécurité dans les aéroports que j'ai eu à traiter ne sont pas liés à la crise du covid-19.

En revanche, la manipulation de l'information intéresse le SGDSN dans une dimension particulière et circonscrite : celle des opérations massives organisées par un État étranger ou un intermédiaire en vue de déstabiliser nos institutions. Là, nous sommes dans le haut du spectre de la sécurité nationale. Nous distinguons bien la manipulation de l'information stratégique et la désinformation sur les réseaux sociaux, difficile à contrer par l'État qui est vite soupçonné de vouloir lui-même manipuler l'information. Pour contrer l'utilisation et la diffusion de mauvaises informations par les réseaux sociaux, l'État compte beaucoup sur les acteurs de la société civile, notamment les journalistes, et il s'efforce d'avoir la communication institutionnelle la plus transparente et la plus objective possible.

S'agissant de la manipulation de l'information par des acteurs étatiques malveillants, un travail de coordination des acteurs interministériels est réalisé par le SGDSN et par les services de renseignement. Un des moyens utilisés est l'introduction d'un volet consacré à la manipulation de l'information dans tous les exercices conduits depuis un an et demi, lesquels comportaient une dimension médiatique simulée. Afin que les acteurs de la gestion de crise apprennent à gérer la communication de crise, il est désormais prévu un volet manipulation de l'information pour savoir comment réagir, quels outils utiliser, comment mobiliser les partenariats de l'Union européenne.

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